18/ Mort

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     L'aube d'un nouveau jour pointa. La nuit avait toujours été aussi atroce pour les jeunes esclaves, pour toutes, sauf une. C'était certain à présent, qu'elle était détestée et épiée du coin de l'œil par ses camarades à longueur de temps. Elle ne parlait toujours pas, elle faisait son travail, tout ce qu'on lui demandait, rien de plus, rien de moins. Pourtant, jamais elle ne s'était senti aussi seule. Elle était consciente de sa chance, mais jusqu'à quand cela allait-il durer ?

     Elle tenta de se lever, mais ses jambes tremblèrent et elle s'écroula sur le sol du pont, astiqué de sa main, à bout de forces. Elle ferma les yeux un instant, repensant au dernier repas convenable qu'elle avait dégusté, puis chassa cette idée immédiatement de son esprit, après avoir vu passer une jeune femme, peinant à pousser un tonneau à la seule force de ses bras amaigris. Elle passa devant elle, et notre protagoniste rassembla toutes ses forces pour se lever, et se diriger vers la cabine du capitaine, qu'elle devait nettoyer et ranger de fond en comble.

     Un cri strident attira son attention. Il n'y avait personne autour d'elle, alors, révélant sa curiosité, qui était un de ses traits de caractère, elle s'avança vers la proue. Les jambes tremblantes, elle s'attendit au pire en voyant cet attroupement déjà formé dans un coin du bateau. Elle vit tout d'abord, une femme en train de pleurer silencieusement dans les bras d'une autre qui faisait tout son possible pour la rassurer et pour que l'attention ne se porte pas trop sur elle. Puis, elle aperçu le chef du navire, qui se tenait droit, et observait gravement le sol. La jeune femme cligna ensuite des paupières pour être sûre que sa vision ne lui jouait pas des tours, et s'appuya contre une façade pour ne pas flancher.

     Un matelot se tenait debout, avec à ses pieds, une marre de sang dans laquelle gisait une femme, dénudée, avec la gorge ouverte. Elle mit une main devant sa bouche, pour étouffer un cri ou une envie soudaine de vomir. Elle ne savait pas, elle ne savait plus, elle ne pensait plus correctement. Des tâches floues dansaient devant ses yeux et elle entendit à peine les arguments du matelot qui donnait les raisons de son crime. Et on ne le punit pas. Il avait soi-disant eu raison d'égorger cette pauvre femme qu'il était justement en train de torturer. La jeune esclave tomba à genoux sur le sol, cherchant un peu d'air pour calmer son angoisse. Elles allaient toutes finir par mourir un jour où l'autre, de la main de ses pirates, et elles le savaient.

     - Vous deux là-bas ! hurla le capitaine si fort que la jeune femme finit par l'entendre.

     Il désignait les deux premiers témoins ayant découvert le corps qui se lamentaient dans les bras de l'autre. Le corps des deux esclaves fut parcouru d'un frisson, et elles tournèrent difficilement la tête vers leur maître :

     - Prenez le corps et jetez le moi par-dessus bord.

     La jeune femme restée hors de la vue du capitaine sursauta, puis essaya d'imaginer l'horreur qu'allaient subir les deux désignées. Elle jeta un œil dans leur direction. Elles devaient à présent regretter d'être restées aussi longtemps sur le lieu du crime. Elle vit le cadavre se faire soulever du sol et aperçu alors les deux yeux exorbités qui fixaient le vide, et semblaient l'accuser d'être la favorite du capitaine et d'être protégée de ce genre de drame.

     C'en fut trop. Elle déguerpit à toute allure, bouleversée, sans remarquer que son maître l'avait aperçue.

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant