Échec & Mat

Une rencontre inattendue

Les jours passent. Les semaines passent. Sofia ne m'adresse plus la parole à moins que ce ne soit pour le travail.

Andrew est passé à la vitesse supérieure concernant sa russophobie et son sexisme. Il jette des ordures un peu partout dans le jardin et s'amuse à me regarder nettoyer. Il me crache souvent dessus également. Parfois, il vient derrière moi pendant que je balaie et me frappe les fesses. Sofia le voit faire et je peux dire qu'elle veut lui faire regretter, mais je sais qu'elle peut être rancunière. Moi, je pense juste qu'il est taquin. Après tout comment un homme aussi beau et parfait que lui pourrait être mauvais ?

Ses amis sont comme lui. Ils parlent toujours de moi et cela me ravit. Sofia est exaspérée au plus haut point, ce qui ne fait que l'éloigner encore plus de moi. Nous ne formons plus la famille que nous étions il y a à peine quelques mois en Russie.

Ma sœur me manque.

Mais ce qui me fait encore plus mal, c'est que Clémence me manque aussi. Ma meilleure amie me manque. Je n'ai plus eu de nouvelles depuis notre dispute. J'ai plusieurs fois essayé de m'excuser et lui ai envoyé des messages, mais je n'ai jamais eu de réponse.

Où est-elle ? Que fait-elle ?

Je suis allée la voir plusieurs fois sur son lieu de travail, mais à chaque fois elle était absente. Un de ses collègues m'a dit qu'elle avait quitté Washington et était retournée en France. Depuis cette nouvelle, je me sens un peu vidée et ma sœur refuse de me soutenir, du moins directement. Elle dit que c'est le prix que je dois payer pour apprendre les leçons de la vie.

Plein de pensées envahissent mon esprit ces derniers jours. Je ne crois pas au déménagement de Clémence. De plus, les amis d'Andrew me font de plus en plus d'allusions... Sexuelles entre autres. Je sais que je suis bisexuelle, mais j'ai tout juste quinze ans et je me découvre. C'est étrange.

Aujourd'hui c'est mon jour de congé, alors je décide d'aller me changer l'esprit en ville. Je marche le long des grandes avenues de la capitale, les mains dans les poches et mes écouteurs dans les oreilles. Une casquette blanche couvre la majeure partie de mon visage.

Les gens autour de moi se retournent pour me regarder, parfois avec surprise mais souvent avec dégoût. Je ne sais pas pourquoi. Je comprends qu'en Russie mon style peut choquer mais ici c'est pratiquement le style de base.

A moins que ce ne soit pour mon gros coquard sous l'œil gauche. Il me vient d'Andrew et de la bouteille en verre qu'il m'a lancée lors d'une soirée. Je n'allais pas assez vite pour lui apporter la nourriture qu'il m'avait demandée.

Je ne lui en veux pas. Il est chez lui après tout et puis il s'est excusé.

Je continue ma promenade en regardant les vitrines des grands magasins. Je regrette énormément de m'être emportée contre Clémence. Elle me permettait de m'échapper de ce quotidien pesant. Je m'arrête devant le restaurant où elle m'avait emmenée la dernière fois que je lui ai parlé.

"Elle me manque tellement." pense-je tristement

Les larmes commencent à couler sur mes joues quand mes yeux se retrouvent attirés par une silhouette dans le reflet de la vitrine.

Clémence...

Elle est là.

Elle est en train de monter dans une voiture.

Mon cœur accélère d'un coup et je me retourne frénétiquement. Je ne réfléchis pas et cours vers elle.

"Clémence !" crie-je.

Un bruit sourd et des cris résonnent la seconde d'après avant que ma vue ne s'obscurcisse.

Lorsque j'ouvre les yeux, je suis allongée sur mon lit à la villa. Je m'assois doucement et ressens une violente plaie sur mon flanc et ma tête.