11 - Mélancolie.

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Avertissement pour les âmes sensibles : ce passage aborde des thèmes difficiles.

Aujourd'hui c'est le 27 novembre, une date importante pour Pascal, c'est à cette date en 1979 que Thierry est venu vers lui, timide et tout rouge, si candide.

-« Veux-tu être mon petit-ami ? » C'était le début de leur belle aventure, sur un banc d'un lycée parisien.

Sa voix, si douce, résonne encore à ses oreilles et il n'oubliera jamais ce moment de grâce sublime.

Pascal passe les grilles du cimetière, un beau soleil hivernal illumine les allées. Dans moins d'un mois ce sera Noël. Thierry adorait ce moment, sa magie, les mugs de chocolats chaud et le beau sapin surtout ! Il sourit à ce souvenir, son compagnon voulait toujours un gigantesque sapin, qui sent bon et perd des épines partout !

Généralement lui et sa sœur passaient les fêtes en famille à Deauville avec la famille de Thierry, Pascal pense à tous ces moments féériques. Toutes ces années de bonheur lui ont laissé des milliers de souvenirs, il ne lui reste plus que ça, comme si sa propre vie avait aussi cessé il y a vingt ans.

Il approche enfin de la sépulture de son amour, son granit noir lui renvoi son image quand il se penche pour y déposer un bouquet de camélias rouges.

La photo incrustée sur le monument révèle l'image à jamais jeune de son tendre amour. Souriant et magnifique avec ses beaux yeux vert et ses cheveux roux, d'origine irlandaise, il aimait l'appeler son « lutin ». Son petit farfadet, toujours optimiste, heureux et enjoué, en clair c'était un vrai rayon de soleil.

La photo est terne maintenant, les couleurs ont disparues avec le temps, celles de sa vie aussi, laissant une grisaille permanente sur son âme.

Comment lui dire ? Alors que son ange montait au paradis, lui descendait tout droit aux enfers, les ombres l'ayant englouti à son tour.

Aux côtés de Thierry, Pascal brillait, il souriait, éclairé par son astre merveilleux. Dorénavant, il joue la comédie et ne convainc plus personne. A bientôt 60 ans, il n'a pas sût reconstruire sa vie, la vérité c'est qu'il patiente, il attend seulement de le rejoindre. Contrairement à la mère de son amour, lui n'a pas eu le courage d'aller au bout.

C'est son secret le mieux gardé, sa tentative pathétique de rejoindre son ange, un soir de mai 2003. Une corde mal serrée et stupidement il s'était retrouvé au sol avec une fracture du poignet, même pas capable de réussir son suicide ! Il peut en sourire aujourd'hui.

Sa belle-mère, sa douce belle maman, Erin, avait rejoint son fils fin 2002 avec une overdose médicamenteuse. Il se tourne et dépose l'autre bouquet, des azalées japonaises blanches, sur sa tombe immaculée.

Toute sa vie on lui avait reproché d'avoir engendré « un monstre », un divergent qui aime les hommes, « un sodomite » comme lui avait hurlé son père. Venue de la haute bourgeoisie Dublinoise conservatrice, Erin avait été trainée dans la boue toute sa vie, mais elle n'avait rien lâché, femme forte et courageuse.

Contre vents et marées, elle avait protégé Thierry de toute sa famille, renonçant à son héritage, anéantissant tous leurs principes rétrogrades. Par amour, elle avait tout sacrifié, avec son fils elle avait construit un monde de bienveillance et de tendresse.

Venue en France chez une cousine à Deauville en 1978, elle avait rencontré un beau gentleman et refait sa vie, loin de l'Irlande. La famille était ensuite montée à Paris pour le travail du père, avocat à la Cour de Paris.

Erin avait accueilli Pascal à bras ouvert, fière de leur réussite et de leur si belle relation. Il l'a revoit, grande femme svelte au port altier, si fière de ses petits, il l'avait aimé comme sa propre mère.

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