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Dane, dans la prison de Culpa : 13h27

Je sais quel jour nous sommes grâce à une gardienne. Ne l'ai entendu parler avec une collègue à elle et s'extasiait à l'approche d'une émission qui commence dès demain, le Dimanche 25 septembre. Ce qui signifie que cela fait quatre jour que je suis enfermé ici. Mais pour moi, ça semble valoir le triple.

Il est l'heure de déjeuner, une torture pour mon ventre qui ne supporte pas la nourriture d'ici. Visuellement, ça ressemble à un mélange d'aspect gluant, comme si la cuisto avait gerbé dans le plat à servir. Quant à la boisson, c'est de l'eau, je pense que je préfère me remplir l'estomac d'eau plutôt que de substance non identifiée.

Je suis un assouvi, je n'ai pas faim. Je mange par plaisir, même assouvi on peut être gourmand, seulement la gourmandise ici, je ne la trouve pas et même au lycée la nourriture était bien meilleur.

On nous rassemble tous dans la cour intérieure recouverte, fermée de toutes parts. Qu'est-ce qui se passe encore dans cette foutue prison ? Une sentinelle se poste en hauteur afin de se faire voir de tout le monde et braille comme un chien enragé. Tout comme le dernier rassemblement, les forçats se positionnent en une longue rangée d'une vingtaine de personnes en long et de même en large.

Je comprends vite que cela a un rapport avec les numéros. C'est le jour-j. Le jour du condamné. La vie ou la mort. Ou plutôt, la prison ou la mort. Qui est assez idiot pour croire que la liberté est à portée de main ? Comme si elles allaient nous laisser sortir sans rancœur, elles font ça dans un seul but, nous évincer et s'amuser, j'en suis certain.

Mais à quel prix est cette liberté ? Au prix de sa vie ? Non merci. Il y a sûrement un moyen de sortir d'ici sans faire de mal à personne et quand bien même je serais forcé de m'en prendre à quelqu'un, l'assommer serait le meilleur de mes choix. Dans ce monde de brutalité et de non libre arbitre, je reste pourtant le même, malgré tout ça, ma rage de faire des morts ou de torturer des gens ne me passent pas à travers l'esprit. Ça m'est complètement impossible de l'envisager. Je ne suis pas comme Wade, prêt à tout pour m'en sortir. Autant me damner de suite. À jouer comme ça, tu t'attires tous les ennui du monde, toutes les sentinelles t'ont dans leurs collimateurs et surtout Gloria. Autant se faire discret pour réussir ses tours de passe-passe.

La Reine fait son entrée. Je ne la considère pas comme celle qui m'a mise au monde, et qui m'a aimé qu'à peine six ou sept ans de sa vie.

Un brouhaha gronde dans la cour à son arrivée, malgré leurs cerveaux rongés par l'hypocrisie en vue de leur liberté, les prisonniers ne sont pas plus ravis de la voir.

– Je peux comprendre cet enthousiasme, aujourd'hui le sort de quelqu'un va entièrement chavirer et lui appartenir. À lui de se donner corps et âme à la poursuite de demain. Je vais donc procéder au tirage au sort, le numéro élu devra me rejoindre et s'ensuivra son épreuve.

La voix dominante et minaudant comme un chat face à sa proie me donne envie de vomir. Même si je veux sortir d'ici, me retrouver à ses côtés me dégoûtera au plus au point. Ce sera déjà une épreuve pour moi.

– Je suis donc pour aujourd'hui la main innocente qui choisira le futur heureux de cette communauté. Une chance ! N'est-ce pas ?

C'est une blague ? Et le melon ? Elle connaît, ou son cerveau s'engraisse des cochonneries qu'elle doit bouffer dans notre dos ?

Je connais ma mère, elle n'était pas comme ça. La tête que celle-ci a ne présage rien de bon. Je sens son aura, je sais qui elle est. Au fond, elle exulte de nous faire tourner en bourrique pour assouvir SA vengeance. Une vengeance que je n'ai, au diable, jamais compris. 

Cette rancune qu'elle a envers mon père, cette haine qui ne sert à rien. Il savait déjà comment elle était. Invivable. Intenable. Assoiffée de pouvoirs qu'elle n'avait pas au boulot. Elle se vengeait sur lui, lui qui était fils de Roi, mais aussi patron d'une grande entreprise pétrolière. Elle, roturière, manageuse d'une dizaine d'employés dans l'agroalimentaire. On vivait vraiment bien. Grâce à mon père, et aussi à ma mère contrairement à ce qu'elle pouvait croire. Mais ça, elle ne l'a jamais remarqué.
Alors un jour, elle a donné son âme au Diable, et aujourd'hui cette femme abuse du pouvoir qui appartenait jadis à ma mère.

– On tourne et on tourne, encore et encore, sourit-elle faussement comme si on était au loto.

Le sourire fixé aux lèvres, elle lit le premier numéro lentement, ce qui a le don de me faire suer au fil des jetons qui suivent.

– Le 3. Le 6. Le 6, glousse-t-elle vicieusement, encore un 6 et le numéro complémentaire, le 9 ! crie-t-elle enfin, levant le dernier jeton au ciel.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant