- Chapitre 7 -

431 59 9
                                    

Les doigts d'Alina devenaient de plus en plus gelés au fur et à mesure qu'elle escaladait la colline. Cela n'impactait pas sa bonne humeur, car ses pensées avaient tellement tourné autour de cette maison depuis la veille, qu'elle ne reculerait pas devant le vent glacé. La chaleur l'enveloppa enfin et elle se débarrassa de sa veste noire avec soulagement. La pièce n'avait pas changé, mais une liste était accrochée au réfrigérateur blanc avec un aimant en forme de brebis. À côté de cela, il y en avait un autre. Le petit prince tendait une boîte et disait : « s'il vous plaît, dessine-moi un mouton ».

Les instructions n'étaient pas très nombreuses. De toute manière, dix heures allaient sonner et elle ne resterait pas longtemps aujourd'hui. Elle lit le mot de la bergère et un franc sourire apparut sur ses lèvres charnues :

« Évitons les pâtes aujourd'hui... Si vraiment tu veux en faire : n'oublie pas l'eau. »

Son écriture en pattes de mouche était pratiquement illisible et ressemblait à celle de Jean-Grégoire. Alina désirait que Maé se lâche un peu plus en sa présence. Depuis combien de temps était-elle ici ? Pourquoi était-elle autant réservée ?

La touriste sortit un autre papier de son jean. Alexandre avait minutieusement décrit chaque étape d'une recette. Les lettres étaient tracées avec un stylo à plume. Malheureusement, il manquait pas mal d'ingrédients dans les placards, notamment le principal. Visible à travers la baie vitrée, le blizzard lui dissuadait de sortir. Après un dernier coup d'œil à la cheminée, elle ouvrit la porte d'entrée et se dirigea vers l'auberge. À peine avait-elle parcouru une centaine de mètres qu'une boule de poils se rua sur la citadine. Méchoui se frotta contre ses jambes.

— Qu'est-ce que tu fabriques ?

La fermière la rejoignit, un large pull recouvrait une partie de son corps et un pantalon kaki aux multiples poches se confondait avec le décor. Alina évoqua sa destination.

— Il n'y a pas de marché le vendredi et de toute façon, il est trop dangereux de descendre à pied jusqu'au village d'en bas.

Vue d'ici, il était possible de le distinguer parmi le brouillard. La pente était raide et ornée de rochers. Le chemin étroit n'avait pas rassuré la jeune adulte, lorsqu'elle avait subi la conduite peu sécurisée d'Alexandre neuf jours plus tôt. Son idée lui parut soudainement totalement stupide.

— Bon d'accord, où peut-on obtenir des légumes ?

Le silence s'imposa et elles contournèrent la maison. Des murets surmontés de grillages cachaient un jardin. La porte en fer grinça et les deux femmes rentrèrent. Des salades parfaitement alignées s'accompagnaient de rangées de pommes de terre et d'un carré de fraisiers qui attendait le beau temps afin de fournir ses précieux fruits. Il n'était pas difficile de repérer l'objet de ses désirs. Sans plus attendre, elle ramassa les épinards. Le regard de Maé s'attardait sur elle. Alina avait pour une fois détaché sa chevelure en une coupe afro. Son nez en trompette se retroussa quand elle déterra un oignon.

— C'est splendide ! s'émerveilla Alina.

À côté, une magnifique pierre taillée révélait la silhouette d'une femme qui tenait entre ses mains la gueule d'un lion, ce dernier laissait passer un filet d'eau dans un petit bassin. D'illustres nénuphars dissimulaient probablement des êtres vivants. Des tas de sculptures arpentaient les allées. À la place des habituels lutins en argile se trouvaient des ovins en pierre de toutes les couleurs. Une en particulier attira son attention : un mouton aux poils foncés possédait des pupilles dorées.

— Franchement, chapeau à la personne qui a créé ces statues. Je n'en ai jamais vu de telles, félicita Alina qui récupéra ses trouvailles.

***

La mémoire de l'ambre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant