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Chris, dans les caniveaux de Gloria

Insensible à leurs coups, aussi bien verbalement que physiquement, je ne me laisse absolument pas démonter par leurs médisances et leurs intimidations. Je me dois de l'être pour mes amis, pour Brian et pour Willy. Ils ne faisaient peut-être pas partie de mon département, mais notre lien d'amitié est plus fort que tout. Je suis insensible. Ils sont psychopathes et télépathes. Des forces qui se complètent, bien que mon ventre me crie l'inverse.

Je ne sais pas depuis combien de jours nous sommes retenus dans cette espèce de cave puante, pataugeant dans l'eau cramoisie qui stagne sous nos pieds. Deux jours ou peut-être plus. Je ne sais pas non plus ce qui se passe dehors. Si la vie suit son cours. Si c'est le chaos. Ce qui est arrivé à Dane aussi. Je n'ai aucune réponse à ses questions, et autant dire qu'elles s'accumulent.

J'ai estimé les chances qu'on a de s'enfuir d'ici, que ce soit par la force ou pas, et elles sont minimes. Mon domaine, c'est la technologie, l'ancienne comme la nouvelle, les femmes ne se soucient pas de ce genre de choses, elles s'en fichent de contrôler nos recherches sur ce sujet, car cela évolue de jour en jour mais pas assez vite pour que j'arrive rapidement à comprendre.
Sauf qu'ici, c'est comme le Moyen-âge, le genre de château jonché de douves et d'oubliettes dans tous les recoins possibles. Le minimum. Pas de carte électronique à détourner, ni d'empreinte digitale comme accès. Ici, c'est la vieille méthode et leurs serrures sont vraiment difficiles à crocheter, pour l'avoir déjà tenté.

– Je commence à en avoir ras la casquette d'être enfermé dans ce trou à rat ! se plaint Willy. Je commence à me sentir un peu trop à l'étroit, ça devient étouffant.

– Trouve une solution alors, réponds-je, las. Il n'y a que moi qui essaye de nous sortir d'ici.

– C'est bon, les gars, on va pas se prendre la tête pour ça. Il faut qu'on reste soudés, sinon on n'ira vraiment pas loin, intervient Brian.

– Tu crois qu'on va loin là où on est ? réplique Willy, à notre allure, on va finir en vieux tas d'os et de poussière, rongé par les rats et les asticots.

– Tu ferais mieux de te tourner les méninges au lieu de sans cesse gémir, lui lancé-je, excédé par son comportement.

– Tu crois que ce n'est pas c'que j'fais déjà ? Je n'ai pas envie de pourrir ici, les mecs, alors que tu le crois ou non, j'essaye de trouver une idée mais y'a rien à faire ! Tu veux qu'on sorte comment de ce truc ?

Brian, de son côté, se met à pouffer alors que moi-même je me retiens. C'est ça qui est marrant avec Willy, quand il s'énerve il ne sait plus parler et utiliser un vocabulaire décent.

– Je ne sais pas ce qu'ils comptent faire de nous, mais ça m'angoisse, ajoute d'un coup Brian redevenu sérieux, les gars, je commence sérieusement à avoir peur pour nos têtes. Regardez ça ! Vous croyez vraiment qu'on va sortir d'ici ? Et quand bien même on sort de cette cave, il y aura des dizaines de sentinelles qui nous attendront ! On ne peut pas passer incognito par magie ! C'est impossible !

– Attends...

– Quoi ? demandent à l'unisson Willy et Brian.

– Mais oui !

– Quoi ? disent-ils, une nouvelle fois.

– C'est tout bête en fait. Brian, tu es génial ! On sort à de rares occasions.

– Oui, mais pour aller aux cabinets.

– C'est justement ça le but !

– Mais on ne sort pas tous les trois en même temps, Chris, me fait remarquer Willy.

– Non, mais en revanche, quand on sort, il faut qu'on se débrouille pour prendre la place d'une garde. On s'en fiche, du moment qu'on ressemble à une fille. On a juste à faire ça, à essayer de passer entre les mailles du filet et, c'est peut-être idiot de ma part de dire ça, mais ça semble tellement simple que parfois c'est ce qui marche le mieux. Et puis... si ça ne marche pas, on aura tenté. On réessaiera encore et encore jusqu'à réussir. C'est tout ce qui compte.

– Se déguiser en fille ? répète Willy, dégoûté.

– Si tu veux sortir d'ici, il va bien falloir faire des concessions, mon pote. Ce qui inclut de faire n'importe quoi pour y arriver au lieu de quoi, tu finiras tes jours ici.

– Mais là, c'est l'extrême quand même, non ?

– Non. Moi ça me va, réplique Brian, tu ne vas quand même pas en faire tout un drame ?

– J'ai vraiment le choix ?

– Non, rétorqué-je, à l'unisson avec Brian.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant