- Chapitre 22 -

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Voilà six jours que les deux femmes s'occupaient des ovins à plusieurs kilomètres de Saint-Ambre. Alina gardait les yeux ouverts et contemplait le plafond à présent réparé. Le bol au centre de la pièce avait disparu, les moustiques leur tournaient toujours autour, un bêlement au loin en entraînait d'autres, mais cette routine se tachait d'une pointe de déception. Aucun indice ne les aidait à avancer dans leurs recherches ou plutôt dans ses recherches. En effet, Maé, qui dormait dans un profond sommeil à sa gauche, ne mettait pas du cœur à l'ouvrage.

Son soupir chassa l'insecte qui s'apprêtait à lui piquer la lèvre. La première carte était l'Hermite, c'était un simple retard, une expérimentation prudente. Cela ne pouvait qu'être des extrapolations sur des images dont la signification disait tout et son contraire. Pourtant, impossible de ne pas s'enlever de l'esprit la perspective d'une trahison, d'un secret qui la mettrait en colère. Après tout, cela ne demeurait qu'un simple édifice religieux, oublié au fil des siècles et finissant par devenir une simple légende : un conte pour endormir les plus naïfs, disait Paul. Alors pourquoi avait-il entraîné Ambre dans cette histoire ? Ce paradoxe la laissait perplexe. À son retour, Alina irait le voir sous prétexte de récupérer son cadeau, mais elle lui demandera en face la vérité. Était-ce cela qui l'énervera ?

Son attention se focalisa sur les dessins, illuminés par la pleine lune. La fermière lui avait déconseillé de revenir à la rivière afin d'éviter de se retrouver nez à nez avec un reptile ou une tique. Toutefois, les roches l'intriguaient, le reflet titillait sa curiosité. Si la bergère ne désirait pas l'aider, elle se débrouillerait. L'aube ne tarda pas à arriver et sa motivation se décupla. Sa petite amie dormait à poing fermé, en espérant que son hypersensibilité ne percevait pas chaque bruit. Ses doigts de pied rencontrèrent le rebord de la table. Suite à son juron, la campagnarde se retourna et chuchota :

— Où vas-tu ?

— Aux toilettes, rendors-toi, il est tôt, répondit-elle en lassant ses Stan Smith.

Le froid lui donna la chair de poule immédiatement. Elle regrettait de ne pas avoir mis une veste au-dessus de son débardeur. La luminosité s'élevait et chassait les étoiles. La rosée rendait l'herbe glissante, il ne manquerait plus qu'elle se casse un bras. Les insectes commençaient déjà à chanter, la libérant du silence qui rendait la forêt menaçante au moindre bruit. Le craquement d'une branche la fit sursauter.

— Bé ! Bé ! Bé !

Une masse noire se précipita dans la pente.

— Arrête de me suivre, ordonna l'ancienne étudiante en battant des bras pour l'effrayer.

Sa tentative échoua lamentablement, Méchoui lui lécha les doigts. Elle marcha sans se soucier de lui, se remémorant le chemin. Son compagnon manquait de discrétion et s'interrompait quand un végétal lui paraissait appétissant. Tandis que la marcheuse tournait vers la gauche pour espérer découvrir la rivière, il partit à l'opposé.

— Viens avec moi, je ne veux pas te laisser tout seul.

Cependant, l'agneau continua sa route, sans se soucier des branches qui s'agglutinaient sur ses sombres poils. Alina le suivit, bien décidée à retourner au plus vite sur ses pas. À sa plus grande surprise, une étendue d'eau l'accueillit après quelques centaines de mètres. Le futur mouton s'abreuva avec vigueur dans la rivière. Un bâton entre les doigts, elle longea la rive en scrutant à la fois chaque buisson avec son bout de bois et en essayant de repérer le but de son escapade. Au bout de dix minutes, les rochers apparurent dans son champ de vision. L'animal poursuivait son festin sans se préoccuper de l'escaladeuse.

L'éclat lumineux n'était pas un mirage ! Elle s'accroupit et s'approcha de la fente où émanait cet étrange reflet. Son pouls s'accéléra, témoin d'une excitation soudaine : la pierre n'était pas accrochée à la paroi. Un craquement sonore résonna et elle roula avant de dégringoler dans l'eau, l'éclaboussant au passage. Sa déception se lit sur son visage, marqué par une grimace. La lumière se reflétait simplement sur des cristaux. Sa concentration se focalisa sur les pierres rassemblées dans ce trou. Ne serait-ce pas la collection de Maé ? Elles étaient toutes brillantes, de couleurs variant du bleu turquoise au noir profond.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant