28.

44 7 4
                                    

Chris, 22h30

– Sérieusement, les mecs, la technique du camouflage ne marchera pas, se plaint une énième fois Willy.

– Ferme la un peu, râle Brian, dans son coin.

Je commence à devenir fou enfermé ici. surtout avec ces deux-là qui n'arrêtent pas de se prendre la tête. Contrairement à eux, je tourne comme un lion en cage à la recherche d'une tactique qui pourrait nous sortir de cette cage, d'une solution qui fonctionnerait afin de prendre la poudre d'escampette. Mais les idées qui me traversaient l'esprit avaient toutes une faille. Il me faut un plan sans fissures, où tout roulerait comme sur des roulettes.

Hélas, ce n'est pas si simple. Être retenu là ne me rend pas la tâche aisée, je ne sais pas ce qu'il se passe en surface, encore moins ce que le sort nous attend. Et Dane... on n'a plus de nouvelle de lui depuis qu'il s'est rendu aux sentinelles.

Alors je suis là, comme un idiot parcourant des kilomètres chaque jour dans cette maudite geôle, tout en essayant de me creuser les méninges.

Vingt-deux heures est passé, l'horloge sur le mur d'en face est la seule chose moderne qui se trouve dans ces égouts, ou je ne saurais comment nommer cet endroit infâme.

– Alors ? me demande Brian, soudain apparu à ma droite.

– Alors quoi ? Tu crois que j'ai la science infuse ? Tu crois que je vais te pondre une clé pour sortir d'ici ? Tu crois que je suis qui en fait ? m'emporté-je, bien malgré moi.

– Chris, intervient fermement Willy.

– Fermez-là ! J'en ai plus qu'assez de vous entendre piailler toute la journée ! J'en ai marre de vos engueulades et de votre négativité ! Je n'en peux plus, vous m'entendez ? J'en ai par-dessus la tête de vos histoires !

Je m'emporte beaucoup trop, pour me calmer je me recroqueville dans un coin de la cellule encore tremblant de colère. Je perds la boule, je perds la notion du temps, je perds ma liberté. J'ai tout perdu. À quoi bon chercher une issue à tout cela ? Rien ne sera jamais plus comme avant. Quoi qu'on fasse, nous serons à jamais privé de notre libre arbitre. C'est notre destin et on doit s'y résoudre.

– Chris, commence Willy, tu commences à devenir taré dans ce trou. Nous ne sommes pas tes ennemis. Ressaisis-toi ! C'est exactement ce qu'elles attendent. Elles veulent qu'on s'entretue pour nous rendre faible. Elles veulent qu'on perde confiance en nous même et en nos amis. On n'ira pas loin si on commence comme ça.

– C'est toi qui dis ça ? rétorqué-je, ahuri par son culot.

– Je sais que je ne suis pas un modèle de vertus. Mais tu me connais, je suis toujours comme ça. Je ne suis jamais content, je râle tout le temps, j'ai sans cesse envie de tout casser. C'est moi. C'est mon département. je suis un télépathe, Chris. Remets-toi debout, garde la tête froide. On est trois, ensemble on peut réussir.

– Il a raison, appuie Brian, plus discret.

Je baisse la tête. J'ai honte de la manière dont je viens de m'exprimer envers eux. Je me suis emporté et ce n'est pas moi. Willy a raison, J'ai des atouts et je dois m'en servir. Nous devons nous en servir tous les trois.

– Très bien, capitulé-je, la voix enraillée par ma folie,j'admets que j'ai été trop loin. Je vais me reprendre. Désolé...

– Ne t'excuse pas, frangin, lance Brian d'un air compatissant, on te comprend. Rappelle-toi que nous sommes tous dans le même bateau. Alors on doit se serrer les coudes, coûte que coûte. Peu importe ce qu'il se passe, on reste et on restera ensemble. On s'est enfui de Culpa, on est à Gloria maintenant. D'accord, on ne sait pas où exactement, mais on est plus proche de Sherwood qu'avant. On touche presque au but. Alors ce n'est pas encore le moment pour se balancer des tomates sur la tronche. Ce qui se passe entre moi et Willy, c'est compliqué, on s'est toujours querellé pour des puérilités. N'y prends pas cas.

– « Le candidat de cette année ne semble pas très physique. Il tente tant bien que mal d'éviter tous les obstacles semés sur son passage. Ouah ! Il a réussi à trouvé un lieu pour se réfugier. Il n'est peut-être pas si bête qu'il n'y paraît. Mais comment va-t-il se débrouiller pour... »

– Qu'est-ce que c'est à votre avis ? demande Brian, en fixant le haut-parleur dans un recoin des égouts.

– Le fameux jeu, objecte Willy.

– Quoi ? Quel jeu ?

– Elles l'ont créé il y a de ça sept ans. « The Human Beast » elles l'appellent. C'est... une sorte de divertissement assez glauque, qui met en avant des hommes de n'importe quel âge. Ils doivent affronter tout un tas de choses bizarres et improbables. On en a parlé l'autre jour, vous ne vous en rappelez pas ?

– Comme quoi ? Quelles choses improbables ? interviens-je, en me redressant d'un coup.

– Le dernière fois que j'a vu un extrait, c'était quand je m'étais planqué dans la salle des surveillantes au lycée. Je voulais retrouver ma copie du contrôle d'histoire politique que j'avais carrément loupé. J'avais révisé, mais devant la copie je me suis retrouvé paralysé, sans plus aucun souvenirs de...

– Willy, le presse Brian.

– Ah ! Oui, pardon. Dans l'extrait que j'ai vu, le mec courrait dans une ville abandonnée. Et il y avait un truc vraiment trop louche qui le poursuivait. C'était énorme. Je crois... je crois que cela ressemblait à un énorme rat. Je vous assure ! C'était un truc dégoûtant à voir. Une espèce qui n'existe pas ! Comme si elle avait été modifiée ou créée exprès pour ce jeu de malade.

– Ce n'est pas possible ! Ce ne peut pas être réel !

– Je t'assure, Chris. Je l'ai vu de mes propres yeux.

– Mais alors, tous les hommes servent à ça ?

– Tout ceux qu'elles capturent, je crois.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant