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Brian à 9h45.

Ce matin, je sors de mon premier cours bien barbant et pour ne rien arranger, je suis éreinté comme jamais je ne l'ai été.

J'ai cogité toute la nuit après la réunion. Je n'ai pratiquement pas fermé l'œil. Je me fais beaucoup de soucis pour Willy. Hier soir, il s'est encore emporté contre Dane et même si parfois je ne suis pas d'accord avec ce dernier, je reste en retrait et prends du recul sur cette situation qui nous dépasse tous, mais nous excite à la fois.

Willy perd pied, il est beaucoup trop sanguin pour garder son calme face à une information ou à un acte qui ne lui convient pas. Je le comprends au fond. On veut tous la même chose et pour cela, il faut qu'on reste malgré tout soudé.

Bien sûr, il y a toujours des querelles entre amis, rien n'est jamais parfait. Même notre plan pour s'enfuir de là ne l'est pas, j'en suis certain.

Je marche comme un zombie dans le couloir Est du bâtiment menant aux cours de biologie. J'ai du mal à garder les yeux grands ouvert. Je suis trop rongé par l'angoisse et ma mauvaise conscience, celle de fuir, pour dormir sur mes deux oreilles, les yeux bien clos.

Mais pour notre dignité, notre fierté, il faut que nous nous relevions de tout cela. Nous avons trop mordu la poussière, nous avons trop rampé jusqu'ici pour abandonner maintenant. Alors, même s'il faut faire un pacte avec le Diable, je le ferais sans hésiter rien que pour sortir de cet Enfer.

Nous avons tout fait, tout essayé pour faire les choses bien, mais rien ne s'est arrangé. Alors à présent, peu importe comment nous allons procéder, mais nous tenons à obtenir cette liberté. Devenir libre, sortir de cette cage et ranger notre rage si longtemps retenue. En conclusion, nous voulons vivre. Vraiment vivre. Avoir une vraie vie. Goûter au libre arbitre et savoir ce que c'est que d'agir de son propre chef et non sous l'égide de quelqu'un qui vous dicte tout ce que nous devons faire.

J'entre dans la salle de cours, la prof est déjà derrière son bureau à patienter, attendant la sonnerie de début de cours.

Je m'assois à ma place habituelle au deuxième rang à côté de Théo, un pur rebelle, mais qui ne l'est pas totalement pour ne jamais dire ce qu'il pense tout haut et ne jamais agir. En bref, un gros trouillard. Il n'a du cran que lorsque nous sommes tous ensemble dans le dortoir, sans plus aucune femme autour de nous, pour pouvoir enfin cracher sur elles.

La sonnerie retentit. Quand j'y pense, je suis là à écouter un cours d'un ennui monstre alors que dans quelques jours, je serai en cavale vers, je l'espère, un monde meilleur.

Il n'y a plus qu'à croiser les doigts et à espérer qu'Alibi soit vraiment ce que les rumeurs colportent. Alibi, surnommé Sherwood par les élèves de Culpa, est notre porte de sortie et elle se trouve après l'immense territoire de Gloria.

Cela ne va pas être une mince affaire, mais parfois même les plans les plus solides peuvent se révéler faillibles. On va être quatre à s'enfuir. Quatre, ce n'est pas si discret. Ça passe moins inaperçu qu'une ou deux personnes seules.

Je sors de mes pensées au moment même où l'enseignante énumère les pays qui ont basculé, eux aussi, dans une politique féminine.

– Notre voisin, la France, est l'un des derniers pays à être encore sous l'autorité d'un homme politique. Et voyez le résultat, le chômage a une fois de plus augmenté cette année pour dépasser la Grèce ainsi que les pays étant jadis les plus défavorisés. Rappelez-vous, les pays riches d'il y a dix ans sont aujourd'hui les pays en grandes difficultés. Le monde a donc grandement évolué.

Elle continu son monologue que j'écoute à peine. Toute cette antipathie envers les pays qui ont su garder un semblant de normalité me met dans une colère noire. Seulement, je ne dis rien. Non pas que je fais comme Théo. Je ne dis absolument rien, même auprès des autres membres de mon département, les télépathes.

Dane nous a clairement fait comprendre qu'il fallait qu'on soit discrets sur nos intentions et d'éviter d'attirer le regard des femmes et des sentinelles sur nous.

S'il y a un problème, je ne pense pas qu'il viendra de moi, mais plutôt de Willy.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant