Valse à Löwenstadt (T.3) [TERMINÉ]

24.

Le temps reprit sa route à toute vitesse, bousculant Melek au passage. Elle survolait les jours, cherchant désespérément à s'ancrer dans le moment présent. Elle s'accrochait aux événements d'une main pour ne pas se perdre, mais elle avait l'impression d'avoir constamment trois jours de retard.

Une vraie claque au visage. Elle avait eu hâte d'en finir avec les vacances et de rentrer à la maison. Mais tout s'était accéléré. Elle multipliait les cours d'étiquette, de discussion, absorbant la pression de ses professeurs.

Sa bouée de sauvetage, Wilhelm.

Dès leur retour, Annabell lui annonça que ses affaires avaient été déplacées dans la chambre de Wilhelm. Leur chambre désormais.

Et tout les soirs, elle pouvait s'effondrer de fatigue dans ses bras.

Pas tous les jours, mais plusieurs fois par semaine, il la rejoignait dans la salle de danse. Les premières fois qu'ils valsèrent ensemble, Melek oublia tout le soutien de ses bras, refusant la distance préconisée entre eux. Elle suivait ses pas chaotiquement, et semblait amnésique des mois derniers.

Monsieur Heusser, le professeur, en avait même pleuré de désespoir.

« Mademoiselle Özyidiz, je vous prierai de ne pas me faire passer pour un incompétent auprès de Son Altesse Royale. »

Wilhelm plongea ses yeux dans ceux de Melek. Il aurait voulu rire, mais se retreint. Ses yeux pétillèrent toutefois, déconcentrant Melek. Elle entendait à peine les paroles de son professeur. Comme si Wilhelm et elle avaient plongé sous l'eau et qu'on tentait de les appeler de la surface.

« Après-demain, Sa Majesté le Roi nous rejoindra pour que vous puissiez répéter ensemble, je ne peux vous laisser reproduire avec lui le désastre que vous venez de m'offrir. »

On tira Melek hors de l'eau. Elle devait danser avec Otto à son anniversaire. Elle avait oublié. Elle sembla soudain moins amusée de ses erreurs. Ses bras se raffermirent, elle fit claquer ses talons sur le parquet pour réarranger son équilibre. Elle serait intransigeante avec son entraînement.

Quand elle retrouva le visage de Wilhelm, il ne contint pas sa surprise de voir Melek aussi déterminée. Et il lui fallait bien cela pour affronter les courbatures qui l'assommaient jour après jour.

Les cours avec Madame Müller devenaient eux aussi plus intéressants depuis son retour de Mähnburg. Se confronter à la noblesse du pays chez Sophia lui avait servi de piqûre de rappel. Elle s'était permis des libertés puisqu'elle était n'était pas encore présentée officiellement. Sa relation avec Wilhelm et sa présence au palais n'étaient plus un secret pour personne mais son arrivée avec Otto et aux bras de Wilhelm marquerait sa sortie officielle.

Après l'anniversaire d'Otto, malgré elle, elle représenterait indirectement la couronne et elle ne pourrait plus se permettre d'écarts. Madame Müller ne lui en laisserait passer aucuns.