POV JOY
- Putain de merde !
L'automobiliste me dépasse en trombe après m'avoir adressé un beau majeur. Je reprends mes esprits et me replace correctement sur la route. J'avais légèrement bifurqué sur la bande d'arrêt d'urgence. Mes ruminations vont finir par me tuer...
Mon cœur reprend doucement son rythme normal. Cependant, la boule dans mon estomac ne cesse de grandir. A chaque nouveau kilomètre, mon ventre se serre un peu plus. Maman me dirait surement: " C'est juste une ville, Joyana ! Apprends à gérer tes émotions." Pour moi, ce n'est pas qu'une ville, putain.
Je me concentre sur la route. J'arrive à destination dans seulement 10 minutes. Je ne suis visiblement pas prête car je vois mes mains trembler sur le volant. J'ai un sacré problème de stress qui me détruit la vie depuis ma naissance. Ma psychologue m'a prescrit des exercices de sophrologie ainsi que des calmants. Mais rien n'y fait, mon anxiété me colle à la peau comme une putain de sangsue.
Je finis par apercevoir le panneau de ma ville natale. Panneau que je n'ai pas revu depuis mes 18 ans, depuis le 28 juillet 2018. Je prends un coup supplémentaire au moral quand je me rends compte que j'en ai maintenant presque 20. Le temps s'écoule à une vitesse ahurissante. C'est dingue que nous soyons déjà le 12 juillet 2020.
"SERREY -La ville des amoureux"
L'écriture de cette pancarte, que j'ai vu des milliers de fois dans mon adolescence, me fait sourire amèrement. A l'époque cette notation me paraissait si réelle...
Serrey est connue pour sa fête de la Saint-Valentin. Chaque année, le 14 février, la ville se remplit de cœur et de danseurs. C'est également un évènement musical très suivi. De nombreux chanteurs amateurs se produisent sur la place de la mairie. Je me souviens qu'il s'y produisait tous les ans avant.
J'arpente la ville avec tristesse. Cet endroit n'est qu'une accumulation de souvenirs qui me terrent six pieds sous terre.
J'aperçois mon ancien lycée et je manque de griller un feu rouge. Tant d'images me submergent que mes yeux se mouillent. Mon établissement scolaire est le lieu de toutes mes craintes et douleurs. Je n'arrive même plus à me souvenir un seuls souvenirs heureux. Je sais qu'il y en a eu beaucoup seulement il sont écrasés par mes idées noires.
Je tente de me cacher comme je peux dès que j'aperçois une personne. Je sais qu'en plus d'un an beaucoup de choses changent. Mais je n'ai pas envie de croiser mes anciens camarades par peur qu'ils n'aient pas oublié ou encore mes amis que j'ai abandonné, pas maintenant. Cependant, je me promets de prévenir ces derniers de mon retour au plus vite.
J'entame la traversée du centre de ma ville. L'église est toujours aussi belle. Certains magasins semblent avoir fermés. Globalement, tout est resté strictement identique. J'aperçois un nouveau commerce: un tatoueur. J'ai une envie subite d'y aller pour m'injecter de l'encre sous la peau. Je fais taire cette pulsion débile.
J'arrive enfin dans mon ancienne résidence. Les maisons n'ont pas changé. Une vague de soulagement incompréhensible me submerge quand je me gare sur le parking de mon enfance. En posant pied à terre, j'ai l'impression d'être Neil Armstrong. Pourtant, je ne foule pas la lune mais bien un parking.
Les arbres du petit parc pour enfants sont toujours parfaitement entretenus. L'herbe est fraichement tondue. L'air me transporte une odeur familière de pain qui me rappelle que je n'ai pas mangé de la journée. Cette odeur provient toujours de la maison de la voisine boulangère. Je m'avance vers le chemin accédant à ma maison, enfin mon ancienne maison désormais. Je me rappelle le nombre de fois que j'ai emprunté ce chemin avec mes amis et... mon copain. Je me souviens que la nuit j'avais peur de cette allée obscure donc je courrais jusqu'à chez moi.
VOUS LISEZ
Partir pour oublier...
RomanceRevenir pour avancer. Joy n'a pas été lâche, elle n'est pas partie par manque de courage, elle est partie de Serrey car parfois s'éloigner de ses démons permet d'avancer...ou pas. Alors qu'elle revient, 1 an et demi plus tard, dans sa ville natale...