Échec & Mat

Une finale pas comme les autres

"Enfin nous nous rencontrons ailleurs que sur les toits de Washington, ma chérie." murmure ironiquement Andrew, en face de moi.

"J'ai hâte de te coller l'humiliation que tu mérites devant toutes ces personnes et devant tes maudits parents." dis-je les yeux remplis de haine.

Nous sommes sur le point de débuter la finale du concours 'La reine et le roi'. Le plus grand concours au niveau international hormis les championnats du monde et les olympiades. Un an s'est écoulé depuis mon tout premier tournoi. Et je ne suis définitivement plus la même personne.

Flashback :

"Que le tournoi commence !"

J'entends le speaker indiquer le début du tournoi. Le premier d'une longue série. Comme prévu Monsieur Smith a payé les 2 000 dollars de droits d'inscription. Je joue au tour d'après. Maggy m'accompagne et est en train de regarder les noms dans ma poule. A sa grimace, je comprends que ce sont des très bons joueurs. Je n'ai pas revue Camille depuis. Je jure que cette femme est tellement têtue !

"Si tu sors première de ta poule, tu pourras éviter Stanislav Mendolov." Dis Maggy, me sortant de mes pensées.

"Qui ça ?"

"Le champion d'Europe en titre."

"Outch !"

"Concentre-toi ma belle. Ne te laisse pas intimider. Les échecs sont comme les meurtres. Froids et impassibles." chuchote-t-elle à mon oreille. "Plus tu resteras stable émotionnellement et plus tu penseras juste."

Je hoche la tête et m'avance alors que mon nom est appelé pour la première fois. Les parties s'enchaînent et m'emmènent en finale.

La finale est impressionnante. Mon adversaire mesure au moins trois tête de plus que moi et affiche un sourire suffisant. Andrew m'a passée à tabac il y a quelques jours car j'ai laissé mes émotions apparaître devant une de mes victimes. Une autre victime. Je ferme les yeux et abandonne mon humanité pour me laisser submerger par mon masque de froideur.

A ce moment-là, il n'y a plus rien qui puisse m'écarter de la victoire. Après environ dix minutes de jeu, ma première finale est remportée d'une main de maître.

Je suis désormais lancée sur le chemin de la renommée.

Fin du flashback :

"Que la finale commence !" dit le speaker derrière moi.

Pour pouvoir affronter Andrew en finale j'ai dû éliminer Magnus Carlsen, le numéro un mondial. Un des plus beau duel que j'ai dû mener et je pense que Magnus pourrait devenir un grand ami.

"Je connais tous tes coups salope. Tu ne me battra pas."

"Crois-tu si bien me connaître Andrew ? Tu ne vois que ce que je souhaite te montrer." dis-je calmement en avançant ma première pièce.

Les coups s'enchaînent. Andrew tombe peu à peu dans mon piège, que j'ai lentement tissé. Je fais doucement tomber ses pièces les unes après les autres. Parfois il pense m'avoir eue, mais c'est pour mieux me laisser le battre au coup d'après.

Il semble irrité par ma froideur et mon impassibilité. Il a l'habitude de me voir émotive et idéaliste, mais je ne suis définitivement plus cette personne.

"Tu triches salope." grogne-t-il.

"N'as-tu donc d'autres mots dans ton vocabulaire ? Tu as fait de moi, la personne que je suis." dis-je en prenant sa tour.

Andrew n'a pas le temps de répondre qu'une forte explosion se faire entendre. Les portes explosent tandis que les poutres s'écrasent au sol. La panique s'empare des spectateurs, qui courent maintenant dans tous les sens.

Je cherche Maggy parmi le groupe de personnes où elle est censée être mais je ne la vois pas. Je me tourne alors vers Andrew qui avait un air choqué sur son visage. Le mien reflète de la pure confusion, qui ne fait qu'augmenter lorsqu'Andrew me lâche fou de colère :

"Tu es comme ton sale chien de père, incapable de gagner à la loyale !"

"Mais de quoi tu-"

Je suis coupée dans ma phrase par un morceau du toit tombant droit sur moi. Grâce aux besognes d'Andrew, j'ai appris à avoir quelques réflexes de défense et de survie. J'ai tout juste le temps de réfléchir, que mon corps roule sur le côté. Une autre explosion anéanti les murs en face de moi. Je suis projetée à trois mètres.

Alors que j'essaie de reprendre mes esprits, je vois une ombre foncer sur moi le bras en l'air. J'attrape ce bras qui tient un couteau.

"A nous deux !"

C'est la voix de Markus.

Une deuxième ombre traverse le nuage de poussière et de fumée. Je ne l'arrête que par réflexe et attrapant son bras aussi.

Karl.

Je les désarme en utilisant mon agilité et ma vitesse acquises sur les toits de Washington. Leur couteau respectif tombe sur le sol dans un bruit métallique. Une vive douleur se fait ressentir dans mon dos.

"Peter ! Espèce de lâche !" crie-je en crachant du sang.

Markus abat son poing sur moi, me faisant tomber à genoux devant lui. Il finit par s'écarter pour laisser Andrew s'approcher.

"Malgré toute la panique, tu trouves quand même le moyen de montrer ta laideur." dis-je.

"Je vais te tuer salope de russe ! Pour tout ce que toi et les tiens avaient fait !" hurle-t-il.

Une silhouette l'attrape par la taille et l'entraîne vers l'arrière de la pièce. Markus, Karl et Peter sont eux-aussi mis à terre. Je les perds de vue mais je peux toujours entendre la voix d'Andrew.

"Je reste le Roi ici ! Et tu me le paieras !"

Je baisse les yeux et remarque une immense flaque de sang sous moi. Mes yeux s'ouvrent et se ferment à une vitesse folle. Ma vision se trouble.

"Non Natalya ! Reste en vie ! Tu dois rester en vie ! Pour ton père, pour ta sœur, pour la Russie ! C'est ton destin !"

Qui me parle ? La personne a parlé de papa et de Sofia. Elle a aussi parlé de la Russie. Mais ce n'est pas la voix de Sofia ni de Maggy. Je ne la reconnais pas. Je n'ai plus la force de me tenir. Mes jambes cèdent sous moi et je m'effondre dans une mare de sang, au milieu des victimes de l'explosion.

Mes yeux sont toujours fermés quand je sens deux bras me soulever. Je suis transportée vers l'extérieur. Je peux le dire à la fraîcheur de la brise sur mon visage. Je suis déposée quelque part.

La dernière vision que j'ai est celle de papa.

Il me tend la main et se penche vers au creux de mon oreille :

"C'est ton destin."