- Chapitre 28 -

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Un vitrail représentait l'arbre de vie avec de multiples branches qui accueillaient des pierres dorées. Plusieurs rangées de banc s'alignaient les uns derrière les autres. Le bois semblait avoir été rongé par les flammes et le temps. Sur chacun des dossiers, le symbole de Saint-Ambre s'y gravait. Du lierre s'enroulait autour des insignes religieux, recouvrait les représentations de la Bible et masquait une partie de la luminosité. Les genoux de Maé s'enfonçaient dans la mousse et ses doigts repoussaient la saleté.

— Eh, ça va ? interrogea Alina après avoir accouru dans sa direction.

Des larmes roulaient sur les joues rebondies de sa conscrite tandis qu'un franc sourire étirait ses fines lèvres.

— Je suis déjà venue ici à huit ans. Je me sens si bien.

Ses paupières restaient assurément closes.

— Tu étais passée par le passage vers la cabane ? C'est pour ça, toute cette craie ?

Elle acquiesça et s'appuya un peu plus sur la plaque lumineuse qui ressemblait sérieusement à de l'ambre.

— Le prête voulait ça en échange du remède.

Son interlocutrice ne la reconnaissait plus.

— Explique-moi, je t'en supplie.

Sa paume frôla son dos, lui provocant un long frisson.

— Un jour, un nouveau prêtre s'était installé au village qui se situait ici. Quelque temps après son arrivée, une maladie étrange se propagea uniquement parmi ces habitants. L'homme religieux leur parla d'une punition divine qui les touchait, car ils n'étaient pas assez croyants.

— Mireille me l'a déjà raconté, ronchonna Alina qui fixait le haut plafond lézardé avec appréhension.

Maé n'en démordit pas et poursuivit son récit :

— La seule personne qui n'était pas touchée, c'était moi. Un jour, la draille que j'empruntais habituellement avec mon troupeau n'était plus praticable. Un agneau noir but donc pour la première fois l'eau d'une des sources qui menait vers le centre du village. À son tour, il devint malade et impossible de le soigner avec mes dons de guérisseuse. Quand j'ai voulu demander de l'aide au prêtre qui promettait la salutation et la santé, il a senti mon pouvoir et ma dangerosité.

La conteuse parlait d'elle comme la véritable bergère. Pourquoi ?

— J'ai trouvé une croix avec de l'ambre, c'est là où tout est devenu clair dans mon esprit. J'ai senti les intentions du clerc, vécu sa frustration, partagé ses ambitions les plus fortes. Cela m'a amenée à arpenter ces galeries naturelles. Il avait une raison pour avoir versé du poison dans un des embranchements de la source. Cette croix était mon indice capital pour décrypter ses intentions.

Elle marqua une pause, les yeux toujours fermés. Alina se mit à genoux, les sourcils tellement froncés qu'un mal de crâne pointait déjà son nez.

— Il en donnait à chacun en échange de la guérison. Le mystique leur demandait de le porter pendant les grandes cérémonies et les moments les plus heureux afin de créer du lien avec Dieu et leur promettre la paix éternelle.

La citadine avait une curieuse envie de rire et de pleurer en même temps.

— La mémoire est faillible, elle garde les moments les plus marquants, se sépare des plus doux et s'accapare des instants les plus tristes. L'ambre la possède, cette fameuse mémoire. Liés à ces souvenirs, il y a les émotions qui évoluent au cours des années dans notre tête, mais qui restent figées dans cette gemme.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant