33/ Arquebuse

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     La jeune femme sortit de la soute en s'assurant de ne pas se faire remarquer, songeuse. Le plan de Gonza semblait complètement fou, mais elle n'avait pas d'autres choix que d'essayer. La nuit allait bientôt tomber et personne n'était revenu. Elle se demanda ce que les matelots feraient si leur capitaine venait à mourir. Peut-être le remplaceraient-ils dans l'immédiat ?

     Elle entra tout de même dans la cabine comme prévu, et s'assit avec réticence au bord du lit. Elle continua à regarder la côte pendant de longues heures, ressassant dans sa tête toutes les étapes du plan. Elle s'imagina également sauter du bateau et rejoindre à la nage la rive sans qu'on l'aperçoive, mais malheureusement, elle ne savait pas bien nager.

     Tout en sachant ce qui l'attendait, le temps lui paraissait long. Elle se surprit à commencer à s'endormir, mais elle ne pouvait pas se le permettre. Elle ne voulait pas dormir. Le soleil était déjà couché depuis longtemps lorsqu'on frappa à la porte de la cabine. Elle alla ouvrir, et sourit légèrement en voyant la tête de Gonza apparaître.

     — Tu ne dormais pas j'imagine ?

     Elle secoua la tête.

     — Viens avec moi, on va passer le temps.

     Elle ne se fit pas prier pour le suivre et il l'emmena à l'arrière du bateau. Là-bas, il lui mit dans les mains une longue arme lourde qu'elle tint avec difficulté.

     — C'est une arquebuse, affirma Gonza. Voyons comment tu te débrouilles.

     La jeune femme resta muette. L'utilisation des armes avait toujours été réservée aux hommes. En tenir une entre ses mains ne l'effrayait pas, mais la fascinait. Elle examina avec attention l'arme à feu, puis la positionna sur son épaule. Elle positionna correctement son œil, suivant les recommandations de Gonza, puis appuya sur la détente.

     Une lueur rouge fut projetée hors du fusil et la détonation fut si violente qu'elle en tomba à la renverse. Gonza explosa de rire et releva la jeune femme à moitié sonnée.

     — Ces armes ne sont pas spécialement conçues pour les bras des femmes, il va falloir faire avec.

     L'esclave, piquée au vif, reprit l'arme en main et prit bien appui sur ses deux jambes pour tirer une nouvelles fois sans tomber. Satisfaite, elle jeta un regard supérieur au marin qui souriait.

     — On ne risque pas de nous entendre ?

     — Je connais bien le matelot qui est resté à bord avec moi, si c'est lui qui t'inquiète. Je peux te dire que lorsqu'il dort, rien ni personne ne peut l'éveiller.

     Il se mit de nouveau à rire avec force et la jeune femme continua à tirer durant la nuit entière sous les recommandations du matelot à la peau café au lait. Elle ne se lassa pas une minute de tirer, recharger et tirer encore avec cette arme qui la rendait si puissante. Durant cet instant, elle se sentit presque libre.

     Au petit matin, elle aperçu des lumières émanant de torches qui se distinguait sur la rive encore dans l'ombre. Ils étaient de retour. Elle prit rapidement congé de Gonza et se précipita, tremblante, dans la cabine du capitaine. Son court bonheur avait pris fin, elle était de retour en enfer.

     Elle déglutit lorsque la poignée tourna et que le battant de bois s'ouvrit lentement. Une silhouette apparue, une grande ombre à l'allure imposante qui entra furtivement dans la pièce. Ce que l'esclave vit lui coupa le souffle. Les vêtements et le visage du capitaine étaient maculés de boue et se sang. Il boitait encore plus que d'habitude et s'approcha d'elle lentement comme un revenant qui glisserait sur le sol. Elle se retint de hurler devant la mine affreuse de son maitre qui se pencha au dessus d'elle. Elle s'écarta au dernier moment avant qu'il ne s'étale de ton son long sur le lit. Les draps prirent une teinte rouge en un rien de temps et du sang continua de gouter avec un bruit angoissant sur le sol de la cabine. Devant cette scène d'horreur, elle se retint de crier et couru à toutes jambes hors de cet endroit.

     Les autres marins étaient dans le même piteux état et la jeune femme circula entre ces morts-vivants qui revenaient d'une longue bataille acharnée. Lorsqu'elle fut assez loin, elle s'accroupit sur le sol et appuya son dos contre un mur, terrifiée. Elle tremblait de tous ses membres, essayant de chasser la vision d'horreur qui prenait place dans son esprit. Sa tête tomba sur le côté, et elle finit par s'endormir mais ses pensées furent hantées par les pires cauchemars représentant son maitre à moitié mort qui se jetait sur elle et la souillait du sang qu'il avait fait couler et qui lui recouvrait le corps.  

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant