Échec & Mat

"Je suis ce que tu souhaites"

*Avertissement violence*

Un liquide glacé coule sur mon corps. Un sac est posé sur ma tête mais je sens mes poignets et mes chevilles brûler. Des cordes me tiennent ligotée sur une chaise. Je ferme les yeux pour me concentrer et essayer de savoir où je peux me trouver.

En permettant à mon esprit de dissocier mes douleurs et ma raison, je parviens à entendre et reconnaître la quelque voix de la personne se tenant devant moi : celle de Karl. Je comprends tout de suite, que j'ai été capturée. Les paroles de Kirill me reviennent.

"Tout est ma faute."

Je sais pourquoi il a dit cela. Kirill était un excellent agent, discret et loyal, mais il n'était pas un agent d'élite comme Alek ou Tom. S'il est mort et que je suis ici à la merci de nos ennemis sur le point de me faire tuer, c'est à cause de lui. Lorsqu'il est tombé, son réflexe a été de m'entraîner avec lui. Un agent d'élite sait que sa mort ne doit pas compromettre la mission ou provoquer celle de son partenaire. Je sais qu'Alek ne m'aurait pas attrapé le bras pour ne pas risquer de tomber avec lui. Maggy et Camille non plus. Tom et Sofia encore moins. Pourtant, ils étaient les quatre personnes les plus proches de moi ces dernières années.

Dans ce genre de missions, encore plus lorsque nous traquons Guillaume, Karl ou auparavant Markus, les agents que nous sommes doivent l'emporter sur notre humanité. Andrew ne l'avait pas totalement compris avant qu'il ne me voit tuer Markus. Mais je ne peux pas en vouloir à Kirill, il a été un agent dévoué jusqu'au bout.

Il ne reste plus que moi. Moi contre Guillaume, Karl, le clan ORAN et l'Allemagne néo-nazie.

Le sac est violemment retiré de ma tête. Mes yeux combattent la lumière soudaine et clignent pour s'adapter. Devant moi, se trouve Guillaume. Il se tient là, debout, armé jusqu'aux dents et dans toute sa puissance de chef suprême du clan ORAN.

Je secoue la tête pour comprendre. Mes yeux se posent sur Karl qui sourit davantage, puis reviennent sur Guillaume.

"Surprise !" dit Karl.

"Je ne comprends pas." marmonne-je pour moi-même.

Guillaume attrape mes cheveux pour me forcer à lever la tête et à le regarder.

"Laisse-moi t'expliquer, ma chérie."

Les hommes derrière lui se mettent à rire et me cracher dessus.

"Oui je suis toujours le maître. Tu as commis exactement l'erreur que je souhaitais que tu fasses. Tu m'as couru après sans te méfier de Karl. Kirill était ta dernière défense et maintenant tu es seule."

"Mais... Tes hommes t'ont-"

"Oh non Natalya. Aucun de mes hommes ne m'a battu. Comment oseraient-ils même alors que je pourrais leur briser les os un par un ? Non. Ils ont fait en sorte de te distraire de ta mission principale, pendant que certains plaçaient des explosifs sur le mur où se tenait ton partenaire. Je ne savais pas où tu étais, mais lui je l'avais repéré."

"Et boum !" dit un des hommes derrière Guillaume.

Les autres se mettent à imiter le bruit de la bombe.

"Maintenant, je vais mettre fin à notre petite partie d'échec mon amour. Je vais te tuer mais d'abord, je vais m'amuser un peu avec toi." dit Guillaume.

Je sens sa main contre mon visage déjà très meurtri par les coups précédents. Je sais ce qu'il va m'arriver. Je dois tenir. J'ai encore confiance dans mon clan et dans mes agents. J'ai confiance dans mes alliés.

"Nous allons tous nous amuser."

Guillaume pense que c'est plus agréable si je me défends alors il a coupé mes liens. Mais malgré ma force et ma technique au poing, je ne fais pas le poids face au nombre. Je suis rouée de coups et déshonorée une nouvelle fois bien que je garde ma posture fière et mon arrogance. Je parviens à bloquer quelques coups et à riposter. Les hommes de Guillaume se déchaînent sur moi toujours plus fort sur moi.

Les heures passent. La faim et la souffrance broient chaque once de mon corps et de mon esprit. Mes forces me quittent. Ma haine pour ma sœur et Andrew grandit au fur et à mesure que je reçois les coups, pour m'avoir trahie et laissée seule dans la plus grande guerre d'agents secrets du XXIème siècle.

Les jours passent.

J'apprends que toutes les tentatives de sauvetage mises en place par mon clan se sont heurté à la défense des hommes de Guillaume. Mes derniers espoirs me quittent, alors que je m'effondre sur le sol froid je suis retenue prisonnière depuis maintenant plus deux mois. Dans cette cave sombre et humide, ma pneumonie me tue plus sournoisement que Guillaume.

Mes gardiens me rabaissent jour après jour, mais aujourd'hui ils semblent agités. Je n'y fais pas tellement attention jusqu'au moment où ils remontent précipitamment. J'entends des coups de feu, des cris et des corps qui tombent les uns après les autres. Je comprends que le clan ORAN se bat contre le mien. Mais qui ? L'unité spéciale que j'ai créé pour traquer Guillaume, a totalement été massacrée la même nuit que Kirill puisqu'elle nous accompagnait. Avec la mort de mon lieutenant, la filiale américaine du clan Roskov est décimée. Alors qui reste-t-il ?

Malgré la torture, mon esprit est intact. Ma rage l'est encore plus. J'essaie de me lever mais je ne peux pas bouger. Guillaume m'a brisé les jambes il y a quelques semaines pour couper toute mes envies d'évasion.

"Tuez-les tous !" crie une voix que je ne reconnais pas.

Des coups de feu venant de fusils d'assaut retentissent, faisant trembler les murs. Plusieurs personnes arrivent devant la grille de la cave où je suis prisonnière. Je reconnais l'insigne de mon clan, mais mes espoirs sont de courte durée. Ils font sauter la grille et l'un deux pointe son arme sur moi. Comment peut-il penser que je suis l'un de membres du clan ORAN alors que je suis littéralement à terre et en sang ?

"Non... Je... S'il vous plaît..." supplie-je.

J'essaie de parler en tendant la main mais ma gorge a encore les marques d'étranglement de Guillaume lorsqu'il s'amusait avec moi. Aucun mot complet ne sort de ma bouche et je sais que ma mort est venue si un miracle ne se produit pas.

J'entends le coup qui part et m'attends à sentir mon sang couler. Pourtant, je ne ressens rien. Je regarde l'homme qui a tiré. Il tient son fusil vers le plafond alors qu'une personne lui abat son poing sur l'arcade.

"Espèce d'abruti !" crie cette personne au travers de son casque, m'empêchant d'entendre distinctement la voix.

Pendant qu'elle s'occupe de punir l'homme qui a failli me tuer, d'autres personnes entre à leur tour dans la cave.

"Elle est là !" crie un autre homme, ce qui me fait froncer les sourcils.

"Que les médecins se tiennent prêts à la recevoir." enchaîne quelqu'un d'autre.

Les voix me rendent encore plus confuse. A qui appartiennent-elles ?

Un des agents me prend dans ses bras en prenant soin de me pas me briser davantage. Je suis transportée vers un camion médical. Des tirs sont encore échangés pendant que je suis portée.

"Emmenez-la rapidement. Elle ne peut pas et ne dois pas mourir ! Compris ?"

Ma vision se noircie et mes yeux partent petit à petit dans le vide. Mais avant que je ne m'évanouisse totalement, un agent saute dans le camion et les portes se referment. Elle s'approche de moi pendant que le camion démarre en trombe.

"Qui... Qui êtes-vous ?"

"Je suis ce que tu souhaites."

"La seule chose que je souhaite actuellement, c'est... C'est..."

Mes lèvres refusent de terminer ma phrase mais mes pensées le font à leur place.

"La seule chose que je souhaite actuellement, c'est de retrouver Clémence..."

Un faible sourire plus triste que jamais, est la dernière chose que j'aperçois avant de tomber dans l'inconscience.