Chapitre deux

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Un... Bar... ?

Je ne sortais jamais dans les bars. Par manque de temps, ou en tout cas il s'agissait de l'excuse que je donnais à ceux qui m'invitaient. En réalité, je n'aimais tout simplement pas cela. 

Je trouvait qu'il y avait quelque chose de profondément angoissant dans ces lieux. Peut-être s'agissait-il de la musique, ou du sol poisseux. Ou encore de l'odeur de sueur ambiante et profondément désagréable. Sans mentionner l'accident, bien sûr. Je souffrais encore de nombreuses crises de panique et hallucination, mais je pouvais passer quelques heures dans un bar sans trop en souffrir.

Ou du moins, je l'espérais. 

Pas à dire, j'étais hors de ma zone de confort. Et, j'attirais les regards. Le mauvais genre de regard. Encore vêtue de ma tenue de travail, j'avais tout de même eu le tact de ne pas venir en uniforme. Mon tailleur semblait tout de même décalé comparé aux robes et jupes que je voyais. 

— Inspectrice ? entendis-je.

Il était là.

Samael Blake.

J'avais beaucoup entendu parler de lui. Il s'agissait d'un de nos contacts réguliers. Les mages nous aidaient parfois. Souvent en l'échange d'une protection, ou d'argent. Ils avaient la réputation d'être opportuniste, et mon service se servait de cela. 

Mon patron pensait que Samael pourrait éventuellement m'aider. Les meurtres semblaient teintés de magie, et quelque chose de beaucoup plus grave se dessinait sous nos yeux. Ainsi, nous n'avions pas une seconde à perdre.

Mon service gérait différemment les enquêtes liées au monde de l'ombre. Ainsi, j'étais à la tête de cette affaire, mais je devais aussi la gérer pratiquement seule. En un espoir de garder le tout relativement discret. J'étais donc livrée à moi même face à Samael.

— Enchantée, monsieur Blake.

Je fis enfin volte-face pour voir mon interlocuteur. Et, il me sembla que le monde s'arrêta soudainement de tourner.

Je n'avais jamais vu personne comme lui. Cliché, je sais. Mais, c'était vrai. Et pourtant dieu savait que je côtoyais beaucoup de monde pour mon travail. Il n'était pas si grand, tout juste quelque centimètre de plus que moi. Ses cheveux gris, presque blanc, était coiffé en arrière. Je ne parvenais pas à déterminer s'il s'agissait d'une couleur ou non, mais sa barbe de quelques jours était également de la même couleur. 

Il portait une chemise blanche rentrée dans un pantalon de travail noir. Et il avait des yeux d'une couleur extraordinaire. Un vert surnaturel, qui semblait crépitait comme un feu magique. Ses traits étaient presque trop beaux pour être réels, et je ne pus m'empêcher de me demander s'il s'agissait d'un sort. Et qu'il me cachait ainsi son véritable visage.

Puis il me semblait étrangement... Familier. 

— Pourquoi un bar ? demandais-je.

Troublée, cette question fut la première qui me vint. Lorsque j'avais contacté Samael ce matin, avec une copie de mon dossier et un contrat, il m'avait proposé de le rencontrer le soir même dans un bar côté de la ville.

— Pourquoi pas ? J'adore les bars. C'est... moins officiel. Et comme on doit parler d'un sujet très lourd, je me suis dis que c'était plus adapté. 

J'inclinai la tête tout en le regardant, encore perturbée. Mais, d'un geste de la main il m'indiqua une chaise tirée pour moi. Il avait réservé une petite table pour deux personnes, située dans le coin de l'endroit. 

Discret, nous étions relativement isolé. En tout cas, autant que nous pouvions l'être dans un lieu si rempli. Je pris place, sans ajouter quoi que ce soit.

— Je ne peux pas parler de l'affaire ici, lui dis-je finalement.

— Et pourquoi pas ? demanda-t-il en s'asseyant face à moi.

Je reculai, laissant mon dos s'appuyer contre le dossier inconfortable de la chaise en bois.

— Est-ce qu'une bière vous aiderait ? ajouta-t-il.

— Non. Je ne bois pas pendant que je travaille. 

— Je suis du travail ? 

— Bien sûr.

Il posa les mains sur son coeur, comme s'il était blessé. Pendant ce temps, je lançais un regard circulaire sur l'endroit. Repérant mentalement toutes les sorties, au cas où une incendie décidait de partir d'une seconde à l'autre. 

— Il y a trop de monde, lui dis-je. C'est confidentiel.

— Alors pourquoi avoir accepter notre rencontre ?

— Je voulais vous voir.

C'était vrai.

Ma curiosité avait pris le dessus, je désirais le rencontrer. Savoir enfin qui il était. Ses yeux se mirent à pétiller, et le feu qui y brûlait s'enflamma encore plus. 

— Tutoies-moi, veux-tu ? 

— Ce n'est pas professionnel. 

— Ah, soupira-t-il avec un soupir théâtrale, une mordue des règles ? 

J'avais failli mourir car je n'avais pas respecter les règles, quelques années plus tôt. Mais je ne lui dis pas ça, au lieu de cela je me contentai de le fusiller du regard. Désormais, j'avais passé ma surprise initiale liée à son physique.

Et je le trouvais simplement agaçant. 

— Elles existent pour une raison. Votre monde en possède beaucoup également, vous devriez le savoir. 

— Absolument, m'accorda-t-il. Mais l'une d'entre elle est de ne pas faire affaire avec les humains. Nous n'irions pas bien loin si je la respectais, n'est-ce pas ? 

— C'est vrai, concédais-je.

J'acceptait de lui accorder ce point. Notre conversation tournait en rond, mais il semblait se délecter de cela. 

— J'ai lu ce que tu m'as envoyé, dit-il finalement.

Il revenait sur le sujet d'origine, j'en fus reconnaissante. Bien que je refusais d'en discuter les détails ici , nous pouvions au moins le survoler.

— Qu'en pensez-vous... tu ? demandai-je.

— J'ai besoin de voir les corps. Pour l'instant, ça ne m'évoque aucun sort ou rituel en particulier. Je vais faire des recherches, mais comme je te l'ai dis...

— Tu veux aller à la morgue, compris-je.

J'hochai la tête. 

— Demain, lui dis-je sans hésitation. Dix heures, devant le commissariat. 

— Je pensais ne pas avoir le droit d'entrer là-bas.

C'était vrai. Il était stipulé dans son contrat qu'il n'avait pas le droit d'accéder à plus d'informations que nécessaire. 

— Je suis à la tête de cette enquête, j'imagine que c'est ma décision... On fera vite. 

— Pas si respectueuse des règles au final, n'est-ce pas ? 

Je fermai les yeux, pour essayer de calmer le mal de crâne que cette conversation me donner. 

— J'ai eu une longue journée, lui dis-je finalement. Je reviens sur ma réponse concernant l'alcool. Je déteste la bière, mais un gin tonic me ferait du bien.

— Tu vois, me rétorqua-t-il avec un clin d'oeil. Je le savais, toi et moi allons très bien nous entendre. 

Déchéance [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant