À la sortie, le soleil de septembre éblouit Melek et elle chercha à tâtons ses lunettes de soleil sur le sommet de son crâne pour les poser sur ses yeux. Le soleil sur la pierre blanche de la forteresse l'aveuglait encore, malgré la protection de ses verres teintés. Ignorant où se trouvait la sortie, elle suivit un groupe de touristes qui sortait de la boutique au coin opposé de la cour. Au passage, elle jeta un coup d'œil curieux au fond du vieux puits recouvert d'une cage en fer forgé. Le soleil brillait sur une multitude de pièce de monnaie. Melek sortit rapidement une pièce de cinq centimes du fond de sa poche et la serra fort dans sa main. Quand elle ferma les yeux, elle imaginait le visage de Wilhelm. Loin de l'hôtel, il se trouvait avec elle dans un paysage montagneux qui la bouleversa. Ce n'est qu'au moment de jeter la pièce qu'elle se rappela d'un matin glacé après une nuit dans un tipi. Ses joues étaient déjà rouges quand elle entendit sa pièce rebondir sur les autres au fond du puits. Ses pensées furent coupées par l'exclamation de la mère de famille hollandaise qu'elle suivait depuis le début de la visite. Elle les rejoignit à pas de géant et les suivit dans les dédales de la forteresse, jusqu'à trouver la sortie. Il lui faudrait encore redescendre les centaines de marches pour rejoindre le centre-ville de Löwenstadt et encore quelques minutes de marche pour sortir de la vieille ville et s'installer à la terrasse d'un des nombreux cafés qui bordaient la Tatze.
Depuis son arrivée à Löwenstadt, les occupations de Melek se comptaient sur les doigts d'une seule main. Tandis que Wilhelm rendait visite à son oncle et le remplaçait à de nombreuses choses qui restaient obscures et floues dans l'esprit de Melek, celle-ci se retrouvait vite dépourvue une fois dix heures passées. Elle prenait un petit-déjeuner avec Wilhelm, quand il n'avait pas à partir aux aurores, faisait quelques exercices de yoga ou méditation que Lale lui avait recommandée par téléphone pour lui apprendre à calmer ses angoisses, elle lisait un peu sur la terrasse, prenait une douche et... s'ennuyait. Les premiers jours, elle n'osait pas trop quitter l'enceinte de l'hôtel, mais elle étouffa rapidement et s'était mise en tête de visiter la capitale. Tant que Wilhelm voudrait d'elle à ses côtés, Löwenstadt serait son foyer et quand Otto déciderait de la rencontrer et d'annoncer la relation de Melek avec son neveu, elle devrait renoncer à sa liberté. Elle vivait là ses derniers instants d'anonymat, si elle ne visitait pas la ville maintenant, elle n'aurait peut-être plus jamais l'occasion de le faire avec autant de légèreté et d'insouciance.
Les jours de pluie, elle avait visité quelques musées, mais ils avaient été rares et l'été indien lui avait permis de déambuler à sa guise dans les rues de la capitale. Elle avait eu le temps de préférer deux-trois cafés aux autres et commençait à mettre en place une petite routine touristique. Après un déjeuner en ville, elle visitait parcs, églises et jardins avant de boire un verre en bordures du fleuve et en profiter pour appeler ses proches ou lire un petit peu. Quand la cathédrale sonnait dix-huit heures, elle remontait la longue côte qui la menait à l'hôtel. Là, elle attendait patiemment le retour de Wilhelm. Parfois, elle se laissait aller à l'inquiétude, d'une routine bien trop fade à son goût, bien trop triste. Puis Wilhelm revenait vers elle et elle se donnait du courage. Tout cela, elle l'endurait pour une vie à ses côtés. Et elle l'aimait tellement, cela en valait le prix.
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Valse à Löwenstadt (T.3) [TERMINÉ]
RomanceSuite d'Été à Vienne (oui, encore la grosse tête de Melek en couverture) --- À la sortie de l'aéroport, Melek prend enfin conscience des engagements qu'elle a pris en suivant Wilhelm jusqu'à Löwenstadt. Mais loin du palais, elle peut encore toucher...