- Chapitre 25 -

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Un tremblement la sortit de son sommeil, cela dura seulement cinq secondes. Serait-ce une hallucination ou les restes d'un mauvais rêve ? Alina se souvint alors qu'elle devait rejoindre Maé à vingt heures. Minuit approchait et son retard ne se comptait plus. En ce moment, elle tombait facilement de fatigue. Ses pieds nus touchèrent le parquet et s'approchèrent de la fenêtre. Le puits restait désespérément seul. Cependant, elle crut apercevoir une lumière à travers le trou. Ses doigts frottèrent ses paupières, mais la place ne changeait pas de d'habitude. Ses cernes ne disparaissaient plus malgré les nombreuses heures de repos. Après avoir enfilé une unique chaussure, elle s'allongea pour se reposer les yeux.

Un fracas assourdissant résonna, cela ressemblait à un verre qui se brisait. Elle s'était assoupie trente minutes. Ce son lui rappelait un souvenir : le jour de son arrivée. L'image du symbole de Saint-Ambre sur un mur de la cave à vin de l'auberge lui revint en mémoire. Était-ce Jean-Grégoire qui balançait des bouteilles à travers cette pièce ?

Sa porte grinça en même temps que le parquet craqua. Son gilet se resserra autour de sa poitrine, mais il ne parvint pas à chasser les frissons qui lui parcouraient les bras. Louis sortait lui aussi, les cheveux en bataille et enroulé dans un peignoir.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Apparemment, il n'avait pas connaissance du comportement de son ami d'enfance. Alina ne répondit pas et descendit les escaliers sur la pointe des pieds, ceux menant au sous-sol étaient visibles à travers la grande porte ouverte. Des paroles de réconfort se mêlaient aux cris de rage. Quelqu'un remonta précipitamment au rez-de-chaussée avant de s'arrêter devant les deux membres des Germinie.

— Ne vous inquiétez pas, allez-vous recoucher, les rassura Alexandre qui récupérait un verre d'eau d'une main tremblante.

Cette fois, la citadine ne resterait pas sans rien faire.

— Dis-moi ce que Jean-Gé a, le supplia-t-elle en s'approchant de lui. Il a réagi de la même manière quand je suis arrivée ici.

Des sanglots déchirèrent le silence pesant. Son géniteur se précipita vers le restaurateur en bousculant sans ménagement Alexandre. Ce dernier soupira, des gouttes de sueur se reflétaient avec la lumière lunaire et donnaient à sa peau une étrange couleur pâle. La citadine le suivit, la gorge sèche. À côté des escaliers, une masse sombre se repliait sur elle-même. Une lampe torche éclairait l'entrée de la cave à vin. À peine avait-elle remarqué un liquide rouge sur le sol que l'apprenti cuisinier referma la porte.

— Je crois que tu ne te sens pas très bien, tu as bu ? murmura Louis en s'abaissant pour empoigner l'épaule de son compagnon.

— Ça fait vingt et un ans que je n'en ai pas touché une goutte d'alcool, même son odeur me fait tourner de l'œil.

Le raisin fermenté embaumait le lieu. La culpabilité le rongeait-il à ce point ? Mais pourquoi ? Qu'avait-il fait ? Alexandre et Alina le remirent sur debout et l'emmenèrent dans la chambre. Une fois allongé, il ne tarda pas à ronfler bruyamment. Les trois autres s'installèrent sur les tabourets du bar, une boisson chaude entre les doigts.

— Tu fais un meilleur chocolat chaud que ton oncle, félicita Louis.

Alexandre ne l'écoutait plus, son regard se perdait dans le vide.

— Quand on était gamin, il faisait souvent des crises d'angoisse.

— Il en a toujours, même si c'est de plus en plus rare et plus vraiment de la même nature, rétorqua le porteur de lunettes.

Alina se demandait pourquoi cette culpabilité le rongeait. Il en parlait dans ses lettres, Paul l'évoquait ; ce casse-tête lui donnait la migraine. Maé lui avait affirmé qu'aller voir un professionnel l'avait aidé à gérer ces moments de panique, jusqu'à lui permettre de les calmer avant qu'ils ne deviennent incontrôlables.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant