- Chapitre 9 -

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Une bonne odeur de gâteau accueillit la travailleuse tandis qu'Alina disposait les couverts sur la table. La recette d'Alexandre les rendait sceptique. Le goût de la carotte se camouflait parmi les épices. L'unique phrase que Maé prononça était :

— C'est spécial.

La salade eut plus de succès grâce à sa sauce : des graines de sésame mélangées à de l'huile d'olive. Malgré les multiples repas partagés, la discussion ne demeurait pas très constructive. La fourchette émettait un cri plaintif à chaque fois qu'Alina picorait dans sur son assiette.

— Tu n'as plus faim ? interrogea la fermière.

La concernée leva la tête, surprise du ton inquiet employé par son interlocutrice.

— Vieilles habitudes de prépa, bredouilla-t-elle. J'ai passé littéralement deux ans en enfer. Je ne mangeais presque plus ou n'importe quoi. En soirée, je terminais dans les toilettes. Ce n'est pas très glamour, je sais.

Elle n'avait jamais évoqué ce mal-être avec des gens autres que sa promotion. Même ses parents ne savaient pas que leur propre fille se sentait déprimée pendant ses études. Son père avait vu les répercutions au mois de janvier.

— J'ai une question, continua Alina, pourquoi est-ce que je viens ici ?

Elle se l'était posée une dizaine de fois. Peut-être que pour la bergère, la raison de sa présence était purement pratique. Son exploitation lui prenait beaucoup de temps, entre la traite, la nourriture, couper du bois ou vendre au marché, la citadine lui était utile.

— Car je t'aime bien, affirma-t-elle avec un sourire timide. C'est vrai qu'on ne se connaît pas trop.

La saint-ambroisienne s'affala sur sa chaise en bois et croisa les bras. Cette attitude était commune chez les agriculteurs. Même si elles ne s'étaient pas parler tant que cela, leurs mimiques leur devenaient familières.

— Là, tout de suite, qu'est-ce que tu voudrais faire ?

Alina s'étonnait de la voir aussi avenante, elle répondit donc :

— De la spéléologie. Je n'ai pas porté le baudrier depuis cinq ans.

Ce souvenir la rendait nostalgique. Elle se demanda où se trouvait la photographie de sa famille dans les contreforts des Cévennes.

— Quelqu'un pourrait nous indiquer des bons endroits. Même si quand j'ai tenté une virée sous la terre, cela s'est mal fini, dit Maé, l'air songeur.

***

Le soleil se présentait enfin et aucun nuage gris n'encombrait le ciel, permettant à la température de remonter en flèche. Alina contemplait le paysage. La neige des hautes montagnes s'illuminait et le village d'en dessous était à présent visible complètement, de même que Saint-Ambre. Méchoui l'incitait à avancer plus vite afin de rattraper la bergère. Cette dernière marchait d'un pas vif avec le même bâton orné de symboles taillés dans le bois. La destination lui était encore inconnue. Elles atterrirent au bout d'une vingtaine de minutes dans des champs de fruits et légumes. Un énorme chien aboya sur eux, puis ses oreilles se baissèrent. Le mouton noir se précipita vers elle et Akira lui lécha la joue. Pour un animal qui avait tué un bélier, elle s'entendait drôlement bien avec cet ovin. Une silhouette se distinguait au loin et un chapeau de paille dissimulait son visage. Pourtant, son identité ne faisait pas de doute et Alina se renfrogna.

— Ce n'est pas une bonne idée.

Maé ne l'écoutait pas et s'avançait en direction de Paul. L'ancienne étudiante les rejoignit et son mauvais pressentiment s'accentua quand elle croisa ses yeux bleus.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant