27/ Pillage

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     Elle s'éveilla en sentant les rayons du soleil filtrés par les vitres lui caresser la peau. Le bateau avait reprit sa stabilité habituelle, et la mer un calme apaisant. Elle tenta de se mettre debout. Ses jambes la portèrent plus facilement qu'elle ne l'aurait cru. Elle ouvrit la porte de la cabine, tout en se massant l'arrière du crâne. Pourquoi le capitaine n'était-il pas revenu la voir ? Elle n'en était pas le moins du monde déçue, mais cela lui paraissait étrange.

     Elle cligna des yeux, éblouit par le soleil et s'avança en regardant autour d'elle. Elle ne voyait personne sur le pont à proximité, néanmoins, quelqu'un l'épiait :

     — Bien dormi ? demanda une voix rauque au dessus de sa tête.

     Elle se retourna subitement et regarda le chef du navire tenant la barre avec ses deux mains et affichant un air décontracté comme si rien ne s'était passé. Il se tenait debout sur le toit de sa cabine, et elle comprit grâce à ses paroles, qu'il était venu la voir dormir allongée sur le sol sans même la déplacer dans un endroit plus confortable. Bien qu'elle fut heureuse de ne pas s'être fait de nouveau toucher par ces horribles mains, elle ressentait des douleurs aux hanches et au dos à force de dormir sur du bois.

     Elle lui jeta un regard mauvais et s'éloigna à la recherche de ses camarades.

     — N'oublie pas de me préparer un bon repas que nous partagerons ensemble à la nuit tombée ! lança le capitaine par-dessus son épaule.

     Elle se renfrogna et accéléra le pas pour disparaitre de sa vue. Elle ressentit alors une forte angoisse grandir en elle lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'avait croisé aucune esclave depuis son réveil. Elle chercha de tous les côtés, baladant furtivement son regard dans les moindres recoins du navire sans succès. La tension en elle était palpable, et elle sursauta lorsqu'on lui saisit brusquement le bras :

     — Je suis vraiment désole, j'ai fait du mieux que j'ai pu.

     Elle observa avec horreur Gonza qui affichait une mine désolée tout en desserrant son étreinte.

     — J'ai essayé de les mettre à l'abri, mais je n'ai pas pu toutes les sauver.

     La jeune femme déglutit :

     — Combien ?

     Il se pinça les lèvres :

     — Une dizaine sont passées par-dessus bord.

     Elle plaqua une main sur sa bouche et se recroquevilla au sol, incapable d'encore se tenir debout. Des larmes roulèrent sur ses joues et une main se posa sur son dos recourbé. Elle ne repoussa pas ce contact qui se voulait si chaleureux et se laissa aller en pleurant toutes les larmes qu'elle avait retenues depuis son arrivée sur ce bateau. Gonza finit par la relever en espérant que personne ne les avait aperçus. En effet, il n'y avait pas âme qui vive aux alentours, à part le capitaine, surplombant tout son équipage, qui fut pris d'une soudaine jalousie.

     

***


     Elle vit la terre ferme se rapprocher à vue d'œil, mais le soleil disparu bientôt à l'horizon, et les collines ne devinrent plus que des tâches sombres. La jeune femme n'osa pas imaginer ce qui allait se passer lorsqu'ils accosteront. Massacres, tueries, pillages, feu et sang.

     Elle éteignit le feu et versa la soupe qu'elle avait elle-même préparée dans de larges bols mal lavés. Elle porta le plateau, et grimpa les marches grinçantes pour rejoindre le pont. Elle se posta devant la fenêtre devant la cabine du capitaine et attendit qu'il la remarque et vienne lui ouvrir la porte. Elle déposa les bols fumants au centre de la table et s'assit après qu'on le lui ait demandé. Ils commencèrent leur repas habituel silencieux, jusqu'à ce que, comme à son habitude, le capitaine prenne la parole en premier :

     — Nous accosterons dans quelques minutes. Tu verras, lorsque je rentrai, ce sera pour t'offrir des parures scintillantes que tu porteras pour moi.

     Elle ne voulait pas de ces bijoux qui, comme elle l'avait deviné, appartenaient en ce moment même à une femme innocente qui allait bientôt se faire massacrer et voler. Tel était le quotidien des pirates Wako. Piller, vendre, tuer, commercer...

     — Et tu devras m'attendre sur ce lit. Lorsque je franchirais la porte de ma cabine, tu seras la première chose que je verrai, allongée sur le lit c'est clair ?

     Ses lèvres tremblèrent, et son couvert retomba sur la table avec un bruit sourd. Elle secoua désespérément la tête et il s'énerva :

     — Oserais-tu me désobéir ?

     Elle voulait tout sauf cela, mais c'en était trop pour elle aujourd'hui. La moitié de ses camarades était morte, et elle avait dû supporter de voir les survivantes à longueur de journée, sachant ce qu'elles avaient enduré. Elle voulait juste un peu de répit dans cette vie si misérable.

     — Non, s'il vous plait, je ne veux pas...

     Il sourit :

     — Si tu acceptais de devenir ma femme, peut être que ton calvaire serait moins important. Il restera tel quel tant que tu ne m'auras pas cédé.

     Il se leva et prit une arquebuse rangée dans une armoire.

     — En attendant, tu te coucheras dans ce lit cette nuit.

     Elle ravala ses larmes et il referma la porte derrière lui, la laissant seule dans cette pièce qu'elle détestait tant.

     Quelques temps après, il parti avec d'autres pirates dans la nuit en direction d'un village perdu dans les collines.

     Mais bientôt, il reviendrait...    

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant