49/ Lance

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            Il faisait noir lorsque la silhouette de San se découpa en haut de la montagne. Elle avait attendu la nuit pour se monter, car le flanc de la montagne et les abords du lac qui entouraient les forges des humains étaient à découvert. Elle se serait instantanément fait repérer en pleine journée.

L'enfant louve ajuste le masque qu'elle avait sur le visage et quitta les crêtes pour dévaler la longue pente de terre battue qui la séparait du lac. Sa rapidité était un atout, mais elle aurait été d'autant plus discrète et efficace sur le dos d'un loup. Ses jambes agiles amortissaient les chocs et la longue lance qu'elle avait dans les mains ne la ralentissait pas du tout.

Alors qu'elle était presque arrivée en bas, ses cheville souples se plièrent puis se tendirent pour lui permettre de réaliser un bond surhumain. Elle vola dans les airs quelques secondes, les genoux pliés, puis finit sa chute au fond du lac. L'eau froide s'infiltra dans ses habits amples et elle se mit à nager avec habileté sous les eaux obscures. Elle ouvrit les yeux pour mieux se diriger et fit de grands mouvements avec ses jambes, sa jupe violette large le lui permettant. Elle resta en apnée un long moment puis fut obligée de sortir de l'eau. Elle regarda autour d'elle. San avait pratiquement fait la traversé entière du lac sous l'eau, et se trouvait dorénavant à une dizaine de mètres de la rive Sud.

Personne ne semblait l'avoir repérée. Sa vue perçante lui permit d'apercevoir une sentinelle derrière les haut remparts en bois qui dormait profondément. Elle ne risquait pas de donner l'alerte pour l'instant. San observa avec méfiance les grands poteaux de bois pointus qui protégeaient les forges des assaillants. Comment allait-elle pouvoir les éviter ? Tout en réfléchissant, elle sortit de l'eau et se secoua les cheveux pour les sécher à la manière des animaux. Une voix attira alors son attention. Plus haut, sur un balcon qui surplombait les fortifications en bois, se tenait la femme au manteau bleu. Elle avait dans sa main une arquebuse et elle la positionna devant son œil. San retint sa respiration, pourtant, ce n'était pas elle que l'humaine visait. Le coup de feu retentit et la balle s'écrasa lourdement à une centaine de mètres de San, soulevant un nuage de poussière.

L'enfant louve se retourna pour apercevoir la cible. Lorsque la poussière se dissipa, elle vit un large cratère à l'endroit où le coup était tombé, et une multitude d'Orang-outan partir en retraite. Ils avaient été si discrets que même San ne les avait pas entendus arriver. Cette maudite femme avait tenté de les abattre, c'en fut assez pour déclencher la colère de San.

En poussant un long cri de rage, elle fendit l'air avec sa lance et se précipita en courant vers la barricade au pied des fortifications. Les longs bâtons de bois étaient pointés sur elle, mais elle n'y prêta pas attention et fit à nouveau un saut spectaculaire. Elle passa au dessus des poteaux pointus et s'aida de son pied gauche pour s'élever encore plus haut. Il se planta légèrement dans un des bâtons mais San était si rapide qu'il n'eut pas le temps de s'enfoncer d'avantage. Grace à son pied, elle décolla une nouvelle fois et s'aida cette fois-ci de sa lance. Elle était quasiment à la hauteur des remparts, et planta avec force sa lance dans le bois, en plein vol.

Ses pieds pendaient à présent dans le vide et elle ne tenait qu'avec la force de ses bras. Bien que son arme soit bien enfoncée dans le bois, elle commençait à céder sous le poids de la jeune fille. Celle-ci plia ses coudes et remonta sur le manche de sa lance à la seule force de ses bras. Debout sur le fin bout de bois, elle abandonna son arme là où elle était et bondit enfin à l'intérieur du village.

Sur la passerelle en haut des fortifications, le garde s'était réveillé suite au cri de l'enfant louve et lui faisait face avec son arquebuse à la main. San eut d'abord ou mouvement de recul face au bâton de feu, puis lorsque le coup partit, elle fut si rapide pour l'esquiver que la balle s'écrasa sur le mur d'en face. Le garde, déboussolé, regardait dans tous les sens pour savoir où elle était passée, et conscient de sa défaite, il sonna l'alarme.

— Nous sommes attaqués ! hurla-t-il en frappant avec un marteau sur un morceau de métal.

Pendant ce temps, San arpentait en courant les ruelles désertes du village endormi. Cependant dès que l'alarme retentit, elle dû faire face à un grand homme à la peau sombre qui la menaçait de son sabre.

— C'est la princesse Mononoké ! hurla-t-il sans la quitter des yeux.

San s'était entre temps arrêtée face à lui sur une large place ronde. Elle avait les yeux braqués sur lui, bien qu'ils fussent cachés par son masque circulaire. Son adversaire la croyait désarmée, mais elle sortit alors un grand poignard de sa ceinture et le pointa devant elle.

— Tu veux m'affronter gamine ? demanda-t-il avec une certaine méprise dans la voix.

Piquée au vif et nullement intimidée, San prit appui sur son pied et bondit en avant vers son assaillant. Elle ne mit pas beaucoup de temps avant de l'envoyer mordre la poussière, et il comprit enfin l'ampleur du danger qu'elle représentait. D'autres villageois s'étaient rassemblés en cercle autour de la bataille et il les démangeait de se servir de leurs arquebuses pour en finir avec l'intruse. Pourtant, ils n'avaient pas reçu d'ordres alors ils ne bougeaient pas et regardaient Gonza affronter une fillette plutôt habile avec une arme entre les mains.

San se baissa pour esquiver le coup de son adversaire, bondit pour éviter le second coup d'épée, et atterrit sur les épaules de l'homme à la peau café au lait. Elle fit alors un ample coup de bras, prête à lui transpercer le coup de son poignard, mais elle fut arrêtée dans son élan :

— Arrête, princesse des loups ! Laisse Gonza en vie, et nous pourrons discuter. 

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant