Échec & Mat

Le clan et la mission

J'ai tout de suite été jetée dans le grand bain. Sans adaptation possible, Andrew m'a plongée dans son quotidien.

Son groupe s'appelle le clan ORAN. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais je trouve cela inquiétant. L'objectif est tout simplement d'être le meilleur dans les bagarres de rue ou face aux personnes que Markus et Peter repèrent dans les quartiers de Washington.

Un an s'est écoulé depuis que je suis arrivée ici. Et je peux désormais m'exprimer en anglais malgré mon accent toujours très russe. Andrew est toujours mon petit-ami, mais sa violence a surpassé son affection.

Au début, je suivais le clan dans ses tâches. Maintenant Andrew vient directement me trouver quand il a besoin de moi.

"Fais ce que je te dis de faire et il ne t'arrivera rien." répète-t-il sans cesse.

Je ne sais pas comment je dois le comprendre. Si je fais ce qu'il me demande, je n'aurais pas de soucis avec ses interlocuteurs ou avec lui et son clan ?

Quoi qu'il en soit, je suis entièrement soumise à lui et à Markus. Mes missions consistent à livrer des paquets, plus ou moins gros, aux quatre coins de la ville ou à aller récupérer des valises auprès de ses 'clients', peu importe si les personnes que je dois rencontrer sont plusieurs hommes armés de deux fois mon poids et ma taille.

Mais ma principale tâche est l'espionnage. Je dois me faufiler la nuit sur les toits des riches maisons ou les grands jardins de Washington, et faire un rapport à Andrew. Généralement, il me donne une liste de personnes à observer et j'ai intérêt à les avoir toutes faites et à être rentrée à la villa avant que le jour ne se lève.

Au cours de ces missions nocturnes, je me suis déjà cassée plusieurs fois le poignet et des doigts. Je me suis même faite arrêtée deux ou trois fois. Mais à chaque fois j'ai réussi à m'en sortir seule. Andrew ne veut pas se compromettre en venant me chercher, ce que je peux comprendre.

Je ne sais pas à quoi Andrew et son clan jouent. Ils se croient dans les jeux vidéo sur lesquels ils passent leur temps et moi je me sens comme si j'étais dans Assassin's Creed. Parfois, c'est réellement le cas. J'ai appris à me battre avec toute sorte d'arme, et contrairement à la Russie, les Etats-Unis sont relativement ouverts sur le sujet. Je porte donc toujours une ceinture discrète avec un couteau à l'intérieur. Ce couteau m'a sauvée plus d'une fois quand je faisais des chutes sur les toits glissant à cause de la pluie et pour ouvrir des fenêtres pour échapper à la police.

Ce qui m'horrifie de plus en plus, c'est que les personnes que je passe des nuits à observer, disparaissent toutes à un moment ou à un autre. Leurs noms sonnent étrangement soit 'américains', soit 'français', soit 'russe'.

Il se passe quelque chose d'étrange, j'en ai le sentiment, mais si j'ose en parler à Andrew sa colère éclate contre moi.

Ces derniers jours, le clan ORAN est agité. Markus est revenu en sang d'une de ses missions. Andrew est extrêmement nerveux et je crains que cela se retourne contre moi alors je fais tout pour me faire petite.

Je suis dans ma chambre en train de me reposer sur mon lit, quand la voix d'Andrew m'arrive aux oreilles depuis le salon.

"Cela est inacceptable ! Comment des sous-merdes peuvent-elles se croire supérieures ?"

"Nous devons faire quelque chose ! Cela ne peut plus durer ! Il faut les éliminer une bonne fois pour toute Andrew !"

Un silence s'installe pendant un long moment puis ce que dit mon copain me glace le sang.

"Rassemblez tout notre clan. Il est temps d'agir et d'éliminer cette sous-race qui empêche notre puissance de demeurer. Voici la liste de personnes à retrouver. Localisez-les et ensuite nous passerons à l'action. Bientôt plus personne ne pourra s'opposer à notre victoire."

De quoi et de qui parle-t-il ?

"Et que faisons-nous de tu sais qui ? Elle voudra participer à tes côtés mais peut tout faire rater."

"Nous ne savons même pas si nous pouvons lui faire confiance. Elle est Russe !"

"Je m'occupe d'elle."

Dans les secondes qui suivent, j'entends Andrew monter vers ma chambre alors que je décide de faire semblant de dormir.

"Lève-toi je sais que tu ne dors pas." siffle-t-il en me prenant par le bras et me traînant hors du lit.

Sa main entre en contact avec mon visage.

"Ecoute-moi quand je te parle ! J'ai quelque chose à faire et je ne veux pas de toi dans mes jambes. Tu vas partir d'ici. J'ai une mission pour toi. Et tu as intérêt à être discrète. Compris ?"

Il me lâche enfin le bras et me tend un papier avec ma prochaine tâche. Il sort sans un mot. Je lis rapidement ce qu'il est écrit :

"Trouve cette personne et fais en sorte qu'elle ne revienne pas ou c'est toi qui ne reviendra pas !"

Dans le langage du clan, cela veut dire : "Tue-la !"

Je lis la fin du message avec le nom que je dois éliminer. Un certain VALO. Andrew m'a indiqué les instructions à suivre.

A la tombée de la nuit, je me faufile à mon point d'observation habituel. Je n'ai tué personne jusqu'à maintenant. Alors pourquoi me demande-t-il cela soudainement ?

Andrew veut sûrement me tester... Mais j'irai au bout du monde pour lui.

Qui est donc cette personne, ce mystérieux VALO ?

Je cours discrètement sur les tuiles des villas de la capitale en suivant les instructions d'Andrew. Je m'accroupis derrière une cheminée et attends que ma victime sorte.

Qu'est-ce que je suis en train de faire exactement ?

Je n'ai pas le temps de vraiment répondre à ma propre question, que j'aperçois une personne correspondant à la description que m'a donné mon copain. J'attends un peu pour connaître son comportement. Un homme plus âgé s'approche de lui.

"Hé Valo, superbe interview aujourd'hui ! Grâce à elle tu vas faire la une de tous les journaux demain matin !"

La conversation se termine mais mon cerveau n'enregistre pas. Il est bloqué par ce que je viens d'entendre.

Trois informations capitales :

- Il s'agit bien du certain VALO
- Il parle en russe, sans accent. Ce qui veut dire qu'ils sont natifs de Russie.
- Il a dit 'la une' ? Seraient-ce des journalistes russes ?

Un frisson parcourt ma colonne vertébrale avec une boule au ventre, me disant de ne pas tuer cette personne. Je me sens observée.

Puis je pense à Andrew et combien je l'aime. Je relève ma capuche et mon écharpe. Je glisse sur la pente du toit, attrape une gouttière et me laisse atterrir juste derrière ma victime. Je sors mon couteau de ma ceinture et arme mon bras prête à commettre ce qui serait probablement la plus grosse erreur de ma vie.

Au moment où je vais abattre mon arme dans son dos, l'homme en question se retourne effrayé.

"Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Pitié non..." dit-il dans un russe parfait.

Il n'est qu'à quelques centimètres de moi, mais mon bras ne veut pas s'abattre. L'homme continue de me supplier.

La lumière de la lune vient éclairer son visage et révèle enfin qui est ce VALO que je dois assassiner.

Mon cœur suffoque.

"Papa..."