Cela faisait plusieurs jours que Melek ne savait plus respirer. À chaque inspiration, elle étouffait. Elle oubliait de souffler et avait un hoquet à chaque expiration. Ce matin-là, on viendrait la chercher avec Wilhelm et elle devrait dire adieu à cette chambre d'hôtel qui avait été chez elle pendant plus d'un mois. Elle avait détesté vivre ici, dans cette chambre impersonnelle qui lui avait semblé ressembler davantage à une cage qu'un foyer. Et alors qu'elle s'apprêtait à la quitter pour le château, elle la regrettait presque. Elle n'avait pas estimé à sa juste valeur son séjour à l'hôtel et les libertés qu'il lui laissait. Elle chassa cette pensée de son esprit. La peur des mois à venir et de l'inconnu ne devait pas enjoliver à tort les semaines qu'elle venait de vivre.
Elle inspira difficilement et souffla en plusieurs fois avant de se décider à refermer le zip de son sac, concluant finalement son rangement. Ça y est, pensa-t-elle. Plus de marches arrières.
Melek entendit Wilhelm dans le couloir, comme s'il avait lu dans ses pensées. Elle se tourna vers lui, quand elle l'entendit s'adosser contre l'encadrement de la porte ouverte.
« Prête ? »
Le cœur de Melek rata un battement. S'il lui demandait si elle se sentait prête pour la vie au château, les mois d'apprentissage et de leçons à venir et son entrée dans la famille royale, elle doutait s'y sentir un jour préparée.
« J'ai fini mon sac, dit-elle juste. »
Il lui sourit en marchant jusqu'à elle et il attrapa son sac pour le porter sur son épaule. Il la laissa quitter la chambre en premier pour rejoindre l'entrée où il ne restait plus que ses chaussures et son manteau. Tout le reste de la chambre était vide. Et quand ils auraient franchi la porte d'entrée, il ne resterait plus rien de leur vie commune.
Melek déglutit en laçant ses chaussures.
À partir de ce soir, elle vivrait certes dans un immense château. Elle vivrait avec Wilhelm, mais aussi avec son oncle, et une armée d'employés qu'elle n'était pas prête à rencontrer. Il y avait encore seulement quelques mois, elle était l'une des leurs. Et à partir du lendemain, elle se retrouverait de l'autre côté du miroir. Et elle ne savait pas encore quoi en penser.
Dans la cour, une voiture était arrêtée et un homme s'occupait déjà de charger le sac de Wilhelm dans le coffre. Déjà-vu de son départ de l'hôpital, Wilhelm alla vers lui pour lui donner le sac de Melek. Elle se souvint de son appréhension à l'idée de quitter son univers rassurant, son quotidien anonyme pour suivre Wilhelm à Löwenstadt. Elle avait une épaule sous écharpe, sortait d'un accident qui ne l'avait pas laissée indemne et les anti-douleurs endormaient ses inquiétudes. Aujourd'hui, elle avait l'impression de revivre cet instant, mais les émotions multipliées. Et sa peur invisibilisait complètement sa joie à l'idée de rejoindre complètement la vie de Wilhelm. Elle serait désormais sa compagne, même si elle ne serait pas présentée comme telle au grand public avant quelques mois. Officiellement, elle avait bien compris qu'elle devrait se "remettre à niveau" avant d'être affichée aux bras de Wilhelm. Officieusement, elle espérait qu'on la prendrait aussi en compte et qu'on écouterait ses sentiments.
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Valse à Löwenstadt (T.3) [TERMINÉ]
RomanceSuite d'Été à Vienne (oui, encore la grosse tête de Melek en couverture) --- À la sortie de l'aéroport, Melek prend enfin conscience des engagements qu'elle a pris en suivant Wilhelm jusqu'à Löwenstadt. Mais loin du palais, elle peut encore toucher...