Le pendentif en croix marquait la peau de sa main. Alina n'avait jamais gravi aussi vite la colline. Midi approchait et la traite devait être largement terminée. Après avoir fait le tour des bâtiments, elle se dirigea vers l'atelier d'un pas déterminé. Méchoui se prélassait au soleil, la langue à demi-sortie pour attraper quelques brins d'herbe. Ses oreilles se levèrent quand il remarqua le comportement étrange de la nouvelle arrivante. Son mufle se frotta contre sa jambe.
— Éloigne-toi de là, grommela la citadine.
Ignorant la déception de l'animal, elle se faufila dans la pièce toujours lumineuse. Maé se tenait derrière l'armoire où se situaient de multiples tableaux.
— Oh tu es là ! s'exclama-t-elle en lui lançant un sourire radieux.
Ses fossettes se relâchèrent à la vue de la mine déconfite de sa partenaire. Alina aperçut l'œuvre d'art qui l'intéressait : celle où une galerie y était dessinée avec des yeux dorés dans le fond. L'eau était présente à ce moment-là sous forme d'un ruissellement.
— Tu prétends utiliser l'art pour te décharger de tes sentiments, tu m'as parlé d'obsessions. Je suis vraiment une imbécile.
Elle reprit une profonde respiration pour parvenir à articuler une phrase cohérente :
— Le pire c'est que tu m'as laissé croire que Paul était le coupable. Ton envie de trouver cette satanée église passe encore, mais me mentir droit dans les yeux alors que je te parlais de la personne qui a volé le collier, ça m'écœure.
La campagnarde fixa les mains où une croix dépassait.
— Où l'as-tu eu ?
Une grimace déforma le visage de l'ancienne étudiante.
— Tu devrais le savoir non ? J'ai fait un petit tour sous la terre, cela ressemble vachement à ce beau tableau d'ailleurs. Il manque les pupilles dorés de Méchoui et les traces de craie sur les parois. Ce n'est pas bête cette technique pour se repérer là-dessous.
Une expression de surprise apparut sur le faciès de la conscrite, mais Alina était trop préoccupée par sa tirade.
— Alors avoue-le moi, est-ce toi qui l'as volée quand j'étais en train de jouer au tarot ?
Elle acquiesça, le regard vissé sur ses chaussures de sécurité.
— Tu n'es jamais allée voir Alex et le carnet en bas des escaliers, ce n'était pas un hasard. Oh j'ai encore mieux, quand on était au bord de la rivière là-haut, tu ne voulais pas que je découvre quoi au juste ? Un passage ? Tu voulais le garder pour toi ? Et hier ? Qu'as-tu fait ?
Son débit de paroles était trop élevé pour que la fermière réussisse à lui donner des réponses.
— Une vraie hypocrite à me dire que j'en fais trop pour un simple bâtiment. Donc, selon toi, qu'est-ce que cela va t'apporter ?
— Tu ne peux pas comprendre, murmura l'exploitante.
Alina n'en revenait pas, si encore elle s'excusait, cela pourrait s'arranger. L'explosion de colère était présente. Les cartes annonçaient un avenir plus prometteur, mais là, son envie la plus chère était de s'éloigner. D'ailleurs, son géniteur devrait partir tôt avec l'apprenti cuisinier pour l'emmener jusqu'à la gare.
— Je dois dire au revoir à mon papa, annonça-t-elle d'un ton froid.
La bergère lui attrapa un instant le poignet pour la retenir.
— Tu reviens, hein ?
Sa voix se brisait, ses iris noisette pétillaient et ses fines lèvres ne se relevaient plus pour afficher ses jolies dents. Alina arrêta son observation, tourna les talons pour repartir vers le village. Essoufflée, elle se précipita dans l'auberge où Jean-Grégoire se tenait accoudé au bord, un torchon entre les mains.

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La mémoire de l'ambre.
AdventureAlina abandonne sa dernière année d'études en école de commerce pour se réfugier à Saint-Ambre où son père a vécu toute son enfance. Là-bas, elle fait la rencontre de campagnards aux caractères bien trempés : un jeune apprenti cuisinier végétarien a...