Chapitre 59

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Vekki avait choisi de passer toute la journée dehors avec l'espoir que Jamis se serait endormi avant son retour car elle ne se voyait pas du tout dîner avec lui. Elle avait donc accepter de dîner en compagnie de mama Afelika et elles étaient restées à bavarder jusqu'à ce qu'il sonne vingt trois heures. La jeune femme s'aperçut qu'il était tard et qu'elle ne voulait qu'une chose : rentrer se coucher. L'idée lui était venue d'aller passer la nuit à la villa mais elle vit que cela paraîtrait un peu trop flagrant aux yeux de Jamis qui viendrait à l'interroger sur son geste et elle n'avait aucune envie de se lancer dans des explications absurdes. Peut-être s'attendait-il à ce qu'elle se sente redevable envers lui, il ferait alors bien mieux d'oublier qu'il lui avait sauvé la vie car cela risquait fort bien de ne jamais se produire. Jamis était le seul vrai coupable du drame qu'ils avaient tous deux vécu, il était donc naturel qu'il fasse un beau geste. Le plus triste était de voir qu'il fut acclamé comme un véritable héros : le célèbre Jamis Campobello qui met sa propre vie en péril pour sauver celle de la jeune femme qui incarne le nouveau visage des créations de Verelda Moda.

Il y avait surtout de quoi en pleurer. Si tous ces gens qui l'encensaient tant savaient réellement qui était le véritable Jamis et tout ce qu'il a été capable d'élaborer comme stratégie afin d'en venir à étancher sa soif de vengeance, Vekki se demandait quelle aurait été leur réaction à eux tous.

Elle monta les escaliers deux par deux en veillant toutefois à faire le moins de bruit possible car il ne fallait surtout pas réveiller Jamis. Vu qu'il prenait des cachets antidépresseurs et anti inflammatoires, Vekki l'imaginait mal veiller tard la nuit comme il en avait acquis l'habitude. Elle en vint à ouvrir la porte de la chambre qu'elle occupait dans la résidence et fut accueillie par l'obscurité la plus totale puis elle entreprit de mettre la main sur l'interrupteur et la chambre s'éclaira aussitôt. Toute à la joie de pouvoir enfin distinguer les objets et les meubles, Vekki manqua de faire une attaque lorsque son regard croisa la silhouette de Jamis assis dans un fauteuil et arborant un air grave sur le visage. Il portait un peignoir de couleur turquoise très élégant. À première vue, il ne paraissait pas pour le moins fatigué contrairement à ce qu'elle s'était imaginé à croire.

- Où étais-tu ? J'ai tenté de te joindre toute la journée sans succès.

La question la prit au dépourvu. Que pouvait-elle répondre à cela ?

- J'ignore depuis quand tu as pris cette fâcheuse habitude de ne pas décrocher les appels que j'emets vers ton téléphone, poursuivit Jamis toujours sur le même ton grave et cérémonieux qui présageait un ciel nuageux avant l'orage.
- J'étais avec Amaka, répondit Vekki à la sauvette. J'étais trop occupée à l'aider dans l'organisation du dîner qu'elle donne pour son prochain anniversaire, je n'ai pas entendu le téléphone sonner.
- Toute la journée ?
- En effet.

Jamis ne croyait pas visiblement un mot de ce qu'elle racontait, remarqua Vekki sans vouloir trahir son embarras. C'était tant pis pour lui car après tout, elle n'avait aucun compte à lui rendre.

- L'inspecteur Adambou est venu ici en fin d'après midi, affirma t-il cette fois en prenant un air plus ou moins détendu. Il voulait s'entretenir avec toi. À ton avis, que peut-il bien avoir à te dire puisqu'il m'a semblé que tu as déjà fait hier ta déposition.
- Aucune idée.
- Ne joue pas les innocentes, Vekki. L'inspecteur n'a sûrement voulu rien me dire parce qu'il ne pouvait pas me mettre dans la confidence des documents que tu lui as fait parvenir par je ne sais quel moyen. Les mêmes qui inculpaient Lewis. Il va être condamné, c'est évident !
- Ça m'est complètement égal ! Je n'ai absolument rien à voir dans l'arrestation de ce minable.
- Tu n'es donc pas celle qui a eu accès à mon coffre fort en mon absence et qui m'a dérobé ces documents ? Tu ferais bien mieux de me dire la vérité tout de suite Vekki autrement, je ne réponds plus de rien !

Vekki prit peur car elle avait une petite idée de ce que Jamis était capable de lui faire pour avoir livré son complice entre les mains de la justice. Il donnait l'air de vouloir la manger tout crû, elle aurait voulu rentrer sous terre pour ne pas avoir à subir son courroux.

- Je n'en sais rien ! Hurla t-elle à son tour tout en luttant contre les émotions qui étaient devenues trop ingérables.

Jamis fit le geste de se rapprocher d'elle mais brusquement il ressentit une vive douleur dans le crâne qui l'empêcha de faire un pas de plus. Il se tordit sous le poids de la douleur, Vekki manifesta aussitôt son inquiétude.

- Jamis, qu'est ce qui t'arrive ? L'interrogea t-elle la peur au ventre.
- Apporte-moi mes cachets ! Lui ordonna t-il en tenant sa tête entre ses mains.
- Où sont-ils ?
- Dans ma chambre... Sur la table de chevet...

Vekki courut jusqu'à la chambre voisine qui était celle de Jamis et revînt rapidement avec les cachets en question et un verre d'eau.

Posant sa main sur la sienne, Jamis dirigea le verre d'eau à sa bouche et lorsqu'il but une gorgée puis encore une autre, il relâcha finalement la main salvatrice de Vekki qui reposa alors le contenant en cristal sur le moelleux tapis de couleur mauve aux formes arrondies. Miraculeusement, Jamis sentit les douleurs qui le tétanisèrent, disparaître progressivement et il put enfin respirer convenablement. Son regard se posa instinctivement sur celui de Vekki dont les iris reflétaient encore l'inquiétude qu'elle avait ressenti sur le coup. Était-il entrain de se faire des films ou bien la jeune femme se préoccupait-elle réellement de son état de santé ? Elle aurait pu le regarder souffrir voire le laisser mourir mais elle avait choisi de lui venir en aide nonobstant toutes les cruautés dont il s'est rendu seul coupable à son égard.

- Tu en fais une tête, Vekki, la taquina t-il. Ne t'en fais pas, ce sont des crises passagères, elles ne vont pas s'éterniser.
- Tu en es sûr ? S'enquit celle-ci d'une toute petite voix.

Elle était restée accroupie auprès de lui, l'observant silencieusement comme si elle craignait qu'il fasse une nouvelle crise si jamais elle s'éloignait. Ému à cette pensée, Jamis leva doucement sa main et la posa sur la joue de Vekki en une caresse tendre et affectueuse. Le contact de sa peau contre sa paume éveilla en lui des désirs longtemps refoulés. Jamais aucune femme n'avait provoqué en lui d'aussi intenses émotions.

Comment pouvait-il la détester et la désirer à la fois ? Il n'y comprenait rien. Il l'a détesté pour avoir posé les yeux sur son demi frère, pour lui avoir juré amour et fidélité quand bien même qu'elle ne le connaissait pas comme elle le devrait. Elle semblait être l'incarnation même de la naïveté et de l'innocence quand il la connut, Jamis fit tout ce qu'il était en son pouvoir pour la transformer afin de gommer à jamais l'image de cette jeune fille candide, apparemment influençable. Il n'était pas tolérable dans un monde comme le sien d'avoir si peu de jugeote ! Il l'avait façonné, l'avait remodelé au gré de ses envies puis il avait réussi à la faire se retourner contre l'homme qu'elle avait prétendument aimé d'un amour inconditionnel.

Encore une fois, Gennio avait prouvé qu'on ne pouvait pas se fier à lui. Il n'avait pas su défendre becs et ongles la femme vers qui son cœur s'inclinait. Par orgueil ou par défaillance, il avait laissé Vekki à sa merci et c'était la pire erreur qu'il avait commise de toute sa misérable vie.

Jamis avait eu la faiblesse de croire après les obsèques de leur père que Gennio allait le soutenir, qu'il cesserait de collectionner les femmes et qu'il s'intéresserait un peu plus à leurs affaires de famille mais il n'en fut rien. Au lieu de cela, il multiplia les conquêtes et eut même la chance de croiser la route de la femme la plus belle et la plus valeureuse de toutes.

Qu'avait-il fait pour mériter son amour ? Dès le moment où ses yeux se posèrent sur les photos que son frère avait ramené de son premier voyage à Lomé, Jamis se mit en tête d'amoindrir la distance qui le séparait de Vekki. Elle ne sera jamais à Gennio, s'était-il juré car pour une fois, ce sera lui qui aurait une histoire de sexe avec une femme que son demi frère convoitait. Gennio allait voir son cœur se briser en morceaux et pour la toute première fois de sa vie, il goûterait à cette coupe que l'on nommait Trahison. Amère, imbuvable...

Séduction DangereuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant