Une routine et un pressentiment

153 8 0
                                    

Je me réveille avant le lever du soleil, comme tous les matins. Baloo qui s'était couché sur moi durant la nuit, grogne en me sentant bouger.

Je sors de la couette chaude, ce qui me fait grogner à mon tour en sentant l'air frais sur ma peau. J'ouvre mon tiroir pour prendre mon jogging et un sweat. Je m'habille rapidement puis descends préparer le petit-déjeuner pour papa et Sofia. Baloo me suit dans la cuisine puis s'assoit près de sa gamelle en poussant de petits miaulements.

"Oui oui ça vient majesté !" glousse-je en prenant son doseur de croquettes sur l'étagère.

Aussitôt versées, Baloo plonge directement le nez dedans.

"Espèce de goinfre." dis-je en riant.

Je me dirige ensuite vers la cafetière en sachant que papa n'allait pas tarder à arriver. Quelques instants plus tard, je sens des bras passer autour de ma taille.

"Bonjour Papa."

"Bonjour mon trésor." Répond-t-il en embrassant ma joue.

C'est notre routine matinale. Le petit bonjour du matin.

"Un jour, ce sera la personne que tu aimeras qui t'appellera comme ça." chuchote-t-il en prenant une tasse de café.

Sofia entre à son tour dans la pièce tandis que Baloo remonte se coucher le ventre plein. Je laisse la place à ma sœur pour qu'elle puisse faire des crêpes. Papa saisit la confiture et le miel sur le comptoir juste à temps quand les crêpes arrivent sur la table.

Le petit-déjeuner se déroule bien jusqu'à ce que Sofia nous ramène tous les trois à la réalité.

"Par où commençons-nous pour retrouver Oncle Sergueï, papa ?"

Papa ne répond pas.

"Peut-être que nous devrions aller voir à son bureau d'abord ?" dis-je dans l'espoir d'effacer ce silence plus que gênant.

"Tu as raison Nasha. Commençons par le commencement." répond papa.

"Et si cela ne donne rien ?" enchaîne Sofia pendant que je lui lance un regard noir pour lui dire de se taire.

"Nous aviserons ensuite. Maintenant finissez de déjeuner et montez vous préparer. Nous partons d'ici une heure."

Papa sort de la cuisine d'un pas accéléré, nous laissant toutes les deux perplexes. Nous finissons nos crêpes puis je monte me préparer après avoir fait la vaisselle. Je me brosse les dents, relève mes cheveux puis mets un jean délavé. Je finis mon look avec mes baskets noires préférées. Oui je ne suis pas la plus féminine de la terre, au grand désarroi de papa qui désespère de me voir trouver un mari.

Je rejoins ma sœur en bas des escaliers. Je sens le regard de papa sur moi. Quand j'arrive à sa hauteur, il me regarde puis soupire.

"Ce n'est pas avec une tenue pareille que tu vas trouver un mari. Aucun homme ne veut d'une femme qui soit plus virile que lui, tu sais..."

"C'était très sexiste ça papa !" intervient Sofia.

Ma sœur m'a toujours défendue. Contrairement à papa, elle est tout à fait au courant de ma bisexualité. Je ne sais pas comment elle a découvert que j'aimais aussi bien les femmes que les hommes, étant donné que je ne le savais pas vraiment moi-même. Et pour être tout à fait honnête, je ne sais pas vraiment où j'en suis dans mon orientation sexuelle. Peut-être que mon cœur choisira l'opposé de ce que j'ai toujours appris. L'avenir nous le dira.

"Je veux juste son bonheur Sofia."

"Non tu veux le bonheur que TU as décidé pour elle. Mais peut-être que ce n'est pas celui auquel elle aspire. LE bonheur comme tu dis sera celui qu'elle aura décidé."

"Mais..." tente de continuer mon père.

"Peut-être qu'elle ne voudra pas d'enfant. Peut-être qu'elle tombera amoureuse d'une personne américaine. Peut-être qu'elle se mariera avec une femme. Tu n'as pas à lui dicter sa vie papa. Être différente de ce que tu souhaites qu'elle soit, ne fait pas d'elle une mauvaise personne ou une fille indigne n'est-ce pas ?"

Le visage de papa avait viré au blanc et je vois très bien qu'il ne veut pas répondre.

"N'est-ce pas ?" répète Sofia.

"Oui oui." Marmonne papa entre ses dents.

Sofia me regarde désespérée et je décide d'intervenir.

"Bon chaque chose en son temps. Priorité à oncle Sergueï." dis-je en les poussant tous les deux vers la voiture.

Sofia saute immédiatement aux côtés de papa et moi sur la banquette arrière. Papa démarre enfin la voiture et conduit en direction du bureau d'oncle Sergueï. Il connaît la route puisqu'il travaille avec lui.

Après une trentaine de minutes, il se gare sur le parking réservé aux employés. Nous descendons tous les trois et nous nous dirigeons vers le bureau de mon oncle.

"Fouillez un peu dans les tiroirs les filles. Je vais aller voir mon directeur pour voir s'il sait quelque chose."

Il sort de la pièce et je commence à fouiller un peu partout dans les tiroirs et sur le bureau. Sofia fait de même de l'autre côté. Je soulève quelques bibelots à la recherche d'un indice sur la raison pour laquelle oncle Sergueï se soit absenté.

Plus tard, je finis par lever la tête pour voir où en est Sofia. Elle est légèrement de profil alors je peux clairement voir qu'elle est bouleversée par quelque chose.

"Tu as trouvé quelque chose Sofia ?" dis-je en m'approchant d'elle.

Elle sursaute et semble cacher ce qu'elle tient dans sa manche. Je fronce les sourcils mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle me tend une photo de la personne qui me manque peut-être le plus au monde. Je passe mon doigt sur le portrait de cette femme qui tient un petit bébé dans ses bras.

"Maman..."

Je fixe la photo en laissant quelques larmes tomber sur le verre du cadre. Ma sœur me passe un mouchoir pour que je puisse les essuyer. Au même moment, papa revient dans le bureau.

"Mon chef m'a dit que Sergueï travaille sur une affaire banale et qu'il est en effet étrange qu'il disparaisse de cette manière."

"Que faisons-nous maintenant ?"

"Je ne sais pas. Je pense qu'il serait judicieux de-"

Soudain le téléphone de papa sonne. Il le sort de sa poche et regarde le numéro, confus. Il finit par décrocher.

"Allô ? - Oui c'est moi. - Oui il s'agit de mon frère. - QUOI ? MAIS DE QUOI PARLEZ-VOUS ? - J'arrive tout de suite !"

"Papa que se passe-t-il ?" crise-je.

"C'était la police. Ils nous attendent."

"Quoi ? Mais pourquoi la police ?" panique Sofia.

Papa soupire et ses yeux se voilent de la même façon qu'hier.

"Ils disent que Sergueï est mort..."

Mes yeux s'écarquillent de surprise alors que Sofia me tire violemment vers la porte à la poursuite de papa.

Nous sortons rapidement des bureaux du journal et sautons dans la voiture. La pluie commence à fracasser le pare-brise et plus nous roulons plus les nuages deviennent noirs.

Sofia se retourne vers moi effrayée : "J'ai comme un mauvais pressentiment..."

Le pire... C'est que moi aussi. 

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant