Toki considéra Eboshi, interloquée, avant de railler :
— Vous avez une auberge encore plus grande que celle-ci ?
La jeune femme en face d'elle sourit :
— Je te propose ici un travail digne d'une femme aussi forte que toi. Tu me suivrais jusque dans les montagnes et tu m'aiderais à construire un grand village. Tu travaillerais à la fonderie et nous fabriquerions nos propres armes pour les revendre, mais je t'apprendrais aussi à manier l'arquebuse et tu m'aiderais à accéder à l'indépendance.
Le visage de Toki s'illumina un moment devant tant de belles promesses, mais s'assombrit aussitôt.
— On va pas aller bien loin à trois.
— C'est pour ça que ce soir, tu réuniras toutes les jeunes femmes de la ville qui travaillent comme toi dans les auberges avoisinantes, et vous m'attendrez dehors pendant que je rachèterais votre liberté auprès de vos maitres.
Toki croisa les bras sous sa poitrine et songea. Les questions fusaient dans son esprit et elle ne savait pas par où commencer :
— Et vous allez le trouver où tout cet argent ? Parce que construire un village c'est pas gratuit. Et racheter toutes les catins de la ville, c'est un sacré investissement, vous ne savez pas à quel point nos maîtres sont avares.
Gonza sourit et s'avança à son tour :
— L'argent est loin d'être notre plus gros problème.
En effet, lors de leur fuite du bateau des pirates Wako, les rameurs avaient pris soin de dévaliser le butin que le capitaine avait toujours conservé dans une calle du navire. La somme qu'il renfermait était si immense qu'ils avaient volontiers partagé équitablement ces lingots et pièces d'or. Ainsi, Eboshi et Gonza avaient sur les bras un tel montant qu'ils ne savaient même plus qu'en faire.
Toki haussa un sourcil mais n'ajouta rien. Elle partit immédiatement à la recherche de toutes ses camarades, éparpillées aux quatre coins de la ville, et ne mit que quelques heures pour les rassembler. Elles n'avaient pas cherché à faire d'histoires, s'accrochant à l'espoir que cette Eboshi allait vraiment les sortir de leur misère et leur offrir un véritable travail.
Pendant ce temps, Eboshi et Gonza rassemblèrent leurs affaires satisfaits. Le cœur gonflé d'espoirs et d'ambitions, Eboshi descendit dès le crépuscule à la taverne qui était aujourd'hui moins bruyante. Le barman la vit arriver et sa mine se renfrogna. Elle posa ses mains sur ses épaules pour maintenir son manteau bleu qui lui servait de cape et s'adressa au petit homme gras avec le plus grand des respects :
— Combien de femmes avez-vous à votre service ici ?
— Quatre, marmonna le patron. Mais ce sont les meilleures de la ville vous pouvez me croire.
— Je vous les achète toutes.
L'homme faillit s'étrangler avec sa salive et considéra la jeune femme avec incompréhension :
— Qu'est ce que vous voulez en faire ?
Elle ne répondit rien et lança une bourse encore plus remplie que celle de la veille :
— C'est entendu ?
L'homme hésita et gratta sa barbe grise. Cependant, en observant attentivement le contenu du petit sace en toile marron, il accepta.
Ce manège se reproduisit pour Gonza dans les auberges restantes, et dès que la nuit fut tombée, ils se retrouvèrent tous les deux devant leur auberge. Toki les rejoignit quelques secondes plus tard en courant pied nus sur la terre encore humide et s'exclama :
— On part toujours avec vous ? Ce n'était pas un rêve n'est ce pas ?
Elle avait les yeux brillants dans le noir, et Eboshi la rassura :
— La proposition tient toujours, tu n'as pas rêvé.
Les lèvres de la jeune femme s'étirèrent en un sourire et elle mena Eboshi et Gonza à l'endroit où elle avait rassemblé toutes ses camarades. Elles attendaient dans le noir, murmurant quelques paroles silencieuses et se turent à l'arrivée de Toki :
— Bon les filles écoutez moi bien, le départ va se faire ce soir. Vous avez quelques minutes pour réfléchir encore à la proposition et aller récupérer le plus vite possible tous les objets que vous voulez emmener. Je vous préviens tout de suite, la route s'effectuera à pied, alors n'emportez que le strict nécessaire. On se retrouve ici pour le départ.
Eboshi n'ajouta rien, laissant la jeune femme au kimono rose donner les directives avec sa voix portante et autoritaire. Toutes avaient l'air de lui faire confiance et l'écoutaient. Eboshi et Gonza attendirent quelques minutes, et virent toutes les femmes revenir avec leurs baluchons sur l'épaule. Il n'en manquait pas une à l'appel.
Satisfaite, l'ancienne esclave ordonna le départ de leur traversée. Ils formaient un cortège silencieux composé majoritairement de femmes qui avançaient sans rechigner avec détermination. Ils dépassèrent le village, s'éloignèrent des côtes, prirent la route de l'Est.
Eboshi avait eu le temps d'étudier les alentours avant leur départ. Sur de grandes cartes, elle avait repéré toutes les montagnes ou les forêts à proximité, là où ils ne seraient jamais dérangés, et où ils pourraient construire un village prospère.
Leur marche s'étala sur plusieurs jours. Ils finirent par manquer de vivres, même si toutes avaient pris soin d'apporter une miche de pain ou un saucisson qu'elles conservaient précieusement. Ils durent chasser, et Eboshi en profita alors pour apprendre aux femmes à manier l'arquebuse, privilège qui était normalement formellement interdit aux femmes.
Leur épanouissement réchauffait le cœur d'Eboshi. Elle leur avait donné une raison de vivre et de se battre. Elle était leur sauveuse, l'ange gardien qui veillait sur elles. Très vite, un profond respect et une grande admiration s'installa entre elles, et Eboshi en était fière.
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Origines (Princesse Mononoké)
FanfictionLa couverture est un de mes dessin/montage 🥰 Venez re-découvrir un monde que vous connaissez déjà, mais sous une toute autre forme. Ici, piraterie, esclavage et prostitution s'enchaînent dans la vie de Dame Eboshi. Mort, destruction et...