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Tard le soir, quelque part dans les caves de Belgh

Ce soir, je patiente dans une des caves du sous-sol jadis emmurée, nous permettant ainsi de se réunir illégalement sans que personne ne l'apprenne.

J'attends Brian, Chris et Willy. Ils ne devraient plus tarder à présent. Il est presque onze heures du soir, l'heure du rendez-vous habituel que nous nous donnons chaque semaine depuis un an maintenant.

Je dois leur révéler les informations que ma sœur m'a annoncées la veille au soir. Tout ce que chacun de nous entend ou apprend, on le partage durant cette réunion afin de nous aider à avancer dans notre funeste destin que l'on veut contrecarrer.

Quelqu'un frappe à la porte. Derrière celle-ci, je demande le mot de passe.

YOLO, me répond une voix faiblarde.

Je lui ouvre, c'est Chris. Je l'avais presque deviné.

– Où sont les autres ?

– Je ne sais pas, je ne les ai pas vus sur le chemin.

Ça me chiffonne, ils sont en retard de cinq minutes. Ce n'est pas leur genre. Est-ce qu'il y a eu un imprévu ?

– Tu as bien fait attention ?

– Je me suis faufilé tel un chat en pleine chasse. Pourquoi ?

– Ce n'est pas leur genre d'être en retard, expliqué-je, les yeux dans le vague.

Les minutes s'égrènent. Je scrute sans cesse ma montre. Ça fait maintenant une bonne vingtaine de minutes qu'on les attend. Je tourne en rond, je me pose tout un tas de questions. J'ai peur qu'il leur soit arrivé quelque chose de grave.

Trente minutes sont passées quand on frappe enfin.

– Mot de passe ? demandé-je, la voix tendue.

YOLO, dit une voix sèche.

Devinant que c'est Willy, je respire à nouveau. J'ouvre la porte et je le découvre avec Brian à ses côtés.

On s'assoit tous autour d'un carton posé au centre et nous nous mettons à l'aise tout en grignotant ce qu'on a réussi à piquer le soir même à la cafétéria.

Enfin, je peux me détendre.

– Alors ces nouvelles ? me demande Brian en brisant ce magnifique silence.

– Frustrantes et peu rassurantes.

Parler me fatigue, mais je suis l'instigateur de ce mouvement, alors je dois prendre sur moi.

– Ce n'est guère très surprenant, réplique Chris, Willy m'a dit que le système serait renforcé d'ici peu de temps. C'est donc vrai ?

– Pire que ça. Deux fois plus de sentinelles. Deux fois plus de comptes à rendre. Des sanctions de taille vont être votées et les garçons qui ont de la famille à Alibi seront dans le collimateur de Gloria.

Je ne me sens pas du tout coupable de leur mentir car pour moi ce n'est pas un mesonge, mais une omission. Je les préviens sur les sentinelles au lieu des gardiennes. Cependant, je ne dois pas leur dire qu'ils vivent dans un tout autre monde. Un monde robotisé de la tête aux pieds.

– Toi et Brian, vous allez devoir faire gaffe, continue Chris.

– Sans parler de nous, Gloria connaît l'existence de regroupements comme le nôtre. Il va y avoir plus de rondes et plus de militaires appelés pour surveiller le soir en plus des sentinelles.

– Ces sales bestioles... râle Brian.

– La pire création que la femme a créée. On dirait des femmes venues d'outre-tombe, ajoute Chris, Dane ? Tu comptes faire quoi ?

– Continuer. Je ne vais pas m'arrêter à ça. Rien ne m'empêchera de retrouver celles que j'aime. Ma mère et ma sœur. Et surtout les gars, surtout, je ne veux pas que votre haine prenne le dessus. Il ne faut pas qu'il y ait de soupçon. Les femmes ne sont pas toutes aussi odieuses. Certaine se font embarquer dans cette tourmente sans avoir vraiment le choix. Il y en a plein. Vous le savez au fond. Alors, j'aimerais que les choses soient claires : ne les traitez pas comme elles nous traitent. Montrez-vous plus intelligents. Ne les rabaissez pas, ne les sous-estimez pas non plus. Soyez cordiaux avec elles et elles le seront avec vous.

– C'est comme ça que tu fondes ta popularité ? me questionne Brian, d'un ton condescendant.

– Très précisément ? Oui. J'essaye de relativiser.

– Et bien ça ne va pas être aussi facile pour moi.

– Je sais, mais c'est temporaire. Dites-vous ça, les gars. Dites-vous qu'au bout du chemin, la liberté nous tend les bras.

– C'est facile pour toi de dire ça.

– Pas plus que vous, rétorqué-je, piqué au vif.

– Dane aussi est en danger. Plus que Willy et toi Brian. Sa mère et sa soeur travaille pour Gloria. Il peut tout perdre !

– Tu te moques de nous, Chris ? ricane Willy. Il vient de dire qu'il voulait sauver sa sœur et sa mère, alors que ces deux-là conspire avec la reine !

– Je la pense endoctrinée, interviens-je, dépassé par leur querelle.

– Endoctrinée, tu dis ? s'emporte une fois de plus le psychopathe. Tu rigoles ? Tu veux que je te rapelle une chose ? C'est Gloria qui a créé tout ça avec l'aide de femmes comme ta mère ! Bon Dieu Dane, réveille-toi bordel !

– On remet ça quand ? conclut Chris calmement, afin d'éviter un esclandre.

– Je vous ferais parvenir un message et le nouveau code secret. Ne dites rien à personne sur ce qu'on vient de dire, ça pourrait tout foutre à l'eau. Et surtout, restez discrets. Les enseignantes et les gardiennes ne feront pas attention à vous. Vous savez ce que vous avez à faire...

– À demain, vieux.

Chris part en premier suivi de Brian qui secoue la tête, ne partageant pas mon point de vue. Willy, quant à lui, me fusille du regard avant de prendre la poudre d'escampette telle une scène de tragédie romaine.

Il est beaucoup trop colérique et son caractère va nous poser un gros problème. Je pressens le pire s'il ne se reprend pas dès maintenant.

La Bête HumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant