Commissariat central de Lyon 04 août -09:00

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C'était comme une habitude qui s'installait. Une heure plus tôt, le jeune stagiaire était allé chercher le journaliste en compagnie d'un gardien de la paix. Un surveillant l'avait tiré de sa cellule qu'il avait parcourue du regard en signe d'adieu, certain de sa remise en liberté. Sans doute reviendrait-il rechercher ses affaires un peu plus tard, mais ce ne serait qu'une insignifiante formalité en comparaison des deux semaines qu'il avait vécues. Une à une, il avait franchi les innombrables portes pour enfin monter dans le véhicule de police.

Durant le trajet, le journaliste se remémora cette étrange femme dont il n'avait pu retrouver le nom. Il voulut la chasser de sa mémoire, mais sa silhouette demeurait dans son esprit comme un mauvais présage. À mesure qu'il s'approchait du commissariat, il redoutait de la voir de nouveau et il fut soulagé en constatant qu'elle n'était pas là.

Le stagiaire le fit asseoir dans une petite salle d'attente. Abalon renonça à s'adosser au dossier, car les menottes lui faisaient mal. Avec la même exactitude que pour les précédents interrogatoires, Vinet le fit entrer à l'heure précise de leur rendez-vous. Elle fit discrètement un signe au stagiaire pour qu'il libère le suspect de ses entraves puis tendit la main au journaliste.

— Je suis désolée qu'on vous ait imposé ça. fit-elle en regardant Abalon masser ses poignets endoloris.

— Je suppose que vous n'y êtes pour rien. répondit-il par politesse.

— C'est la procédure, que voulez-vous...

— Oui, la procédure.

— Monsieur Abalon. reprit-elle avec embarras. J'ai eu hier un entretien avec le juge d'instruction et la juge des libertés.

Le journaliste visualisa mentalement le visage du premier en songeant qu'il n'aurait même pas eu le temps de rencontrer la seconde.

— Le juge Dumarc voulait ordonner votre remise en liberté en l'absence de preuves tangibles et, comme je vous l'ai dit, j'étais d'accord avec elle. Ce devait être l'objet de notre réunion, mais...

À cet instant, Vinet marqua une pause pour fouiller dans le dossier pourtant peu épais qu'elle tenait devant elle. « devait », « mais ». Ces mots firent naître une inquiétude dans l'esprit du prévenu, mais celui-ci se rassura en songeant qu'il s'agissait sans doute d'un petit contretemps technique. Après tout, il n'y avait jamais eu d'enlèvement et encore moins de meurtre et dans ces conditions, il était difficile d'imaginer qu'on l'accuserait longtemps d'un crime imaginaire.

— Excusez-moi. reprit Vinet. Voilà. Fit-elle en extirpant un feuillet de sa chemise cartonnée. Nous avons reçu une nouvelle lettre anonyme.

Vinet vit la stupeur s'installer sur le visage de son suspect qui accusa le coup en silence. Abalon passa son plan en revue à toute vitesse. Il n'avait jamais envoyé de troisième lettre. Comment était-ce possible ?

— Ah bon ? finit-il par dire.

— Cela semble vous étonner.

— Autant que les deux autres. répondit-il en essayant de garder une certaine contenance. Mais bon, il ne s'agit que d'une lettre de plus. Ça ne change pas grand-chose. Ajouta-t-il pour se rassurer plus que pour la convaincre.

— Je crains que non, monsieur Abalon, car la lettre nous a conduits à un cadavre.

— Un cadavre ! s'exclama le journaliste stupéfait.

— Oui monsieur, et ce cadavre, nous l'avons retrouvé.

De toute évidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant