Origines (Princesse Mononoké)

22/ Catastrophe

     Un tremblement secoua violement Line qui en tomba de son lit. Elle cru d'abord à un simple rêve, mais la terre trembla à nouveau et Hana se mit à pleurer. Elle tenta de se mettre debout, mais s'écroula instantanément en ayant senti le sol se mouvoir sous ses pieds. Elle entendit des gravillons provenant de la falaise au dessus du village rebondir sur le toit de sa demeure. Elle se protégea instinctivement avec ses bras, sentant que de plus gros rochers allaient bientôt passer au travers. Elle attrapa alors soudainement Hana et se précipita à l'extérieur.

     Dans la nuit, elle apercevait déjà de nombreux villageois qui sortaient de chez eux avec leurs enfants, tout aussi affolés.

     - Les Dieux sont en colère Line, s'écria une voix masculine à côté d'elle. Peut être est à cause de cet enfant ! Rends-le à la forêt et nous serons épargnés.

     Line n'apercevait pas son interlocuteur, mais cela ne la fit pas changer d'avis sur le fait qu'elle n'abandonnerait jamais le bébé qu'elle tenait au creux de ses bras. La terre gronda de nouveau, et de plus grosses pierres dévalèrent la falaise vertigineuse. Tous les villageois s'écartèrent et prirent une décision commune : fuir pour survivre à la catastrophe.

     Ils allaient se précipiter dans leur demeure respective pour récupérer un maximum d'affaires personnelles, lorsqu'un craquement se fit entendre. Un éclair déchira le ciel noir et s'abattit sur un arbre immense qui s'effondra lourdement, condamnant la sortie du village. Le choc avait de nouveau fait violement trembler la terre, et les grandes torches qui se tenaient debout à intervalles réguliers dans le village, s'écroulèrent à leur tour, mettant le feu à l'herbe sèche tout autour.

     Ce fut immédiatement la panique. Ceux qui avaient hésité à escalader l'arbre se ravisèrent lorsqu'il commença à s'enflammer à son tour, et cherchèrent désespérément une autre issue. Derrière, il y avait la falaise, haute de plusieurs centaines de mètres. A gauche, l'arbre immense formant un brasier, et à droite, un torrent. Aucun d'eux ne savait nager, et le courant était bien trop puissant. Pourtant, il pourrait grandement leur servir à dégager un passage en éteignant le maximum de flammes.

     - Prenez des sceaux et allez les remplir, puis jetez-les sur les flammes ! s'écriait ceux qui avaient eu la même idée que Line.

     Elle se précipita à son tour, mais Hana la gênait considérablement. Elle vit un gamin attraper un sceau à deux mains, et avant qu'il n'ait pu faire un pas, et lui attrapa son habit et s'exclama :

     - Garde-là s'il te plait, et mets-toi à l'abri pendant que nous arrêtons l'incendie.

     Il fronça ses sourcils déjà pleins de suie noire, et prit Hana dans ses bras. Line le regarda s'éloigner, puis prit son sceau et le plongea dans le torrent. L'eau était glacée. Dans sa précipitation, une autre femme trébucha en ayant voulu se pencher au dessus de l'eau, et bascula ma tête la première dans la rivière. Line lâcha immédiatement son récipient qui parti à la dérive. Elle tendait sa main vers la pauvre femme qui essayait de remonter à la surface. Elle résistait, mais le courant était bien plus fort. Line prit une grande inspiration, et tenta de se pencher d'avantage pour saisir sa main. Lorsqu'elles se touchèrent, un morceau de terre se déroba sous le poids des genoux de la jeune femme qui se tenait sur la rive. Elle perdit l'équilibre, et tomba en avant à son tour. Pourtant, avant qu'elle ne sente l'eau glacer s'infiltrer dans tout son corps, deux mains lui saisirent son bras valide et la tirèrent en arrière. La malheureuse qui commençait à se noyer lentement fut sauvée également.

     Elle remercia chaleureusement Line et l'homme qui les avait tirées d'affaire. La jeune femme reprit ses esprits, et elle aperçu alors quatre loups blancs de l'autre côté de la rive, qui observaient la scène de destruction qui se déroulait sous leurs yeux.

     Line fixa un moment la déesse louve, jusqu'à ce qu'on la relève de force et qu'on lui hurle :

     - Regarde, ils sont venus observer notre déclin car c'est leur désir. Tu n'aurais pas dû accepter cet enfant !

     Line se dégagea de l'emprise de l'homme et parti dans la direction inverse à la rivière. Le feu avait considérablement gagné du terrain. Les maigres sceaux d'eaux que les villageois envoyaient à tout va ne suffisaient pas.

     Une branche s'écrasa à côté d'elle, soulevant un nuage de cendres dense. De grosses étincelles lui brûlèrent la peau et elle hurla de douleur, jusqu'à ce qu'elle soit étouffée par la cendre qui s'engouffrait dans sa bouche. Elle ouvrit péniblement les yeux et toussa tout en cherchant Hana. Elle vit alors un attroupement d'enfants, serrés les uns contres les autres qui pleuraient ou essayaient de se protéger de la fumée toxique. Elle reconnu le courageux gamin qui tenait toujours la petite fille dans ses bras, et il lui rendit.

     Elle regarda avec peine les êtres fragiles qui ne demandaient qu'a vivre devant elle, et n'eut pas d'autre choix que de se séparer d'Hana. Elle couru vers le tronc et on la laissa passer pour qu'elle s'exprime librement :

     - Dieux de la forêt ! Voici l'enfant que vous nous aviez apporté. J'ignore s'il est la cause de notre malheur mais je vous en prie, aidez nous !

     Elle se remit à tousser et à se protéger le visage des étincelles. Entre les flammes ardentes qui consumaient l'arbre au tronc volumineux, elle vit un louveteau s'avancer. Il fut suivi par sa mère, et par les deux autres. Elle reprit espoir, jusqu'au moment ou deux arbres s'écroulèrent ensemble, en direction du village. Certains villageois n'eurent pas le temps de s'écarter, et leurs cris furent étouffés par les deux grosses masses enflammées. Le village n'était plus qu'un brasier géant, ou l'on voyait passer des gens aux vêtements enflammés, qui n'avaint pas d'autre choix que se jeter dans le torrent.

     Line n'avait jamais rien connu de tel. Tout son être tremblait, et semblait attendre sagement que la mort, si violente soit-elle, vienne le consumer. Elle ne voulait pas se laisser abattre. Elle allait mourir sans vraiment avoir connu les plaisirs de la vie, comme l'amour ou la tendresse, mais elle voulait au moins aider son prochain. Alors, dans un élan désespéré, elle s'allongea sur le sol poussiéreux, laissant Hana assise à côté d'elle, en larmes. Elle creusa le plus rapidement possible, une petite crevasse assez profonde sous l'arbre couché pour que la petite puisse passer au travers. Les flammes avaient déjà rongé le bas de l'arbre, et continuaient leur course vers le haut. Line gratta l'écorce brulée, en formant donc un espace, dans lequel elle glissa la petite Hana. Elle passa sa main au travers et aperçu les loups qui la regardaient de l'autre côté. Paisibles, dans leur coin de la forêt qui n'était pas en train de brûler.

     Elle hurla avec les dernières forces qui lui restaient :

     - Prenez soin d'elle je vous en prie.

     Puis, une branche vint s'écraser sur sa jambe qui prit feu immédiatement. Elle poussa un cri de douleur, puis fut complètement ensevelie par les décombres. La main qu'elle avait passée sous l'arbre pour sauver l'enfant retomba lourdement, sans vie.