Ils restèrent là plus d'une demi heure sans se regarder et sans échanger la moindre parole puis ce fut Jamis qui se résolut à briser le silence.
- Vekki, je ne veux pas que tu t'inquiètes, lui dit-il. Je vais te sortir d'ici saine et sauve, je ne vais sûrement pas laisser Kendra te faire le moindre mal. C'est avec moi qu'elle a des comptes à régler, pas toi.
- Pourquoi est ce que tu dis ça ? L'interrogea t-elle piquée au vif par la curiosité. Quels comptes aurait-elle à régler avec toi ?
- Kendra est amoureuse de moi. Ouais, je sais, je suis un vrai tombeur !Jamis avait eu la brillante idée de détendre l'atmosphère en même temps qu'il continuait d'élaborer un plan pour les faire sortir de cet enfer. Il avait beau vouloir faire l'effort mais il haïssait l'ambiance qui régnait dans la pièce et c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour ne pas suffoquer. Il restait conscient de ne pas pouvoir être capable de supporter cet enfermement mais il ignorait combien d'heures il allait encore pouvoir tenir.
- Allons, ne fais pas cette tête, Vekki. Reconnais plutôt que je suis bien plus charmant et plus chevaleresque que ne pourra jamais l'être mon adorable frère.
- Est ce que ma réponse changerait-elle quelque chose à la jalousie que tu éprouves à son encontre ? Répliqua Vekki mesquine.
- Touché, fit Jamis en perdant du coup tout envie de plaisanter.Il eut pourtant un petit rire de circonstance.
- Il fut un temps où je ne supportais même pas qu'on y fasse allusion, maugréa t-il.
- Qu'on fasse allusion à quoi ? À ta jalousie manifeste pour ton frère ?
- C'est exact. Il faut croire que l'enfermement me rend moins coriace et moins vindicatif.
- Je me suis toujours demandé ce qui te poussait à ressentir tant d'envie et de jalousie envers Gennio. De vous deux pourtant, il me semble que c'était toi le chouchou de votre père ?
- C'est bien vrai mais ça n'a jamais empêché Gennio de vivre sa vie comme il l'entendait. Moi j'étais trop bien élevé, trop soucieux de bien faire les choses tandis qu'il se fichait de son côté de rendre des comptes. Au lycée et par la suite à l'Université, les filles se bousculaient autour de lui, Gennio faisait partie des garçons les plus populaires, j'ignorais comment il réussissait là où moi j'essuyais un échec cuisant. Je me rappelle qu'au lycée, il y avait une fille qui me plaisait beaucoup, j'en avais parlé à Gennio, je lui avais même proposé de m'aider à la séduire parce que je ne savais pas trop comment m'y prendre. J'ai toujours été tellement timide dès qu'une fille se mettait à m'adresser la parole... Mais au final, c'est avec Gennio que la fille a préféré se rendre au bal de promo. Ça s'est toujours passé comme ça avec Gennio, il finissait toujours par sortir avec les filles que je lui présentais. Elles ne s'intéressaient à moi que lorsqu'elles étaient sûres de pouvoir tourner autour de mon réputé frangin, il y en avait que pour lui. C'est à partir de ce moment que j'ai réellement commencé à ressentir de la jalousie envers Gennio mais ça ne m'empêchait pas de l'idolâtrer, c'était mon frangin !Vekki écoutait Jamis débiter son histoire avec attention. Plus elle l'écoutait, mieux elle réalisait que cela n'avait pas dû être facile pour le jeune garçon qu'il avait été de vivre constamment dans l'ombre de son demi frère.
- Je reconnais tout de même que ma jalousie a prise une proportion morbide lorsque j'ai surpris Kendra dans le lit de Gennio alors qu'il était sensé m'aider à la séduire. Je n'ai jamais réussi à lui pardonner cette trahison comme je l'avais fait pour toutes les autres. Il m'avait sorti des explications comme quoi il ne voulait pas, c'était Kendra qui avait insisté... J'avais beau être attiré par Kendra à l'époque mais après ce que j'ai vu, je n'ai jamais pu me résoudre à avoir une relation avec elle autre que celle du travail. J'ai éprouvé un énorme plaisir à me servir d'elle à chaque fois que l'occasion se présentait et à lui faire croire pendant des années que mes sentiments pour elle n'avaient. pas changé.
- Et moi, Jamis ? Dis-moi ce que je t'ai fait pour que tu m'aies traité comme tu l'as fait ?Jamis ne put supporter cette soudaine tristesse qu'il parvenait à déceler dans les yeux sombres de Vekki. Pourquoi a t-il fallu qu'elle lui pose une question à laquelle il n'aurait jamais souhaité pouvoir répondre ?
- Ça n'avait rien à voir avec toi.
- Oh que si ! Ça avait tout à voir avec moi. Tu voulais me détruire en même temps que ton frère alors que tu ne me connaissais même pas. Tu n'avais aucune idée de qui j'étais et de ce qu'était ma vie...
- Tu as raison, Vekki. Je suis désolé. C'est tout ce que je peux te dire. Je ne peux rien faire d'autre qu'être désolé.
- Dans ce cas je n'ai plus qu'à te remercier d'être tant désolé pour moi. Merci beaucoup ! Merci aussi d'avoir gâché ma vie et d'avoir la reconnaissance d'en être navré.Vekki était furieuse. Furieuse contre elle-même de ressentir la moindre sympathie pour cet homme qui lui avait volé sa vie mais qui s'excusait aussi platement. Pour qui se prenait-il ? Elle avait les muscles des bras et du dos endoloris et priait pour qu'un miracle se produise et qu'elle soit bientôt délivrée de sa captivité et tout ce que Jamis trouvait à dire pour lui remonter le moral était qu'il était désolé. Quel piètre comédien, il faisait !
- Un soir, alors que Gennio n'était pas chez lui, je suis venu à son appartement. Je détenais ses clés alors je m'en suis servi. Je mourrais d'envie de connaître ce qu'il me cachait car je l'ai trouvé changé depuis son retour de Lomé et il fallait absolument que je tire cela au clair puisque manifestement il ne voulait rien me dire à ce sujet. Je m'étais donc mis à fouiner dans ses affaires et je suis tombé sur les photos qu'il avait prises de toi. En découvrant la jeune femme sur ces photos, ça m'a fait réalisé combien mon frère m'échappait. J'ai de suite ressenti beaucoup d'hostilité à ton égard et je m'étais dit : encore une délurée qui mourrait d'amour pour lui. Mais lorsque Kendra m'a rapporté que Gennio n'avait jamais rien tenté avec toi, j'ai compris dès cet instant que mon frère tenait réellement à toi, Vekki c'est pour ça que j'ai conçu un plan pour me venger. Il fallait absolument que je te ramène ici peu importait le prix à payer. Je devais le voir souffrir autant qu'il m'en avait fait baver. Je voulais qu'il expérimente ce que c'était de se sentir trahi par son propre frère.
- Moi j'ai toujours pensé que c'était pour l'avoir protégé de votre père qui voulait le tuer que tu lui en voulais véritablement. Je croyais que c'était le fait d'avoir à porter seul sur tes épaules la mort de votre père que tu as dû...
- C'était pour ça et pour beaucoup d'autres raisons.
- Je me demande encore comment tu as pu en arriver-là, Jamis. Où as-tu donc trouvé la force d'assassiner ton propre père ? Je suppose que tu l'aimais ? C'est tellement difficile pour moi d'imaginer que tu as pu être ce monstre qui ait été capable d'ôter de sang froid la vie de celui qui...Une fois de plus, Vekki ne put finir sa phrase. Elle semblait encore sous le choc comme si elle venait d'apprendre la vérité à l'instant.
- Je me devais de protéger la vie de Gennio, mon père ne m'avait laissé aucun autre choix, tenta de se justifier Jamis. J'ai en vain essayé par tous les moyens de le raisonner. Pour être sincère, ce n'est pas moi qui l'ai tué. Je suis entré dans sa chambre ce soir-là pour le dissuader une ultime fois. Il semblait résolu à ne pas abandonner son projet d'assassinat de son propre fils. Je me suis rapproché de son lit et me suis emparé d'un oreiller et j'ai menacé de l'étouffer s'il n'appelait pas le tueur à gage en ma présence pour annuler l'ordre qu'il avait donné. Il est alors rentré dans une colère affreuse mais il n'eût même pas le temps de prononcer une seule parole puisqu'il fut aussitôt victime d'une crise cardiaque. Il mourut sur le coup. Ce n'est pas moi qui ai tué mon père mais je suis rongé de culpabilité parce que je suis conscient d'être le seul responsable de son décès. L'ironie était que j'avais réellement prévu de l'assassiner cette nuit-là s'il ne cédait pas à ma demande. Je n'arrête pas de me dire que sa mort était venue à point nommé et qu'il n'en aurait pas pu être autrement mais toutefois, ça ne m'ôte pas pour autant le poids de la culpabilité. Mon père me manque énormément chaque fois que des souvenirs me remontent à la mémoire...
Vekki regardait Jamis pleurer et pour la première fois depuis qu'elle fit sa connaissance, elle éprouva pour lui quelque chose qui s'apparentait à de la compassion. C'était surtout un homme tourmenté, cela elle le savait déjà mais elle ignorait jusqu'à quel point il l'était.
- Pourquoi Alessandro Campobello en voulait autant à son fils au point de vouloir sa mort et ce à n'importe quel prix ? L'interrogea t-elle animée du désir de continuer à faire parler Jamis dans le but de l'aider à évacuer son anxiété.
VOUS LISEZ
Séduction Dangereuse
RomanceCe qu'ils sont beaux les deux fils du célèbre couturier-designer Alessandro Campobello ! Mais bien souvent les apparences sont hélas trompeuses ; ne vous y fiez jamais et cela Vekki devra l'apprendre à ses dépens. Tout ce qui était hier peut ne pas...