- Chapitre 13 -

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Un filet de lumière perçait le store, ce qui commençait à alerter Alina. Normalement, à cinq heures du matin, les étoiles se voyaient encore dans le ciel. Alors pourquoi avait-elle l'impression que le soleil prenait le pas sur la nuit ? Sa fatigue due au samedi chargée en travail prit le dessus et ses paupières se fermèrent à nouveau.

Quelqu'un toqua doucement à la porte et l'appela :

— Alina ? C'est bientôt dix heures, tu n'es toujours pas réveillée ?

Cette dernière balança sa couette sur le sol, soudainement consciente de son retard. Elle enfila sa marinière et son jean de la veille qui sentait encore le bélier. Jean-Grégoire se tenait devant sa chambre.

— J'ai ta mère au téléphone.

Il n'appréciait toujours pas qu'Alina aille aider son oncle et ne perdait pas une occasion de le lui signaler. L'orage gronda et de grosses gouttes de pluie s'abattirent sur le village. La bonne nouvelle était que le marché serait peut-être annulé, mais la mauvaise restait que Paul lui fera tout de même une remontrance. Ils descendirent les escaliers et elle attrapa le combiné. Le maraîcher patientera trente minutes de plus.

— Bonjour ma chérie, joyeuses Pâques ! s'exclama l'aînée.

Personne n'avait évoqué du vingt et un avril comme cette sainte journée où l'on fêtait la résurrection de Jésus.

— Ton père m'a enfin transmis ce numéro, enchaîna-t-elle sur un ton moins chaleureux. Il était très remonté contre toi quand je lui ai demandé comment tu l'avais eu au téléphone. Il parlait d'un collier et des lettres, toujours à râler celui-là.

Après le divorce, leur rancœur demeurait aussi vive, au plus grand dam d'Alina. Louis avait donc découvert son petit emprunt. Les habitués du bar jouaient déjà au tarot autour d'une boisson et leurs railleries l'agaçaient.

— Si c'est pour me dire que papa est un égoïste, je raccroche.

Sa génitrice avait mis un mois à la recontacter, peut-être que son boulot lui prenait trop temps, comme toujours. Alina gardait son smartphone dans son sac à dos, hors de portée, mais son absence de réponse n'avait pas autant inquiété son interlocutrice.

— Je voulais discuter avec toi de l'école.

Son ton de femme d'affaires lui donna envie de partir. Cette conversation devait avoir lieu un jour de toute façon.

— Je n'ai pas écrit une seule ligne de mon mémoire.

De plus, le redoublement était impossible en deuxième année de master et aucune nuit blanche ne parviendrait à rattraper son retard.

— Tu étais pourtant heureuse, tu me racontais tes soirées avec ton super groupe d'amis et tu as des excellentes notes. Pourquoi tout arrêter maintenant ?

Alina aimerait lui révéler les nuits de révisions à n'en plus finir, l'angoisse à chaque examen et les cours interminables. Ces trente derniers jours lui avaient permis de se libérer de cette peur qui lui broyait les côtes depuis cinq ans. Cependant, aucun mot ne sortit de sa bouche. Son regard dévia sur les visages rayonnants et rougis par le pastis des anciens. Où était sa place ?

— Bon, tu te plais au moins à Saint-Ambre ?

Leur relation s'était dégradée au fil du temps, surtout depuis que sa mère, Thaïs, l'avait poussée à poursuivre dans le commerce.

— Oui, j'ai rencontré mon oncle, il est un peu rude.

La chienne de Paul attendait assise devant la porte, hors de vue de Jean-Grégoire qui repartait dans les cuisines. Étonnée, elle n'écouta pas sa mère et lui demanda de répéter.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant