- Chapitre 11 -

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Alina se rendit compte que l'auberge n'avait encore accueilli personne d'autre qu'elle. Cet établissement faisait donc plus office de bar-restaurant. Sa cuillère remuait inlassablement les céréales ramollies.

— Mange un peu plus, suggéra Alexandre en essuyant les assiettes derrière le bar.

Cette remarque lui rappela celle de Maé, dite plusieurs heures avant la violente dispute avec Paul. Même si elle essayait de ne pas songer à son oncle, son esprit la ramenait immédiatement sur le sujet du collier. La veille, Alina avait menti à Jean-Grégoire en affirmant qu'aucun objet n'avait été dérobé. L'aubergiste soupçonnait lui aussi le maraîcher et il menait l'enquête de son côté. Louis aurait probablement des informations à lui révéler sur le lien qui unissait Ambre et Paul. Peut-être étaient-ils ensemble et qu'il voulait récupérer le dernier souvenir d'elle ? La citadine aimait croire qu'une chose se tramait autour de l'insigne religieux. Malgré tout, son père découvrirait qu'elle avait emprunté le bijou alors ce n'était peut-être pas une si bonne idée que cela.

La légende Saint-Ambre l'intriguait de plus en plus. La naissance du mouton noir avait de quoi raviver la curiosité. L'église pourrait être enfouie à des dizaines de mètres sous terre suite à un éboulement et ses recherches resteraient alors vaines. Ce mystère faisait naître en elle de l'enthousiasme. L'accès limité aux technologies la poussait à observer les alentours au lieu de se focaliser sur son bout de plastique. Chaque passe-temps était donc à saisir et Alexandre lui en offrit un. Il lui supplia de terminer son petit déjeuner et l'embarqua au premier étage avec son sac en toile.

— Il est temps d'avoir une nouvelle coupe ! s'exclama-t-il en lui tendant la bouteille.

Sa mèche de cheveux brune tombait négligemment sur son front et sa barbe avait pas mal poussé ces derniers jours. Alexandre enleva sans pudeur son t-shirt et s'accouda sur le rebord de la baignoire. Alina se retint de lui balancer à la figure de l'eau glacée. Aucunement gênée par son dos nu, elle s'attela à la dure tâche de lui appliquer le produit.

— Et comment ça va avec Maé ?

La pression des doigts de son interlocutrice s'accentua, signe de protestation.

— Tu as parlé de moi avec elle, grogna Alina.

À cause du ricanement du jeunot, le liquide manqua de peu ses Stan Smith.

— Il fallait bien rattraper tes boulettes. Je me demande encore ce qui t'a pris ! Tu commences à la connaître, à la moindre bavure, elle se braque.

Justement, cela l'étonnait de voir qu'elle lui avait pardonné aussi vite. La fermière l'appréciait assez apparemment et son cousin le lui signala d'un ton mielleux. Afin de dissimuler son malaise, la pseudo coiffeuse se leva pour admirer le crâne de son premier client. S'il continuait sur ce sujet, les quarante-cinq prochaines allaient être longues.

— D'où vient ton idée de te décolorer les cheveux comme des ados de seize ans ?

Il haussa les épaules et fouilla dans son tiroir pour y attraper sa tondeuse.

— On a qu'une vie non ? Une folie capillaire ne me fera pas de mal.

Il ne voyait pas grand-chose sans ses lunettes rondes, mais il parvint à distinguer le rictus de son amie.

— Je te taille la moustache alors, réclama Alina d'un air conspirateur.

Leur visage se situait à quelques centimètres l'un de l'autre, ils durent réprimer un rire. Ils s'assirent sur le carrelage en attendant d'entamer la deuxième étape.

— J'ai envoyé la lettre à mon père, annonça-t-il de but en blanc. Je sais qu'il est toxique et j'appréhende sa réponse.

Une question lui brûlait les lèvres, mais elle n'osait pas.

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant