Son caban noir se referma plus étroitement sur sa marinière. Le début du mois d'avril s'annonçait glacial et Alina aurait dû investir dans une parka. Après ces quatre jours d'intenses orages, le soleil pointait le bout de son nez. Sa motivation avait au fur et à mesure diminué. Non seulement Maé n'avait pas donné de signe de vie avant hier, mais elle lui avait ensuite ordonné d'être à sept heures trente pétantes chez elle.
La maison se situait au sommet d'une colline et les indications étaient claires : suivre le ruisseau. Le cottage se détachait parmi les sapins et d'autres espèces d'arbres inconnues. De multiples plantes encadraient les murs en pierre beige. Un cerisier en fleur balançait ses feuilles au gré du vent. Cette minuscule demeure avait un certain charme. Elle semblait rénovée, mais gardait un aspect assez vieillot, comme figée dans le temps. Sa montre de sport lui indiqua qu'elle n'était pas en retard.
Sa respiration se stabilisa et ses joues se refroidirent. La bergère ne tarda pas à la rejoindre, habillée d'une simple salopette bleue et d'un t-shirt délavé. Alina se dit que sa peau devait se composer de cuir, sinon impossible de survivre à des températures pareilles. La citadine n'avait pas l'habitude des hivers en montagne. Aujourd'hui, le climat restait clément. Après un timide bonjour, Maé lança :
— Les affaires pour nettoyer sont dans le placard situé...
— Attends une minute, tu m'as fait lever pour que je récure tes toilettes ? Je ne veux pas être femme de ménage !
Maé croisa les bras sur sa poitrine et Alina leva fièrement le menton, son enthousiasme chuta. Pendant que la bataille de regards faisait rage, une forte odeur se propagea. Un doux sourire s'afficha sur le visage de la campagnarde et au même moment, une mâchoire se ferma sur la magnifique veste de l'arrivante. Cette dernière émit un cri de surprise et fit volte-face. L'origine de la senteur pestilentielle provenait d'un bélier blanc comme neige et qui possédait une large entaille sur la joue. Après la stupeur passée, elles se mirent à rire. Heureusement pour Alina, il avait juste tiré sur son vêtement et ne l'avait pas abîmé.
En une fraction de seconde, l'expression de l'exploitante se ferma, elle n'aimait pas du tout cette situation. L'agneau au pelage noir se précipita vers Alina, virant au passage le bélier. Elle le caressa avec tendresse et se renseigna sur son nom.
— Il s'appelle Méchoui.
Était-ce une plaisanterie ? Visiblement non, car aucun rictus ne se peignit sur les lèvres fines de Maé.
— Un plat, sérieusement, Alex ne serait pas très content que tu décrives son futur ainsi.
Elle aurait dû rigoler, mais son masque s'était remis en place. Ce n'étaient pas dans ses habitudes de s'ouvrir aussi facilement aux autres. Sa résolution s'envola quand la bouche d'Alina laissa apparaître une lignée de dents blanches.
— Je te propose une visite de ma ferme ? Après tu pourras repartir puisque ce travail ne t'intéresse pas, proposa la brune dans un ton faussement détaché.
Elle hésita, de toute manière la journée avait commencé, les premiers rayons de soleil éblouissaient déjà le ciel d'une myriade de couleurs, le sommeil ne reviendrait pas avant ce soir.
Elles n'échangèrent pas un mot de plus, seul l'animal bêlait gaiement à leurs côtés. L'exploitation ne s'étendait pas très loin. Il était aisé de repérer les béliers à leurs odeurs. Alina ne s'aventurait pas trop près tandis que la fermière récupérait une sorte de farine dans le silo en forme d'entonnoir. D'une poigne de fer, Maé renversa le contenu du seau au niveau des mâchoires avides. Ses yeux noisette observaient avec sérénité les ovins. Sans plus s'attarder, elles contournèrent le bâtiment. Des tôles formaient le toit et les murs en béton étaient ornés de nombreuses toiles d'araignées.
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La mémoire de l'ambre.
AdventureAlina abandonne sa dernière année d'études en école de commerce pour se réfugier à Saint-Ambre où son père a vécu toute son enfance. Là-bas, elle fait la rencontre de campagnards aux caractères bien trempés : un jeune apprenti cuisinier végétarien a...