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Willy à 18h26.

Je trottine dans le couloir principal lugubre et immonde, à la recherche de cette maudite salle des surveillantes. Et je pense que je ne dois pas en être très loin à présent.

Ce samedi matin, j'ai passé une épreuve sur l'Histoire politique du dix-huitième siècle. Et autant dire que je me suis littéralement vautré. Pour ainsi dire, j'ai rendu une copie blanche, alors j'avoue que je n'en suis pas très fière.

Et ici, qui dit mauvaise note, dit heure de retenue, voire plusieurs.

Avant, cette heure était une sorte de petite punition avec un devoir imposé. Ou alors nous étions obligés d'attendre une heure pour être libre. Du moins, c'est ce que mon père m'a raconté de ses années d'études, qui étaient totalement différentes de celles d'aujourd'hui, si j'ai bien compris.

Alors que de notre temps, la colle est devenue une session de torture mentale et physique. Donc suite à mon échec, je compte bien mettre la main sur cette évaluation pour y échapper. Je préfère de loin que ma copie s'évanouisse dans la nature plutôt que de subir pareil châtiment, juste pour de la stupide politique qui date de deux cent ans.

Je m'arrête au détour d'un couloir. Le fameux couloir. Celui que toutes les enseignantes ainsi que les sentinelles empruntent chaque jour afin de se reposer, de discuter ou de se réunir.

J'attends quelques secondes avant de me lancer. Je suis qui je suis, mais au fond je ne suis qu'un gros trouillard face à elles. Ou tout simplement, face à la difficulté. Et ma mission d'aujourd'hui, c'est du quitte ou double. Alors il vaut mieux pour moi que je prenne mon mal en patience, afin de réussir mon coup.

Et je fais bien. Un groupe de professeures de tout âge arrive à ce moment-là. Elles sont en pleine discussion et je reconnais l'une d'elles comme étant ma prof d'Histoire-Politique, c'est la seule qui porte sans cesse du rouge de la tête au pied, un look très asiatique de ce que j'en sais. Cette dernière tient dans les bras tout un tas de dossiers, où il y a sûrement parmi eux mon contrôle !

Je les suis de près, à pas feutré. Du moins je fais comme je peux, car je ne suis pas du genre discret à la base. Je rentre le plus vite possible à l'intérieur de la pièce et me cache dans un recoin hors de leurs champs de vision. Il faut maintenant que je ne me fasse pas prendre.

De là, j'attends. Elles discutent de tout et de rien et elles rigolent beaucoup. Visiblement, les femmes vivent sereinement, contrairement à nous. Une des leurs quitte la pièce. Une autre est sur ses talons. Il n'en reste plus que quatre dorénavant.

La plus vieille, à l'allure de femme stricte, les cheveux blanc tiré en un chignon, se lève soudain et se dirige vers l'écran en face des autres après avoir jeté un œil à sa montre. Elle l'allume, puis change plusieurs fois de chaîne pour s'arrêter enfin. Un générique se met en route et une la presse d'augmenter le volume tout en demande aux deux restées assise, de se taire.

Le générique est vraiment très étrange. Il montre des jeunes puis des plus vieux, en conclusion : des hommes. En fond de décors, il y a des paysages tous plus magnifiques qu'irréels les uns des autres. Des montagnes enneigées aux déserts brûlants, des plages paradisiaques aux forêts menaçantes. Tout y passe.

Toutefois, on y voit aussi des créatures répugnantes, mais là je ne m'y connais pas vraiment pour dire ce que c'est exactement. La faune et la flore sont pour moi un vrai casse-tête. On ne sort jamais de ce bâtiment, les animaux qu'on étudie nous ne les voyons que dans les encyclopédies et les manuels de cours. Or, ceux-là dans cet écran sont beaucoup trop bizarres pour être réels je pense.

C'est comme s'ils avaient été inventés ou créés par la femme. Des créatures hybrides au corps métamorphosé ou mélangé avec d'autres sortes d'animaux. Tout comme le fameux Sphinx ou encore les centaures. Mais aussi et surtout comme les sentinelles d'ici.

Ce clip annonce l'arrivée prochaine de la nouvelle saison d'un jeu appelé « The Human Beast ». Autrement dit : La Bête Humaine. Et celle-ci est apparemment la septième édition.

C'est pire que ce à quoi je pensais. C'est une sorte de divertissement pour amuser les gens devant leurs télés, en regardant des hommes dépérir et se faire courser tout le long par diverses choses. C'est inhumain. Je me dis qu'on a vraiment touché le fond, enfin surtout elles.

Nous ne sommes pas des animaux de foire, pourtant c'est ce qui se passe dans cette télé. On nous représente comme des moins que rien, des asservis sans cervelle capturés comme des bêtes sauvages afin de divertir. Nous sommes des choses. Nous sommes des jouets.

C'est monstrueux.

Horrifié, la bile remonte dans ma gorge, m'obligeant à me replier sur moi-même et à me retenir de recracher mon maigre repas sur le sol. La main contre ma bouche, j'inspire et expire afin de calmer mon coeur qui tambourine dans ma poitrine, mais aussi pour apaiser cette envie de vomir qui me tord les entrailles.

Je commence vraiment à m'infirmer ici, il faut vraiment que je me reprenne en main. Et vite.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant