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Épilogue : Chris

Enchaîné aux chevilles ainsi qu'aux poignets, je suis traîné comme un animal qu'on amène à l'abattoir.

Je ne sais pas ce que Gloria a voulu dire quand elle a mentionné ce laboratoire. Elle ne va quand même pas nous étudier comme des rats de laboratoire, j'espère ? Ce qui est certain, c'est que Dane y a déjà mis les pieds. Je me demande s'il nous cache d'autres informations tout aussi morbides encore.

En pensant à lui, je jette un rapide coup d'œil dans sa direction. Il n'a aucune expression sur son visage pâle, il ne laisse rien transparaître, pas même une lueur de colère ou de hantise.

Cette situation m'agace, mais Dane m'irrite encore plus. Il n'ose même pas se débattre, rien du tout ! Il ne fait rien, il n'agit pas, il reste là à se laisser malmener en direction de cet endroit où nous attend soit la mort, soit l'exil. À choisir, je préférerais la deuxième solution. Bien que la mort peut paraître plus sereine face à ce que l'on vit depuis toutes ces années.

Je tente alors d'attirer son attention, en essayant autant que faire se peut de faire des petits bruits plus ou moins discrets afin de le sortir de cette transe, où il semble s'être calfeutré.

Ça semble fonctionner lorsqu'il tourne enfin la tête d'un quart, mais il ne pose à aucun moment ses yeux sur moi. C'est comme si j'étais inexistant. A-t-il des choses à se reprocher pour être aussi froid envers moi ? Ou bien se résigne-t-il à son sort ?

Très vite, je me rends compte qu'on approche dangereusement de ce fameux labo, car les couloirs qu'on emprunte à présent sont d'un blanc immaculé et glacial. L'ambiance est pesante ici, l'odeur d'hôpital me donne envie de vomir. J'ai toujours détesté ce genre d'endroit.

– Assis ! Ici ! ordonne une des sentinelles, son visage continuellement masqué.

– Vous n'en avez pas marre d'obéir à une femme aussi fourbe ?

– Ferme-la ! On t'a dit de t'asseoir ! hurle sa collègue.

Je m'exécute malgré tout, espérant les calmer un peu, une idée derrière la tête.

Elles nous attachent tous les deux sur une sorte de chaise longue qui me fait très vite mal au coccyx. Le confort n'est pas inclus, visiblement.

– Pour moi, ce sera une Pina Colada fraîche. Sans glaçon par contre.

Mon ton railleur et mon sourire narquois les met hors d'elles. Elles me fusillent de leurs regards inhumains et vide de toute émotion. Mais ce que ces sentinelles ne savent pas, c'est que proche de la mort ou pas, je ne les craindrai plus du tout.

– Prie pour ta survie, au lieu de te moquer de nous. Dans quelques minutes, c'est nous qui rirons face à ton air incrédule.

L'autre sentinelle qui ne s'exprime pas beaucoup, s'éloigne dans un recoin de la pièce incolore et peu chaleureuse. Quant à celle qui rit de moi et me fait face, elle me plante des aiguilles un peu partout sur le corps, reliées à une machine énorme dont je ne saurais dire à quoi elle sert, m'arrachant au passage quelques grimaces que je tente de dissimuler par fierté.

Je ne le montre pas, mais j'ai la trouille. J'ai totalement perdu confiance en moi. En effet, je m'attendais à tout, sauf à ce scénario désarçonnant.

– Qu'est-ce qu'elles vont nous faire ? quémandé-je à Dane, alors qu'elles viennent de quitter la pièce.

J'attends une réponse, mais rien ne sort de sa bouche. Il va rester muet jusqu'au dernier moment, c'est ça son but ? Quel lâche !

– Pourquoi tu ne me réponds pas, Dane ? Dane ? Réponds moi, merde !

Tout ce qu'il fait, c'est de fixer ce satané mur blanc devant lui. Quel toupet ! Willy avait-il raison ? Ai-je été aussi aveugle jusqu'ici ? Ce type s'est servi de nous et à présent, il se contrefiche de notre sort.

– Tu pourrais au moins m'expliquer. Je ne te demande pas de rentrer dans les détails, mais seulement de me dire pourquoi, Dane. Pourquoi tu nous lâches ? Pourquoi tu nous as lâchés ? Pourquoi ?

C'est plus fort que moi, mais ce dernier mot est un cri de désespoir. Or, il ne l'entend même pas.

Je m'en veux d'avoir cru en lui.

Comme quoi, une amitié ne tient qu'à un fil. Pourquoi ne sommes-nous pas solidaires entre nous ? Pourquoi faut-il toujours qu'un proche vous trahisse, afin de se sauver lui-même ?

Je suis désabusé. Cette amitié n'est qu'un pavé de mensonges.

Aujourd'hui, je vais sans doute mourir bêtement, à cause d'un type comme lui.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant