Partir pour oublier...

Chapitre 30

POV JUDE

Un enchainement continu de jours qui se ressemblent tous. Un enchainement continu de pensées douloureuses. Un enchainement continu de nuits sans sommeil.

Le pardon de Joy a fait remonter en moi tous les souvenirs de notre vie d'avant que j'avais essayé d'enfouir au fond de moi. Je ne cesse de repenser à ce jour où je l'ai découverte un couteau à la main. Je n'aurais jamais pu révéler quoi que soit. Je n'aurais jamais pu la trahir.

Cela fait plus de deux semaines que tout est redevenu comme avant. J'ai du mal à réaliser que j'ai cru un seul instant qu'elle pourrait me pardonner. J'ai été con et je lui en veux de m'avoir laissé espérer.

Ma vie a repris sa routine habituelle. Je vais deux fois par semaine au salon de tatouage et continue mes services au restaurant. La campagne publicitaire marche vraiment bien et on a reçu de nombreux nouveaux clients au salon. Le chef est satisfait de mon travail et sincèrement, je reçois une belle somme. Malgré le chaos de ma vie sentimentale, ma vie professionnelle est vraiment fructueuse.

Ce matin en me levant, j'ai eu un pressentiment étrange, ni bon, ni mauvais. J'ai eu l'impression que quelque chose de nouveau allait se passer. Un sentiment étrange que je n'arrive pas à m'expliquer. Pourquoi cette journée serait différente des autres ? J'espère que je ne vais pas me prendre un troisième couteau dans le cœur. Deux m'ont suffit.

Aujourd'hui, je ne travaille pas alors j'ai décidé de prendre du temps avec mon frère et de me recentrer sur ma famille. Ma seule famille.

- Ugo ?

La tête de mon petit frère se tourne vers moi.

- Aujourd'hui, je t'emmène avec moi. On va aller dans un lieu spécial, ok ?

- Où ? Demande-t-il curieusement.

Je sens une boule se former dans mon ventre.

- Tu verras, prépares-toi rapidement.

Il me lance un regard mécontent. Ugo est comme moi : il déteste les surprises. Je souris face à sa moue boudeuse.

- Dépêches-toi ! Plus vite tu seras prêt, plus vite tu sauras.

Il acquiesce et se précipite vers sa chambre. Je le regarde s'éloigner et je me rappelle la belle époque. Cette époque où tout allait pour le mieux. Cette époque où je n'avais pas à l'éduquer. Une époque où mon petit frère avait encore ses parents. Et moi aussi.

Je m'assois sur le canapé et fixe le salon. Je me revois avec mes parents entrain de regarder notre série du soir. Je nous revois ouvrir les cadeaux à Noël et Ugo s'extasier devant ses nouveaux jouets face aux yeux attendris de mes parents. Je nous revois manger sur la table ronde en rigolant des expériences désastreuses de ma mère lors de son voyage vers Cuba, elle était hôtesse de l'air. Je me revois fixer ma famille en me rendant compte de la chance que j'avais. Je revois la beauté de ma mère, ses yeux verts, son grain de beauté au dessus de la lèvre et sa peau halée. Je revois le charisme de mon père, ses yeux marrons, sa barbe toujours parfaitement taillée et son visage marqué par le temps qui passe. Un temps qui est passé trop vite.

Je reporte mon attention sur la porte d'entrée. Je grimace en me rappelant le nombre de fois où j'ai claqué la porte désespéré par ma famille "de merde". Le nombre de fois où ma mère m'a engueulé car je restais trop sur ma console. Le nombre de fois où j'ai souhaité qu'ils me laissent vivre ma vie comme je l'entendais. Le nombre de fois où j'ai rêvé de partir de cette maison. Le nombre de fois où j'ai vu ma mère s'effondrer face à mes problèmes..

- Jude ? Jude !

Je sors de mes pensées quand je vois Ugo, devant moi, me regarder avec inquiétude.