Quai n°77 Bis [TMNT fiction]

5. L'attentat

Comme Léa faisait partie des gens qui tenaient leurs promesses, le lendemain soir, elle était retournée à la station pour refaire un dessin.

Même si elle avait été un peu déçue de ne pas voir de smiley sous sa peinture de la veille, la petite artiste s'était amusée à faire des tortues de toutes les formes: petites, grandes, grosses, maigres, bleues, vertes, de mer, d'eau douce, terrestres, et même des tortues qui marchaient sur leurs pattes arrières. Elle était ensuite repartit tôt pour se coucher de bonne heure: avoir ses règles et s'endormir à 23h tous les soirs, c'était fatiguant pour une petite ado de treize ans. Surtout que Léa était une grosse dormeuse.

Bref, aujourd'hui, lundi matin, elle somnolait en cours d'anglais.

La jeune fille regarda par la fenêtre. Autour d'eux, des immeubles gris, sous un ciel gris. Elle posa sa tête sur sa main en s'imaginant colorier les bâtiments; elle voulait faire du monde une grande maison remplie de bonheur. À l'aide de sa peinture, elle espérait y arriver, et penser à son mystérieux public lui redonna de l'énergie. Ce soir, elle retournerait dessiner pour lui...ou pour elle. Lili était intimement persuadée que le fantôme était une fille.

Elle leva la main pour participer lorsque Mme. Jackson demanda aux élèves de donner les arguments communs du corpus qu'ils étudiaient. La femme, une quinquagénaire un peu maigre, l'interrogea en souriant. Cela ne faisait que deux semaines que Léa était au lycée, mais elle commençait déjà à nouer des liens avec ses professeurs: Mme. Jackson semblait particulièrement l'apprécier. C'était plutôt encourageant.

- On pourrait partir de l'idée que les trois textes parlent d'un amour complexe et d'un désanchantement du héros vis à vis de cet amour?》 Fit Lili en baissant la main, le plus naturellement du monde.

- Très bien Léa.》 Se félicita sa professeure. 《Peux-tu me trouver un troisième...》

Mme. Jackon s'interrompit: une alarme stridente venait de se déclencher. Les yeux écarquillés, elle fixa la porte, l'air de ne pas savoir quoi faire. Comme si le boucan soudain recouvrait toutes ses pensées.

- C'est un exercice?》 Paniqua mécaniquement une fille assise près de Léa.

La professeure se reprit enfin et lança un regard posé à chacun de ses élèves.

- Fermez les fenêtres et mettez vous sous vos tables》 Ordonna-t-elle. 《Cela ne devrait durer que quelques minutes. Ensuite, nous reprendrons l'exercice de corpus.》

Les élèves obtempérèrent, certains excités par l'entraînement, d'autres peu rassurés. Le portable de Léa sonna soudain furieusement dans sa poche, faisant bifurquer quelques regards vers elle.

- Éteignez vos téléphones.》 Grinça Mme. Jackson en fermant la porte de la classe à double tour. 《Nous devons laisser la ligne libre.》

Sa voix tremblait très légèrement et Léa remarqua qu'elle tenait fermement sa règle de bureau, comme si elle s'y accrochait de toutes ses forces. La jeune fille se dépêcha d'éteindre son portable et de se blottir sous sa table. Ça ne lui disait rien qui vaille.

L'alarme retentissait toujours, accompagnée d'une voix robotique qui répétait "alerte intrusion" toutes les deux minutes. Tous les élèves avaient maintenant perçu la tension de l'adulte.

Il régnait une étrange ambiance, dans le lycée...on entendait des chuchotis, dans la salle de classe d'à côté, mais à part ça et l'alarme, il n'y avait plus de bruit. Pas d'élèves qui riaient dans le couloir, pas de brouhaha venu de la cour ou de la rue, pas de surveillants qui interpellaient des perturbateurs, pas de professeurs qui criaient sur leurs élèves turbulents...
Soudain, des bruits de cavalcade retentirent dans les couloirs: les lycéens relevèrent la tête, surpris, curieux, inquiets. Ils hurlèrent lorsqu'un coup de feu retentit brusquement.