7/ Forêt

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     - Tu me parais bien pâle, veux-tu boire ?

     La jeune femme serra sa fille entre ses bras et murmura à son mari :

     - Non merci je vais bien.

     - Nous nous arrêterons bientôt.

     Elle se sentait ridicule à chuchoter et à faire attention à ses moindres faits et gestes dans cette forêt paisible, qui lui apparaissait à présent comme étant hantée. Hana avait les yeux mi-clos et ne tarderait pas à s'endormir dans les bras de sa mère. L'homme avait pris les rennes des deux montures et marchait en évitant les grosses racines ou les flaques d'eau.

     La jeune femme inspira profondément et prit la tête de la marche. Ses souliers en bois s'enfonçaient dans la mousse et dans l'herbe humide qui chatouillait ses pieds découverts. Elle essaya de profiter de la beauté du paysage, lorsqu'elle tourna furtivement la tête et eut le temps d'apercevoir un petit être blanc, pas plus grand que son enfant qui les regardait, assis sur une branche. Elle poussa un cri et se tourna vers son mari :

     - As-tu vu cela ?

     - De quoi parles-tu voyons ?

     Elle leva à nouveau craintivement les yeux vers la branche, mais le petit être humanoïde s'était volatilisé.

     - Il a disparu !

     - Voyons, est ce que tout va bien ?

     Elle déglutit et jeta un regard effrayé à son mari :

     - J'ai un mauvais pressentiment, dépêchons-nous de manger et repartons au plus vite je t'en prie.

     Il soupira et accepta les demandes de sa femme, voyant son angoisse augmenter. Ils arrivèrent près d'un immense lac parsemé d'ilots verts. L'ambiance y était calme et sereine. Mais ce silence troublait d'avantage la jeune femme.

     - Eh bien installons-nous ici.

     Ils s'assirent et allumèrent un feu. Leurs estomacs criaient famine depuis déjà plusieurs heures et seule la vision du riz leur mettait l'eau à la bouche. Ils avaient quitté leur ville en plein conflit en emportant très peu de choses. Et n'étant déjà pas très riches, cette expédition pour sauver leurs vies n'arrangeait guère les choses.

     La fumée s'éleva et traversa le feuillage dense des arbres de la forêt. Malheureusement pour la petite famille, ils venaient de s'installer au bord du lac sacré du Dieu cerf, et la tanière du clan des loups n'était plus très loin. Ils sortirent une casserole et la remplirent de l'eau du lac clair pour la déposer sur le feu. Ils retrouvèrent le sourire en entendant le cliquetis du riz qui coulait au fond du récipient, et quelques minutes plus tard, ils l'eurent enfin, fumant, dans leurs bols.

     - Ouvre la bouche Hana.

     Le bébé affamé ne se le fit pas dire deux fois et engloutit la portion de riz que sa mère lui avait mis dans la bouche. Ils engloutirent leur maigre portion de nourriture et jetèrent ensuite un sceau d'eau sur le feu provoquant un long sifflement qui résonna dans la forêt entière.

     Les animaux avaient disparus, effrayés par le feu et la fumée. Tout était d'autant plus calme. L'angoisse enserra à nouveau la poitrine de la jeune femme maintenant que ce feu qu'elle avait trouvé si protecteur était éteint, redonnant un aspect lugubre à la forêt des esprits.

     - Partons à présent, ordonna-t-elle.

     Elle prit Hana dans ses bras et la serra affectueusement contre sa poitrine. Son mari ne l'écoutait pas. Il était absorbé dans la contemplation d'un arbre gigantesque au bord du lac sacré.

     - Cet arbre est vraiment magnifique. Il ferait un très bon combustible pour le feu. Attends un instant je vais le couper en remplir à nouveau notre sac de bois.

     Elle se mordit la lèvre. Elle pressentait que couper cet arbre était une très mauvaise idée, mais elle n'en fit pas part à l'homme qui sortit une hache d'un sac. La jeune mère s'écarta avec Hana, les jambes tremblantes, et s'assit sur un rocher au bord de l'eau en regardant les chevaux s'abreuver. Elle sursauta lorsque l'arbre s'abattit au sol dans un bruit sourd et regarda son mari, haletant, essuyer son front plein de sueur avec sa manche.

     - Ce bois est vraiment magnifique.

     La jeune femme poussa alors un nouveau cri. Elle resta paralysé quelques instants, fixant un buisson non loin d'elle.

     - J'ai vu une bête !

     - Ah oui, et comment était elle cette fois-ci ? soupira son mari.

     La jeune femme n'avait pas tort. Toutes les petites bêtes qu'ils avaient fait fuir quelques minutes auparavant, accoururent dans un mouvement de panique et leur passèrent entre les pieds. Elles fuyaient un buisson en particulier, il était bruissant, et une présence semblait s'y cacher derrière.

     - Enorme, avec un pelage blanc et deux queues !

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant