¤ Chapitre 23 ¤

4 1 2
                                    

Léa

Cette porte me pétrifie. Elle est grande, imposante et terrifiante. Je sais que derrière se trouve le futur, existant ou non, de ma relation avec Matthieu. Je pense sincèrement que c'est cette dernière information qui m'effraie le plus.

Va-t-il me rejeter ? Va-t-il, à l'inverse, m'enlacer ?

Mais ça, je ne pourrais le savoir que si j'appuie sur cette satanée sonnette.

Le courage me manque. Je décide de m'asseoir sur les marches du perron pour tenter de remettre mes idées en place. Mon cerveau est tellement rempli que je suis étonnée qu'il n'ait pas encore explosé dans ma boîte crânienne.

Lorsque je suis parti de chez moi, j'étais sûre de ne pas vouloir me rendre chez Eva. Pour une raison évidente : je dois gérer cette histoire toute seule. Bien que ma meilleure amie soit de très bons conseils, lesquels je suis la plupart du temps à la lettre, je dois ravaler ma fierté par moi-même et savoir choisir mes combats. Surtout que, ne nous voilons pas la face, je pourrais difficilement rester toute ma vie aux côtés d'Eva. Nous allons être séparées par les études. Je le sais et je ne peux rien n'y faire. On s'appellera le plus souvent possible, c'est sûr, mais j'ai une trouille bleue de l'avenir. À commencer par le choix de mes études supérieures. Tous les adultes ne cessent de répéter que dans la vie, on a tous une passion qui doit correspondre à notre futur métier. Le problème, c'est que je pense que personne sur Terre n'a la passion de faire du ménage ou encore de descendre les poubelles. Oui, nous faisons toutes ces tâches ménagères et peut-être qu'on peut aimer le résultat après les avoir accomplies, mais soyons honnêtes, ce n'est pas une passion. Je ne sais pas quoi faire de ma vie. Je le dis et j'en suis fière. Il faut arrêter de dire que nous avons besoin de savoir le plus vite possible ce que nous voulons faire de notre vie. Je suis en première et j'ai dû choisir de faire une filière scientifique par défaut. Cette constatation me fait mal : on ne devrait pas avoir à choisir par défaut. Ce n'est pas humain. Mon souci est vraiment étrange à vrai dire. Ce n'est pas que je ne trouve pas de métiers intéressants, c'est qu'il y en a trop ! Il y a un nombre incalculable de métiers que je trouve plaisant. Le seul et unique problème, c'est que la plupart d'entre eux ne me conviendraient pas sur le long terme. Je vais vous en citer quelques-uns pour que vous compreniez mieux. Être caissière, ou assistance personnelle, ou coiffeuse, ou femme de ménage, ou directrice d'hôtel, ou encore propriétaire d'une librairie. Mais je doute que je parvienne à passer ma vie à faire ce genre de travail. Parce qu'il faut avoir du courage et je n'en ai pas. Et puis, mes parents m'ont toujours habitué à un certain luxe, donc je dois trouver une carrière qui puisse me permettre de maintenir mon niveau de vie, tout en l'aimant assez pour avoir envie d'aller travailler chaque matin. Une vraie galère.

J'entends une porte s'ouvrir dans mon dos. Je me contorsionne, et aperçois Thiery, le père de Matthieu, sortir de la maison et s'asseoir à mes côtés. Il me sourit gentiment.

— Je me doutais bien que ce petit garnement m'avait menti, tu n'es pas rien pour lui et il est tout pour toi, ou je me trompe peut-être ? Il s'est mal comporté, je te l'accorde, mais tu comptes pour lui, Léa, je peux te l'assurer. S'il ne t'aimait pas, il ne souffrirait pas comme il souffre et toi de même. Tu sais quoi, je vais te raconter une histoire. Celle de mon ex-femme et de ma personne. Vous me faites beaucoup penser à nous, mais en bien plus amoureux qu'on ne l'était. Elle était la meilleure joueuse de l'équipe de baseball de mon école, j'en étais tombé raide dingue amoureux dès que mes yeux se sont posés sur elle. Elle possédait toutes les qualités dont je pouvais rêver. Je lui ai demandé de sortir avec moi en reproduisant une scène de son film préférée. Mais le bonheur n'est pas éternel. Il est comme les pétales d'une fleur qui fanent au fil du temps. La passion et l'amour s'évaporent.

C'est vrai que maintenant que j'y pense, Matthieu ne parle jamais de sa maman.

— Puis-je vous demander ce qui a causé votre séparation ?, je lui demande, intriguée.

— Cette histoire nous a tous détruits. Matthieu en est encore bouleversé. Il agit comme si cette femme, qui est sa mère, n'existe plus. Je ne sais pas s'il va te parler de ce qu'il s'est passé, puisqu'il n'en parle à personne, il ne supporte pas lorsque quelqu'un aborde le sujet. Ne m'en veux pas, mais je ne souhaite pas t'en parler, ce n'est pas contre toi, mais je pense que Matthieu doit se confier et que tu es la personne pour ça, le père de Matthieu regarde sa montre et se tourne vers moi tout sourire, je vais devoir aller en ville pour un rendez-vous médical, je serai de retour dans deux petites heures. Tu peux attendre à l'intérieur si tu veux.

Je me pose plein de questions, mais je ne les énonce pas à voix haute.

— Merci Thiery, je vais l'attendre dans sa chambre si cela ne vous gêne pas.

— Mais non, tu ne gênes absolument pas ! Aller, je te laisse.

Il se lève et monte dans sa voiture, me laissant seule devant sa maison. Je monte les marches et pousse la porte, puis la referme derrière moi une fois que je suis à l'intérieur.

La maison de Matthieu est très chaleureuse, avec un nombre important de portraits. La fille, le fils et le père se ressemblent comme trois gouttes d'eau. Il ne pourrait pas renier ses enfants, ça, c'est certain. Je ne vois pas de pièce qui pourrait ressembler à une chambre, seulement une cuisine et un salon. Je grimpe les escaliers, j'entrouvre une porte et découvre un lit, mais pas d'affaires de cours, elle est très simple, mais très bien rangé, rien ne dépasse. Je suppose qu'il s'agit de la chambre de Thiery. Je referme doucement la porte, et j'avance un peu plus loin. J'ouvre une seconde porte et remarque tout de suite le sac à dos de Matthieu, par terre à côté du bureau.

Je rentre dans la chambre qui doit sans aucun doute appartenir à Matthieu. La surprise me gagne lorsque je me rends compte de la maturité qui émane de cette pièce. Je remarque qu'il y a énormément de portrait de lui et sa famille ainsi que des dessins superbement bien exécuté. Je m'approche de l'un d'eux et découvre la signature de son artiste : S.Pricier, sans aucun doute la sœur de Matthieu. Elle semble extrêmement talentueuse. Trois des quatre murs sont beiges, le dernier étant brun. Une grande horloge est accrochée au mur, juste en face du lit. Une porte mène à la salle de bain attenante. Je réprime un rire en voyant le contraste entre la chambre de Matthieu et cette dernière. Les murs sont bleus clairs et la pièce est décorée de guirlandes ainsi que d'accessoires en tout genre. Une seconde porte se trouve dans la salle de bain. Il y a un grand panneau qui stipule que tous « les Matthieu ronchons » sont interdits dans la pièce. Je suppose que l'espace derrière cette porte doit être la chambre de la fameuse « S ». Je crois qu'ils aiment particulièrement prendre des portraits de famille : chaque pièce a le sien, tous différents, mais pourtant si ressemblants. Celui de la salle de bain est un peu plus petit, mais bien présent.

Je retourne dans la chambre de Matthieu et m'assieds sur le lit. Je suis soucieuse de la suite des évènements, qui pourrait dégénérer, mais je ne peux plus faire marche arrière. C'est maintenant ou jamais. Nous n'avons qu'une vie, après tout. D'après son papa, Matthieu n'aime pas parler de ce qu'il s'est passé et je sais que j'aurais énormément de mal à me contenir s'il décide de ne pas me faire part de son passé. Ce n'est pas juste, car c'est sa décision et non la mienne, mais je voudrais tellement qu'il s'ouvre à moi. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais j'ai la forte impression que notre couple peut durer et que nous saurons résister aux obstacles de la vie. Enfin, ce n'est pas vraiment une certitude, plutôt un espoir.

L'immense horloge me rajoute un stress phénoménal : je vois son aiguille battre les secondes, tout comme l'attente bat mon cœur. Je la fixe comme si j'allais réussir à la faire flancher pour faire accélérer le temps. Je ne sais même pas si je veux qu'elle ralentisse ou qu'elle accélère, mais je veux pouvoir la contrôler à ma guise. Je peux donc affirmer qu'il s'est exactement passé une heure, huit minutes et quarante-neuf secondes entre le moment où je me suis assise sur le lit de celui qui fait battre mon cœur et le moment où il a passé la porte. Un immense sourire s'étend sur ses lèvres. Il semble si épanoui, heureux, soulagé même. Enfin, ça, c'était avant qu'il ne m'aperçoive... Il ne sourit plus. Pas une once d'émotions n'est perceptible dans son regard, comme s'il avait érigé un mur entre lui et moi. Cette idée me brise le cœur encore un peu plus.

Mes cauchemars sont en train de se réaliser sous mes yeux ébahis. Et je ne peux rien faire à part subir la suite.

B.O.M.I. - Boyfriend Of My ImaginationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant