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Département des télépathes, Brian

Cette vie infernale me pèse. On dit de moi que je ne suis pas très ouvert aux gens, en même temps, je n'en vois pas trop l'intérêt. Après tout, parler ne sert strictement plus à rien dans ce monde. Je reste souvent sans rien dire, mais j'observe et j'écoute beaucoup, que les gens parlent à voix haute ou non, pendant qu'ils pensent que j'ai la tête dans nuages ou que je suis du genre je-m'en-foutiste.

Pourquoi ce comportement ? Je ne suis ni introverti, ni même timide, c'est parce que je ne fais confiance à personne, je trouve donc le fait d'échanger presque inutile. Parler dans le vent ne fait pas avancer les choses. Les gens n'ont pas besoin de savoir qui je suis et ce que je pense. Ça ne les regarde pas.

J'aime tout garder pour moi, comme ça je ne suis pas dévisagé de la tête aux pieds ou bien même trahi. Même en classe, je suis le plus discret possible. Je ne vois pas l'intérêt de mettre le feu ou de gueuler comme un putois comme Willy pour montrer que je suis là, mais je suis présent et dans ma tête, ça cogite beaucoup.

Aujourd'hui encore, je ne comprends toujours pas pourquoi les femmes nous font subir tout cela. Surtout pour nous, les jeunes. Nous n'avons commis aucunes injustices, nous n'étions que des gamins quand tout s'est écroulé, elles auraient pu ne pas nous en tenir rigueur.

Mais peu leur importe. Nous payons les pots cassés assez durement et d'une manière drastique.

Les cours dans les écoles ont changé depuis que les femmes ont pris le pouvoir. Rien ne ressemble à il y a dix ans. Nous avons des cours de discipline et elles nous montrent ce qu'on peut subir si nous ne sommes pas assez obéissants selon elles.

Alors moi, je ne fais rien. Je reste toujours au fond de la classe, sans broncher, en sachant tout. En connaissant leurs petits problèmes du quotidien, mais aussi dans leur travail et dans leurs familles divisées. Des faiblesses toutes plus exploitables les unes que les autres.

Quand la sonnerie se fait entendre, je peux enfin sortir de ce climat pesant et où s'entremèlent une vingtaine de voix dans ma tête. Un peu de silence ne me ferait pas de mal, mais je dois vivre avec ce don compliqué au quotidien. Je n'ai pas le choix.

Avec une migraine d'enfer, je me presse dans le couloir où je dois rejoindre un pote d'une autre division qui m'attend devant son casier, seul moment avec la cafétéria où on peut se mélanger, car partout où nous allons, les femmes nous surveillent leurs armes à la main.

J'insère ma clé dans le cadenas et récupère mes affaires pour le cours d'après.

C'est vraiment ennuyeux depuis que nous vivons comme ça. Nous ne sommes pas libres de faire ce qu'on souhaite. Nous ne pouvons plus avoir de réel échange avec les autres départements, c'est compliqué quand on a des amis en dehors de la nôtre.

- Tu crois qu'on va finir par s'en sortir ?

- Si on s'organise bien, il n'y a pas de raison, répond Willy, en fouillant dans ses affaires, à mon humble avis, si on fait tout ce qui est prévu, on peut y arriver. Chris fait son job en bidouillant les systèmes, toi tu continues à faire ce que tu sais faire le mieux. Grâce à ton don, on en apprend beaucoup, quant à l'autre blondinet de snob, il papote avec sa soi-disante sœur et met en place les stratégies.

- Et toi ?

- Moi, j'essaye de me faire discret. Tu me connais, je pars vite dans les tours, j'ai juste pour mission de ne pas tout faire capoter.

- C'est compliqué, hein ?

Mon sourire est incontrôlable, mais avec Willy c'est toujours la même rengaine avec Dane, il faut juste savoir le prendre sous son meilleur jour.

- Te fout pas de ma tronche !

- Tu t'abstiens tellement qu'on dirait que tu te retiens d'aller aux chiottes.

Celui-ci me bouscule en avant, avant de ricaner. Finalement, il part de son côté et moi du mien, toujours hilare. Soupirant devant la porte de mon prochain et iminent cours, je m'installe comme à mon habitude au fond pour ne gêner personne, mais aussi er surtout pour pouvoir avoir un oeil sur tout et tous.

J'essaie d'écouter, mais je ne suis pas intéressé. À quoi cela va me servir d'apprendre l'histoire et l'évolution de la femme dans le temps ? D'apprendre leur plus grande réussite ? J'ai contrôle dans deux jours, mais je ne serais peut-être plus dans ce bahut pour le faire.

Le droit de voter, le droit de porter ce qu'elle veut, de s'épanouir professionnellement, de dépenser sans demander avis à son conjoint, d'être libre de dire non sans subir un destin choisi d'avance. Bref, un tas de choses qu'elles sont libre de faire depuis des années. Voilà notre programme scolaire en histoire.

Ce n'est que mon avis personnel, mais j'aimerais que les femmes souffrent autant que nous souffrons en ce moment, dans cette nouvelle ère. C'est une phrase qui irait très bien à Willy d'ailleurs, car il n'en pense pas moins, même s'il ne le dit pas à voix haute. Ce qui mz surprend d'ailleurs...

Certes, elles ont déjà souffert dans le passé, mais je ne pense pas qu'elle l'est été au point où nous, les hommes, en sommes.

Je fais partie d'un groupe qui tend à se venger, sans violence bien sûr. Un groupe qui veut reprendre le flambeau là où d'autres ont échoué. Un groupe qui veut reprendre son avenir en main, pour que nous puissions montrer aux femmes que nous ne sommes pas totalement asservis, pas totalement endoctrinés. Et aussi démontrer que nous avons compris la leçon, depuis tout ce temps passé à réfléchir sur nous-même.

Principalement, on souhaite leur montrer qu'elles n'ont aucun pouvoir sur nous. Nous y arriverons et nous ferons tout pour arriver à nos fins. Elles doivent reprendre leurs places, c'est-à-dire à nos côtés et non à l'opposé de nous.

Nous ne voulons plus de cette guerre inutile et futile.

Nous devons retrouver cette capacité de vivre l'un avec l'autre, car le monde d'avant me manque tellement. La vie de famille surtout, de se retrouver autour d'une table avec ses deux parents, sa sœur et/ou son frère, manger, rire, fêter ensemble toutes les fêtes possibles. Je me demande si un jour cela sera de nouveau possible, même si j'ai connu cet ancien monde qu'à travers mes yeux d'enfant, il me rend terriblement nostalgique.

Pour le moment, je dois me contenter de suivre les cours et de faire comme si de rien n'était. C'est difficile, mais je n'ai pas le choix. J'essaie de relativiser en espérant une sortie prochaine de cet enfer sur Terre.

Beaucoup de garçons autour de moi se demandent intérieurement si la vie vaut la peine d'être vécue. Moi, je pense que oui. On a tous un rôle à jouer sur cette planète, ce n'est pas par hasard qu'on se trouve là. Du moins, c'est ce que je crois.

Le hasard de la vie fait que nous devons payer les conséquences des années antérieures, sous le joug de l'homme et de sa soi-disant puissance. C'est un défi qu'on nous lance jour après jours afin de regagner notre liberté.

À charge de revanche, grâce à cette épidémie qui a tué pas mal d'hommes et peu de femmes, la conclusion est claire : la femme a été plus forte et nous, les hommes, avons été les plus faible.

Elles en ont donc profité pour prendre les rênes et montrer ce qu'elles valent vraiment et elles ont gagné haut la main. Alors au fond, comment leur en vouloir, même si je les déteste pour ce qu'elles ont fait et font encore ? C'est juste le cycle de la vie. Un lion ne reste pas éternellement roi et les concurrents affluent sans cesse afin de le détrôner.

Or, nous ne sommes plus des lions indétrônables, mais des cochons entassés dans un camion douteux, ayant été engraissés au préalable et avançant tout droit vers l'abattoir. Nous ne sommes que du vulgaire bétail, alors que eux, les animaux, sont devenus précieux et protégé.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant