- Chapitre 27 -

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— Bon, je ne te fais pas payer un deuxième ticket, c'est offert par la maison ! s'exclama Gabrielle en tournant la clé.

Le moteur vrombit et au même moment que les deux femmes contournèrent le rond-point, Alexandre les aperçut. Ses sourcils bicolores se froncèrent. Alina ne partira pas avant d'avoir convaincu les Bailly d'arrêter ses recherches ou bien après avoir trouvé cette satanée église qui posait autant de soucis.

Il leur fallut une heure au total pour faire l'aller-retour. Midi approchait et son dernier repas datait de la veille. Son organisme réclamait de la nourriture, l'empêchant de réfléchir. La vieille valise toucha à peine le sol que sa propriétaire l'abandonna. Pas le temps de discuter avec Jean-Grégoire qui sortait du restaurant avec son tablier et son torchon. Alina courut presque jusqu'à la maison de Maé, le souffle court et le corps en hypoglycémie.

La porte d'entrée fut assaillie par les coups répétés de la citadine, mais elle ne s'ouvrit pas. Le garage était aussi fermé, de même que la porte qui menait à l'atelier. Sans plus attendre, elle retourna à la place du village. Le puits semblait la narguer avec ses symboles gravés dessus. Paul disait que des galeries s'entrecoupaient. Une image émergea et l'évidence lui sauta aux yeux. Elle contourna la bâtisse et prit les escaliers afin de rentrer au sous-sol sans qu'on ne la remarque. La lumière révéla les tâches de rouge sur le mur d'en face où se dissimulait la paire à trois ailes avec sa voute dans le fond. Si l'oncle d'Alexandre s'acharnait sur ce tas de pierres, il devait y avoir une bonne raison.

Cet emblème se trouvait donc aussi chez Paul. Ces différents bâtiments avaient-ils été construits après la fuite des habitants ? Ses doigts tâtèrent la paroi comme s'ils pouvaient actionner un passage. La vendeuse de savon avait pu l'emprunter. Ses Stan Smith percutaient les débris de verre et l'alcool collait à ses semelles. Prise d'un élan de désespoir, elle s'affala sur la terre battue.

Son regard longea les rangées de bouteilles. Ses paupières papillonnèrent pour laisser le temps à la vision de s'accommoder à l'obscurité. Derrière l'un des meubles, une insertion en bois dépassait. L'odeur de renfermé et d'éthanol embrouillait ses pensées. Ses pieds titubèrent jusqu'à atteindre le coin de la pièce. Il y avait une minuscule porte avec une poignée à moitié arrachée. Un grincement strident résonna, puis un courant d'air s'insinua dans la cave. Elle sortit de sa poche arrière son téléphone et le collier tomba. Afin d'éviter de perdre le pendentif en forme de croix, la chaîne s'enroula autour de son pouce. Le flash de l'appareil photo illumina le fond.

Devait-elle rentrer dedans malgré les avertissements de Paul ? Si la vie de Maé en dépendait, alors oui. Son dos se courba dangereusement afin de pouvoir se faufiler à l'intérieur. Quelques mètres plus loin, le plafond fut assez haut pour qu'un humain se mette debout. Si son sens de l'orientation n'était pas défaillant, le puits serait dans le couloir de gauche. Des traces de craie rose longeaient la paroi. L'humidité s'insinua sous ses vêtements et se mêla à la transpiration due au stress. Elle atterrit devant un cul-de-sac : des roches s'étaient effondrées.

Aucun tremblement de terre ne présumait qu'une autre partie des souterrains avait cédé, du moins elle l'espérait. Cela datait donc d'hier et l'eau ne passait plus beaucoup. Elle prit une nouvelle branche, mais cette fois-ci, la marque était violette. Impossible de calculer les distances : avait-elle parcouru trois cents mètres ou un demi-kilomètre ? Ne sachant pas où se diriger, ses pas empruntèrent un troisième passage, mais aucune marque ne laissait penser que Maé serait venue ici.

La lumière s'éteignit brutalement. La voilà désormais plongée dans le noir sous des tonnes de terre. Une angoisse sourde se mit à grandir dans sa poitrine jusqu'à envahir chaque pore de sa peau. Ce sentiment d'être enfermée entre des blocs de pierre ne lui avait jamais paru aussi fort. Paralysée, elle songeait à toutes ces sorties en spéléologie où parfois le chemin était ardu voire impossible à pratiquer. Chaque mouvement résonnait dans les cavités, ce qui lui donnait l'impression que quelqu'un d'autre les arpentait.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant