La Bête Humaine

44.

Dane, au même moment

Je cours jusqu'à perdre haleine. Au-dessus de mes forces, je repousse tant bien que mal mes limites. Hélas, la sentinelle ressemblant à ma sœur est toujours sur mes talons, ne me lâchant pas d'une semelle.

Comment m'en débarrasser ? Je ne sais absolument pas où se trouve la frontière entre Gloria et Alibi. Si seulement cela pouvait être aussi facile que dans les livres.

Courant sur le gravier, il m'est impossible de ne pas faire de bruit. En plus de ça, les cailloux se coincent sous mes chaussures, c'est vraiment très gênant quand je cours.

Néanmoins, cela a un avantage : lorsque je marche sur du métal ou de la ferraille, la collision avec le caillou créer une résonance, ce qui est actuellement mon cas.

Je baisse la tête surpris par le bruit, de là je découvre une plaque ronde dont deux trous au milieu. Jetant un coup d'œil derrière moi, je me penche et tire de toutes mes forces pour la déplacer.

En y songeant, je pourrais sûrement me cacher là-dessous le temps que tout cela se calme et que tout ce beau monde baisse les bras.

J'y arrive enfin ! Mais ce que je discerne sous mon nez ne me réjouit guère, alors que d'un côté je devrais plutôt être ravi.

– Chris ?

– Dane ? 

Ahurie chacun de notre côté d'être tombé sur l'un comme sur l'autre, nous nous jaugeons du regard quelques seconde avant de reprendre nos esprits.

– Sors moi de là ! Je vais devenir fou à lier à force d'être dans ces galeries étroites !

– Je ne peux pas ! Elles sont partout, le préviens-je, à l'affût.

– Elles sont aussi en bas ! Aide moi, fais moi sortir de ce trou !

Je pèse le pour et le contre. De quel côté nous serons le plus certain de s'en sortir ? Sous terre, ou à la surface ? À la lumière du jour, ou dans l'obscurité des ténèbres se trouvant ici bas ?

– Magne-toi ! On n'a pas le temps de peser le pour et le contre, Dane.

– Ça ne me dit rien qui vaille, Chris. Je t'assure, je ne le sens pas du tout.

– Je ne vais pas rester planter là à attendre, l'échelle n'est pas solide, il faut que tu te décides ! Moi je compte bien sortir de là-dessous !

– Sauf qu'elles sont beaucoup trop nombreuses ! Je les ai vu de mes propres yeux. Elle me cherche, Chris, lâché-je d'un coup, ce qui a le don de lui faire changer d'avis sur le champs.

Ni une, ni deux, Chris m'attrape par le colle de mon polo noir et m'attire dans cet horrible tunnel. J'ai à peine le temps de m'agripper aux barreaux afin de ne pas faire un plongeon et me retrouver la tête sur le béton.

Derrière moi, Chris replace la plaque sans que je ne comprenne son geste.

– Tu fais quoi ? Je croyais que tu voulais partir d'ici.

– Ne me dis pas que tu ne les as pas vu s'approcher de nous ? Mec, il y avait un troupeau de sentinelles derrière toi !

Ce n'est pas vrai ! Par ma faute, j'aurais pu de manière totalement ridicule nous faire capturer gratuitement en jetant tous nos efforts à l'eau.

– Chris, je suis sincèrement désolé.

– Pourquoi tu dis ça ? s'étonne ce dernier, assis contre l'un des quatre murs qui nous entourent.

– J'allais tout faire capoter, je n'avais pas toute ma tête, elles...

Mes pensées divaguent. Comment tout lui expliquer sans le blesser ? Comment lui révéler ce qu'elles m'ont fait endurer ? Je ne sais pas par où commencer.

– « Elles » quoi ? Dane, on est amis depuis très longtemps, tu peux tout me dire.

Il a raison, je lui dois bien ça et puis je ne suis pas obligé de rentrer dans les détails. Mon identité n'a pas d'importance, à quoi bon le lui dire ? En la lui révélant, je pourrais perdre dans les secondes qui suivent sa confiance, il se pensera instinctivement trahit depuis toutes ces années.

– C'est beaucoup trop long à t'expliquer. Crois-moi.

– D'accord, je comprends. Donc en bref, c'est si terrible que ça dehors ?

J'opine de la tête. Il ne doit absolument pas s'imaginer jusqu'où cette imposture est allée. Ces machines ont complètement pété une durite, elles sont partout.

Alors est-ce qu'il faut que je me méfie de tout le monde, au point même de douter de Chris ? Comment savoir qu'il n'essaie pas de me piéger et qu'en fin de compte, il s'avère être l'un des leurs ?

Je me sens confus, je ne sais plus à quel saint me vouer. Elles vont finir par me rendre fou. Je deviens parano !

– Chris ?

– Qu'y a t-il, Dane ?

– Je ne me souviens plus de ce mot de passe qu'on avait utilisé en abréviation, j'ai l'impression qu'on m'a fait quelque chose.

Je raconte n'importe quoi, mais j'aimerai être certain de la personne que j'ai en face de moi.

– En abréviation ? rétorque Chris, d'une voix absente.

Après tout c'est vraie, où est Willy ? Où est Brian ? C'est curieux cette affaire, j'ai un mauvais pressentiment.