- Chapitre 2 -

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La fenêtre de toit donnait directement sur son lit. Dès qu'un rayon de lumière perçait les nuages, il se logeait au niveau des paupières de la rêveuse. Alina se tourna à nouveau dans son lit et poussa un soupir. Une heure plus tard, les gouttes sur la vitre la réveillèrent. Ses souvenirs revinrent, la chambre de l'auberge remplaçait celle du logement étudiant. Les murs écaillés apparaissaient désormais avec une teinte jaune-canari grâce à la lumière du jour.

Pour une fois, elle se leva sans rester trente minutes à envier la vie des autres via son bout de plastique. Alina devait impérativement retrouver Alexandre pour envoyer un message à son géniteur. L'esprit encore embrumé, la jeune femme s'habilla sans prendre le temps de réfléchir à son accoutrement, une première. Le pendentif en croix se dissimulait parmi les chaussettes et les anciennes lettres. Elle l'accrocha à son cou et le cacha sous son t-shirt. Étrangement, le métal était tiède.

Ses Stan Smith dorés couinèrent sur les lattes quand elle sortit de la pièce. Le couloir était rempli d'une odeur alléchante qui fit gargouiller son ventre. Les huit heures réglementaires étaient largement dépassées. Elle n'avait pas fait de grasse matinée depuis des années.


Alina pénétra dans la grande salle, encore vide. Alexandre se situait derrière le bar et fixait le vide avec intensité. Son livre était sur le point de tomber. Il le referma bruyamment quand elle le salua. D'un geste nerveux, il remit ses lunettes rondes correctement sur son nez aquilin. Le titre était bien lisible : « 1000 et une recettes végans ».

— Tu es en retard pour le petit déjeuner, reprocha-t-il en essuyant une tasse de café.

Son bandana rose toujours sur la tête, il leva son unique sourcil roux d'un air interrogateur. Il avait perdu sa bonne humeur et ses cernes témoignaient de sa petite nuit.

— Excuse-moi, je n'ai pas...

Le jeune homme ne lui laissa pas le temps de finir et il s'éclipsa dans la cuisine. Hébétée, elle attendit cinq bonnes minutes avant qu'il ne revienne. Il lui fit signe d'aller s'asseoir dans un coin. Une table s'y trouvait et la vitre lui offrait une vue imprenable sur la place.

— Tu as de la chance que je sois généreux, je t'avais préparé un plat spécial !

Alina déglutit, elle ne savait pas si c'était une bonne nouvelle. Les pancakes n'avaient pas leur couleur habituelle. La pâte était remplie de morceaux verts difficilement identifiables.

— J'en ai de la chance, ironisa-t-elle en s'installant sur une banquette rouge. Qu'est-ce que c'est ?


Il n'avait pas remarqué son sarcasme et se mit en face d'elle avec le même bloc note que la veille. Son stylo plume dans les mains, il répondit :

— Je me suis dit que tu pourrais m'aider à tester des recettes. J'ai fait avec ce que j'avais dans le jardin, c'est-à-dire des épinards et des oignons nouveaux.

Ses pupilles noisette brillaient d'excitation et Alina dût se résigner à attraper sa fourchette. Sous l'œil attentif de l'apprenti cuisiner, elle avala précipitamment une bouchée. Un arrière-goût de citron vert lui prit la gorge.

— Sens-tu le beurre salé et l'acidité de l'agrume ? Je n'ai pas mis de piment finalement, expliqua-t-il en griffonnant.

Elle acquiesça d'un signe de tête et poursuivit sa dégustation, le mélange n'était pas si mauvais. Des voix retentirent dans son dos et une clochette indiqua l'entrée des clients.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant