Domicile des Feller Nice 25 août - 10:00

0 0 0
                                    

Cela faisait quatre mois que Grégoire Pavier était entré dans la police. Depuis ce jour, il apprenait son métier auprès du commandant Vinet. Il n'avait encore jamais participé à l'arrestation d'une meurtrière présumée. Le cœur palpitant, il était assis à côté de son mentor qui lui expliquait le déroulement de leur intervention. Littéralement émerveillé, il l'écoutait comme un disciple écoute un maître. À présent, la conviction de sa supérieure était devenue la sienne. Il ne se souvenait plus de ses anciennes certitudes que comme un lointain souvenir. Il était dans l'erreur, mais Hélène, son infaillible guide, avait une nouvelle fois montré tout son talent. Elle avait achevé de le convaincre sur le chemin, lorsqu'elle lui avait fait part de l'existence de Katy Presle. L'initiale, l'année 1981, la rancœur de la commanditaire, chaque élément coïncidait parfaitement avec tous les autres. Il mesurait maintenant la validité des principes d'Hélène. Toutes les preuves concordaient. De toute évidence, c'était elle, Katy Feller, alias Katy Presle.

Pavier mit le moteur en marche et franchit la grille de fer forgé restée ouverte. Les pneus crissaient légèrement sur le gravier tandis qu'Hélène comptait les palmiers qui bordaient le chemin. Le stagiaire se laissa impressionner, autant par le cachet de l'immense hôtel particulier qu'il découvrait que par l'idée de pénétrer dans la demeure d'une ancienne vedette du football. Hélène ne ressentit aucune émotion particulière à la vue de la bâtisse, mais son cerveau créa immédiatement une série d'associations propres à lui fournir de nouvelles informations : GRANDE MAISON — ARGENT — PERSONNEL NOMBREUX — PLUS DE SUSPECTS — KATY FELLER — MARIAGE OPPORTUNISTE — MOYENS — VENGEANCE. Une interminable suite de liens se propageait à grande vitesse dans son esprit en même temps qu'il évaluait les plus plausibles.

Ils descendirent de voiture et gravirent les quelques marches du perron. Pavier appuya sur le bouton de la sonnette, mais ils n'entendirent pas le moindre carillon. Après quelques secondes d'attente, il crut n'avoir pas appuyé assez fort et recommença. L'épaisseur des murs étouffait le moindre bruit venu de l'intérieur. L'excitation du stagiaire se transforma en agacement. Il s'apprêtait à frapper du poing sur la porte lorsque celle-ci s'ouvrit. Un homme de grande stature, maigre et impeccablement mis, les accueillit :

— Messieurs dames. fit le majordome d'un ton neutre.

— Police ! répliqua sèchement le stagiaire qui attendait depuis longtemps l'occasion de brandir sa carte tricolore.

— Nous voulons parler à monsieur ou madame Feller, s'il vous plaît. tempéra Vinet.

— Si vous voulez bien entrer...

L'homme désigna deux canapés et trois fauteuils en cuir blanc que l'on devinait luxueux.

— Vous pouvez attendre ici. Je vais voir s'ils peuvent vous recevoir.

En dépit de sa fortune, John Feller était un homme simple qui profitait tranquillement du luxe qu'offrait tout l'argent qu'il avait gagné en propulsant un ballon au fond des filets. Fatigué d'une fête qui s'était terminée tardivement, il dormait encore lorsque son majordome frappa à la porte de sa chambre. Sa femme, rentrée la veille après deux semaines d'absence, était étendue à ses côtés. Sans crainte de se faire éconduire, l'employé expliqua que la police souhaitait lui parler. Menant une vie paisible, l'ancien joueur de football marqua son étonnement :

— La police ? s'interrogea-t-il à haute voix. Qu'est-ce qu'ils veulent ?

— Je ne sais pas, monsieur. Ils veulent vous parler. À vous ou à votre femme.

— Bon. Faites-les patienter. Je descends dans un moment.

Pavier battait du pied et tenait difficilement en place dans son fauteuil pourtant confortable. L'angoisse se mêlait à l'excitation et il lui tardait d'appréhender la coupable.

De toute évidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant