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Dane : 15h13

Je suis paralysé sur place. Que devrais-je dire ? Et surtout, comment suis-je censé réagir ?

Devant moi, une horde indénombrable d'hommes de tous les âges confondus me toisent d'un regard inquisiteur.

Je ne sais pas quoi faire. Face à moi, cette voix grave qui m'a parlé il y a quelques minutes s'approche de façon à ce que je sache que c'est lui qui dirige tout ce beau monde.

Enfin, ce n'est qu'une façade. Je ne devrais pas dire lui, mais plutôt elle.

À mon grand étonnement, celui qui se proclame le leader de ce groupe est une femme.

Elle se tient comme un bonhomme. Les jambes écartées comme dans les vieux films du far west, les bras croisés, le regard insistant, droite et sûre-d'elle. Cette dernière arbore une coupe à la garçonne. Je dirais qu'elle est châtain foncé, mais la poussière du sol dans sa coiffure ne m'aide pas à le confirmer. Tout comme les hommes derrière elle, des marques ou tatouages du genre tribal sont dessinées sur son visage et tout le long de ses bras. Sa tenue d'un genre nouveau. m'étonne aussi. Comment décrire son style vestimentaire ? 

Guerrier, sombre, steampunk, avec plusieurs couches de vêtements de la même teinte. On dirait des combattants des forces obscures d'un temps nouveau. Étrange.

– Qui es-tu ? Pourquoi es-tu là ? Qui t'envoie ?

– Euh... ça fait beaucoup de questions d'un coup.

– Réponds, ordonne-t-elle, d'une voix tranchante.

– OK, très bien ! Je me nomme Dane. Je viens de Culpa, du lycée précisément. Vous connaissez ?

Je les observe un à un, mais personne ne bronche.

– Quelle est la raison de ta présence sur notre territoire ? reprend-elle, sèchement.

– Je ne sais pas. J'ai été envoyé ici contre mon gré.

– Tu sais donc qui t'envoie ?

– Je pense le savoir, en effet.

– Dois-je te pendre par les pieds pour avoir une réponse décente ?

Eh ben ! Elle est directe celle-ci.

– Gloria. C'est Gloria qui m'a envoyé ici, réponds-je, impressionné par son imposante stature.

– Dane, alors ? Eh bien mon cher Dane, pourquoi es-tu là ? Qu'as-tu fait à notre bien aimée Gloria pour qu'elle te jette dans la fosse aux lions ?

– J'ai... je me suis enfui de mon lycée. Avec des amis. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus d'ailleurs. Si vous savez comment sortir d'ici, je vous en serai gré de me le dire afin que je puisse les retrouver et les sauver.

Elle ricane. Ses yeux moqueurs passant de gauche à droite pour regarder ses... sbires ? Ses dévoués ? Ses esclaves peut-être ? Je ne saurais comment les définir.

– Tu as un langage très soutenu, pour un simple étudiant de pacotille.

– De pacotille ? répété-je, touché dans ma fierté. Mes amis ne sont pas des étudiants de pacotille !

– Et fidèle on dirait, constate-t-elle, le regard suspicieux.

– Qu'est-ce que vous me voulez à la fin ?

– Ton nom. Entier. Je veux le connaitre.

Je ne peux pas lui révéler mon nom. Cela reviendrait à m'auto anéantir et je ne souhaite en aucun cas être associé à ma chère mère, l'ancienne reine. Elle est ce qu'elle est, mais moi je ne suis pas comme elle. Et même si je suis son fils, je ne ferais rien pour la protéger. Plus maintenant. Pas après tout ce qu'elle m'a fait. Elle m'a jeté dans l'arène, dans un endroit où la mort nous guette à chaque recoin sans rien avoir fait pour me sortir de là. 

Elle n'est plus ma mère. Elle est devenue une cible à abattre dès lors où elle nous a abandonné. Et dorénavant, je partage les pensées de tous les hommes qui souhaitent se venger d'elle, bien qu'elle ait été mise à l'écart. Même s'ils pensent que c'est elle qui gère encore ce pays d'une main ferme.

– En quoi cela est si intéressant ?

– En quoi cela ne l'est-il pas ?

– Un nom de famille ne veut strictement rien dire. Il ne définit en rien qui je suis.

– Peut-être bien. Tu n'auras donc pas de mal à nous le révéler, tôt ou tard.

Elle fait la moue face à mon silence, visiblement songeuse.

– Très bien. Tu me le diras juste après ce que je compte te faire. Après, on en rediscutera. Et plus sérieusement. Pas de blabla, pas de mensonge. Tu n'éluderas aucune de mes questions.

– Et si jamais je n'en ai pas envie ? lancé-je, afin de la défier.

– Alors ce sera simple. On te laissera voler vers un autre monde bien plus horrible et infernal que ceux que tu as pu parcourir jusqu'ici.

– Très bien. Et vous comptez faire quoi avant cet interrogatoire ?

– Ceci, rétorque-t-elle, en s'approchant d'un pas déterminé.

Elle agrippe une chose que je ne vois pas et que je ne soupçonne pas du tout. Elle prend mon visage entre ses mains et le tire. 

Elle me fait mal ! Elle m'arrache la peau ! J'ai les yeux qui me brûlent, qui me lancent. J'ai mal ! Je crie. Je hurle tellement au point que je m'époumone, n'étant plus capable de sortir un son de ma gorge.

– Arrêtez ! Pitié arrêtez !

Or, elle continue de tirer de plus en plus fort. Puis soudain, dans un craquement dégoûtant, elle recule de plusieurs pas tenant une chose ronde et blanche à la main.

Moi je reste là, les mains tapotant mon visage. Qu'est-ce qu'elle m'affligé ? 

Tout autour de mes yeux, une douleur languissante me cloue sur place. Je saigne. A travers ma vue floutée par mes blessures, je distingue mes mains dégoulinantes de sang.

– Répondez-moi ! Qu'est-ce que vous m'avez fait ?

Je la vois s'approcher de nouveau, un petit rictus victorieux sur ses lèvres pulpeuses. Elle me tend alors un objet. Je le prends sans distinguer ce que cela est réellement.

– Un masque virtuel. Elles te l'ont implanté dans la chair, tu entends ? Regarde autour de toi comme le paysage a changé. Tu n'es plus sous leur contrôle. Tu es dorénavant libre de tes gestes.

Je secoue la tête, médusé et incapable de comprendre. En effet, le paysage n'est plus du tout le même. 

Autour de moi, tout est magnifique. L'herbe verte réside en abondance, l'eau bleue lagon qui m'entoure me fait réaliser que je suis sur une île. C'est paradisiaque, mais ma méfiance prend le dessus.

– Non ! Cela ne peut pas être possible !

– Dane, bienvenue à Alibi. La terre des bannis.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant