Chapitre 1

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Elle était venue apporter ses notes de
cours à Pippa suite à sa demande car cette dernière les avait quasiment tous raté le long du trimestre. Mais elle comptait presque toujours sur son amie pour lui sauver la mise. Vekki était une étudiante consciencieuse, l'une des raisons pour lesquelles elle mettait tout en œuvre pour décrocher son diplôme de fin de cycle. Dès le moment où elle fut admise à l'Université, elle étudiait sans relâche afin de ne pas perdre le soutien financier que lui apportaient les grands parents de Pippa qui avaient seuls élevés leur petite fille suite au décès des parents biologiques de cette dernière.

Comme il fallait s'y attendre, Pippa se trouvait dans sa chambre, entourée de ses fidèles copines. Ensemble, elles croquaient la vie à pleines dents sans se soucier autrement de leurs portefeuilles car toutes cinq étaient issues de riches familles qui fournissaient aisément à leurs dépenses. Ceci n'était pas le cas de Vekki, sans doute parce qu'elle faisait partie de la classe ouvrière; de plus la tante chez qui elle vivait était une employée des grands-parents de Pippa depuis de nombreuses années. Cela pourtant n'avait pas empêché Vekki de se lier d'amitié avec la petite fille de ses patrons quand bien même que sa tante ne vit pas cela d'un bon œil et ne l'y encouragea pas.

<< Ne peux-tu pas voir que Pippa se sert de toi ? Il est évident qu'elle t'aime bien uniquement lorsqu'elle a besoin que tu lui rendes certains services ! >>

Vekki n'écoutait jamais sa tante que d'une oreille, elle avait toujours pensé que celle-ci exagérait beaucoup en ce qui concernait les fréquentations de la petite fille de ses employeurs et que Pippa ne pouvait pas être aussi vilaine que comme la présentait celle qui lui avait tenu lieu de nourrice durant toute son enfance. Pourtant la tante de Vekki affirmait sans l'ombre d'un doute qu'elle était celle qui la connaissait le mieux et savait de quoi elle pouvait être capable.

- Je suis contente de te voir, Vekki, l'embrassa Pippa en la gratifiant d'un sourire. Assieds-toi, veux-tu ? Accorde-moi une minute, je suis un petit peu prise avec mes copines...
- Je suis seulement venue pour te remettre mes notes comme convenu, Pip. Je n'ai pas l'intention de m'attarder, répondit Vekki à la sauvette.
- Bien sûr que non, ma chérie ! Objecta Pippa. Tu ne vas pas déjà t'en aller alors que tu viens à peine d'arriver. Nous prévoyons de sortir prendre un verre tout à l'heure, pourquoi ne pas te joindre à nous ?
- Je suis désolée mais je ne vais pas pouvoir m'éterniser. J'ai un examen demain dans la matinée, réfuta Vekki une fois pour de bon.
- Toi et tes examens ! Tu devrais relaxer un peu, il n'y a pas que les études dans la vie, ma chère, s'offusqua son amie.

Pippa se sentit alors obligée de retourner à ses amies car déjà celles-ci la réclamaient à grands cris. Elles tenaient un magazine de mode ouvert entre leurs mains et poussaient de fortes exclamations à chaque nouvelle page tournée.

- Qu'est-ce qu'ils sont beaux les fils du célèbre couturier italien Alessandro Campobello ! Affirma l'une d'entre elles en se pâmant devant la photo d'un jeune homme à la peau métissée, les cheveux d'un noir éblouissant bouclés à souhait. Je ne me lasse pas de les admirer !
- Je les trouve divins tous les deux mais ma préférence va à Gennio, répondit Pippa en détaillant minutieusement la photographie du jeune homme sous les regards admiratifs de ses quatre précieuses amies.
- Mais enfin, qu'est-ce que tu racontes, Pippa ! Se fâcha systématiquement une autre. Jamis Campobello est de loin le plus admirable. Nul besoin de dire qu'il a quelque chose qui manque à son frère.
- Demi frère, corrigea une troisième. Dois-je vous rappeler que Gennio et Jamis n'ont de commun que leur père mais si on doit se fier à ce que raconte les médias, ils s'entendent pas mal. Pour dire la vérité, moi aussi je préfère Jamis.
- Mais qu'avez-vous toutes les deux à préférer Jamis ? S'agita Pippa en feignant l'indignation. Et toi, Henna, qui des deux préfères-tu ? Voulut-elle savoir en s'adressant à une autre amie avec l'espoir qu'elle lui donne la réponse qu'elle souhaitait entendre.
- Je suis désolée, Pip mais moi à la différence des autres, je n'ai aucune préférence, répondit Henna en évitant soigneusement le regard sentencieux de son amie. Je les adore tous les deux ! Ajouta t-elle plus pour elle-même qu'autre chose.

Pippa eut un soupir de déception. Elle ne comprenait pas pourquoi aucune de ses précieuses copines ne souhaitait se rallier à son opinion. Elle en était encore à s'indigner de ce fait quand soudain l'idée lui vint de s'enquérir de l'avis de Vekki tout en espérant qu'elle s'y connaisse sur la question car après tout il n'était pas certain que pauvre comme elle l'était, Vekki sache grand chose de la mode et du monde qui l'entourait.

- Eh bien, je... Je dirais que Gennio est celui que je préfère, finit par répondre Vekki pour ne pas paraître mal informée.
- Mais qu'est-ce que tu en sais ? Se moqua impitoyablement l'une des cinq filles. À ce que j'en sache, moi, tu as toujours le nez dans tes bouquins. Comment peux-tu seulement prétendre avoir une préférence pour l'une de ces deux célébrités ?
- Ne sois pas désagréable, veux-tu Majora ? Sermonna Pippa en prenant systématiquement la défense de son amie. Vekki me rend souvent visite et oui, même si ça semble difficile à croire, il lui arrive de feuilleter mes magazines.

Vekki osa de nouveau lever la tête et dans son expression on pouvait déceler de la reconnaissance envers Pippa qui était intervenue à sa rescousse. Ce qu'elle détestait se retrouver en présence des "précieuses" copines de Pippa car celles-ci ne ménageaient rien pour lui rappeler incessamment où était sa place.

****

- Je te remercie d'être passée me voir, Vekki, déclara Pippa après avoir raccompagné son amie jusqu'à la sortie. Grâce à tes notes, je vais pouvoir bien réviser les cours avant mon prochain examen. Je te revaudrai ça.
- C'est inutile de me remercier, Pippa, répondit la jeune fille de bon cœur. C'est toujours un plaisir de te dépanner. Bien, il faut que je file à présent. Je dois remplacer Rex à la réception dans un moment. On se dit à plus tard ?

Avant même que Pippa n'ait eu le temps de répondre, Vekki avait déjà tourné les talons puis elle la regarda s'éloigner sans pouvoir rien ajouter de plus. Pippa fit ensuite une petite grimace en se disant qu'elle ne parviendrait jamais à comprendre cette fille qui n'était pas véritablement son amie; elle ne pourrait d'ailleurs jamais le devenir, s'en convint-elle. Vekki était trop naïve, bien trop modeste pour elle et ce jusque dans sa façon de s'habiller. Après tout qui était-elle si ce n'est la nièce de la bonne qui avait toujours été aux services de ses grands parents aussi longtemps qu'elle s'en souvenait ? Vekki avait grandi dans une ferme à des centaines de kilomètres de la grande ville et n'avait définitivement rejoint sa tante à la capitale qu'après avoir décroché son baccalauréat avec une mention honorable. À la suite de cela, son grand père s'était proposé d'assumer la responsabilité de lui payer ses études universitaires dans l'une des plus prestigieuses universités de la place, ce que Pippa avait eu beaucoup de mal à digérer. Si quelques fois cependant elle ressentait de la peine pour sa camarade, il lui arrivait assez souvent d'éprouver de la jalousie envers Vekki pour l'unique raison que son grand-père la lui ait toujours préféré. Car pour une raison ou une autre, Vekki était bon enfant, sage, studieuse et affectueuse. Elle était dotée d'un caractère affable et ne manquait jamais de témoigner sa gratitude pour tous les bienfaits dont elle bénéficiait par moments. Jamais on ne la voyait mal se conduire, toujours souriante face aux vicissitudes de la vie.

<< Mon grand-père aime Vekki plus que moi >> avait un jour confié Pippa à sa grande cousine en présence même de ce dernier. Celui-ci s'était aussitôt emporté contre elle ce qui ne fit d'ailleurs que confirmer les doutes de la jeune femme de vingt et un an.
<< Nous avions déjà eu cette discussion, Phillipa ! >> Avait rétorqué le vieil homme. << Comment ne puis-je pas apprécier cette jeune fille qui prend conscience des efforts que ses proches parents déploient au quotidien pour qu'elle ait un excellent futur ? J'aurais souhaité qu'elle porte notre nom par opposition à toi qui t'en rends indigne chaque jour qui passe ! Il est temps que tu deviennes une personne responsable ! Tes pauvres parents se retourneront dans leur tombe si on venait à leur raconter de quelle manière tu mènes ta vie.>>

Pippa n'a jamais su pardonner à son grand-père de lui avoir tenu des propos aussi blessants mais surtout d'avoir porté aux nues la bravoure de Vekki en présence même d'un autre membre de la famille. Mais même si la pauvre fille n'y était pour rien, Pippa ne pouvait pas toujours s'empêcher de lui en tenir rigueur.

Séduction DangereuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant