- Chapitre 14 -

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Jean-Grégoire parvint à la croiser le lendemain en fin de matinée. Alina était restée auprès de son oncle jusqu'à tard le soir. Le restaurateur la salua et lui fit signe d'aller dans les cuisines, hors de portée des oreilles indiscrètes. Alexandre travaillait au magasin en tant que remplaçant.

— Je crois que tu as le droit à la vérité, débuta-t-il en se triturant les doigts boudinés. Ma sœur Ambre – comme te l'a dit probablement Alex, est morte plusieurs mois après son accouchement.

Elle acquiesça en se tournant vers une blanquette de veaux dont l'odeur embaumait la pièce.

— Beaucoup d'habitants partent d'ici. Ambre voulait habiter à Paris.

Ses pattes d'oie devinrent encore plus visibles quand il se mit à sourire tendrement. Si Alina se souvenait correctement, le géniteur d'Alexandre possédait une société de photographie dans la capitale.

— Elle est revenue, après de nombreuses années, enceinte d'un petit marmot. Son caractère enjoué s'était envolé, je ne la reconnaissais plus.

Son expression s'assombrit et sa fine bouche cacha ses dents jaunies dans une grimace. Quel lien y avait-il avec le maraîcher ?

— Alex ne sait pas toute la vérité sur ce qui va suivre, je te supplie de le garder pour toi.

Alors pourquoi lui dire à elle ? Son incompréhension se lisait sur son visage. Jean-Grégoire s'empressa donc de raconter la suite :

— Ambre avait tendance à s'amouracher avec des gens néfastes comme son ancien compagnon.

Alina voyait dans son entourage les relations toxiques qui se créaient et les drames qui s'ensuivaient. Les lettres de ce photographe étaient la preuve d'années de souffrance et de manipulations.

— Parfois, on a tendance à revenir vers ce genre d'énergumène, même si on a déjà vécu cette situation, reprit-elle en refermant son gilet rouge.

— Exactement et après son retour, ce fut le cas.

Il prit une profonde inspiration, saisit son tablier et l'enfila.

— J'aurais dû être plus présent pour elle.

La jeune adulte frissonna et s'imagina les pires scénarios.

— Avec ton père, nous formions un bon trio. Quand on était gosses, nous aimions grimper de partout, vadrouiller dans les montagnes, se baigner dans la rivière. Et un jour, Ambre s'est mise en tête de trouver l'église à tout prix.

Ses paroles faisaient échos à ceux de l'agriculteur, sur le fait qu'Alina n'était pas la seule à la chercher.

— Pour elle, c'était évident. Son nom évoquait notre cher village et cette croix qu'elle avait dénichée au fin fond de la cave l'obsédait totalement.

Toutes les bribes d'informations se rejoignaient enfin.

— En grandissant, nous avions laissé tomber. Cependant, Ambre avait gardé le bijou.

Jean-Grégoire remuait lentement le plat d'un air absent.

— Paul était un grand frère un peu trop protecteur et jaloux de voir Louis s'épanouir avec nous. Et quand il a revu bien des années plus tard Ambre, il a décidé de l'aider à remonter la pente.

En vue de sa mâchoire contractée, ce n'était pas une bonne chose.

— Ton oncle avait une réelle emprise sur ma sœur. Il lui faisait croire à la légende, que son but était de découvrir la position de l'église. C'est étrange dit ainsi, mais elle y croyait tellement. Rien dans sa vie n'avait de sens, même pas son futur enfant dont une partie des gènes provenait d'une crapule.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant