- Chapitre 24 -

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Paul poursuivit sa visite sans répondre à sa remarque. Sa nièce commençait à se dire qu'il n'avait pas entendu. Ils traversèrent la cuisine afin de rentrer dans un garage où trônait un deuxième four. Tout était parfaitement rangé, les bois s'alignaient et libéraient un étroit passage. Louis semblait en proie à un véritable débat intérieur. Une part d'Alina ne comprenait pas pourquoi son géniteur avait fui au lieu d'aider sa famille. À sa place, aurait-elle agi différemment ? Ses parents s'étaient séparés, car son père n'en pouvait plus de voir sa femme absente. Cependant, c'était lui le fantôme des Germinie ici.

Elle s'arrêta brutalement devant un pan du mur qui ne tenait presque plus debout. Des pierres manquantes laissaient filer un courant d'air glacé. Ses doigts retracèrent le symbole de Saint-Ambre. Son oncle agrippa son poignet pour l'éloigner de l'emblème.

— Je n'ai rien à me pardonner, du moins aujourd'hui. Et je t'interdis de chercher cette maudite église. Ça, ce n'est qu'une trace inespérée du passé. J'aurais dû depuis longtemps le dissimuler sous une couche de peinture.

Deux informations contradictoires dans sa réplique firent tiquer Alina. S'il n'avait rien à se reprocher pourquoi la dissuader de découvrir l'emplacement de l'édifice religieux ? Quelque chose clochait, mais quoi exactement ? Le plus étrange demeurait qu'il connaissait le lien entre cette fameuse paire d'ailes à trois plumes et l'église.

Le tour de la propriété se termina là. Le maraîcher tourna les talons et leur ordonna de déguerpir, car le travail ne se ferait pas tout seul. Les deux Germinie se retrouvaient comme deux ronds en flan au bord du chemin, ne sachant pas trop ce qui venait de se produire. D'un pas lent, ils marchèrent à travers les bois.

— Cherches-tu l'église ? se renseigna Louis après cinq minutes de silence complet.

Elle hocha la tête, mais ne souhaitait pas s'étaler sur ce sujet.

— M'en veux-tu pour ne pas t'avoir emmenée ici plus tôt ? enchaîna-t-il en évitant soigneusement d'observer la réaction de son enfant.

— Je crois qu'on a déjà assez parlé de ça. Maintenant je vois pourquoi Paul est aussi en colère contre toi, moi je ne le suis pas.

Son intonation révélait tout de même sa confusion. À l'intersection du chemin entre le village et la bergerie, Alina se sépara de lui et monta la colline sous le ciel menaçant. Malgré sa sieste, son corps la suppliait d'aller dormir. Maé portait sur une de ses larges épaules des piquets. Arrivée à sa hauteur, elle la supplia :

— Je n'ai pas eu une minute à moi, pourrais-tu me préparer un repas ? Des pâtes, ça m'ira.

— Je pensais qu'être ta femme de ménage, c'était un prétexte pour me voir, la taquina la citadine.

L'agricultrice lui rappela de mettre de l'eau dans la casserole. Alina rétorqua par une grimace. Le début matinée lui paraissait si loin à présent. Les volets ouverts, la lumière pénétra dans la pièce, illuminant les murs de pierre. Avant de partir, Maé avait rangé la paperasse et ses vêtements. Quand elle récupéra une casserole, elle s'étonna de voir les ustensiles très mal positionnés. Son attention dévia sur la baie vitrée ou plus précisément sur la fermière qui s'activait pour finir le parc avant la pluie. Une demi-heure plus tard, la saint-ambroisienne s'affala sur la chaise, trempée jusqu'aux os. La tempête se déchaînait à présent et la température descendait.

— Tu viens ? Je vais me doucher, proposa Maé sur un ton faussement neutre.

Un immense sourire chassa toutes les interrogations qui tournaient en boucle depuis la dernière conversation dans sa nouvelle maison. Elles s'embrassèrent longuement. L'odeur du savon remplaça rapidement celle de la brebis. Elles se voyaient clairement sous la lumière artificielle des lampes, révélant les complexes et les détails d'un corps parfaitement imparfait La bouche de la campagnarde se posait sur chaque tache de rousseur qui ornait sa peau caramel du dos à son visage. L'escapade semblait s'oublier dans les baisers et les caresses.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant