Déchéance [Terminé]

Chapitre dix-sept

C'était le coeur léger que je me dirigeai vers mon appartement. J'avais passé environs trois heures avec mes supérieurs. Plusieurs choses en étaient ressorties. 

Nous manquions de preuves, évidemment. Nous ne pouvions pas inculper le Covent Ambré aussi aisément. Cependant, une descente serait organisée dans leurs locaux et je ne doutais pas une seconde que nos équipes trouveraient le nécessaire.

Ensuite, Samael allait devenir un témoin protégé. Plusieurs options s'offraient à lui et j'avais bon espoir que cette nouvelle le ravisse. Me concernant, une promotion m'attendait. Bien sûr, seulement si la descente était concluante. Mais, à nouveau, je ne m'inquiétais pas trop à ce sujet là. 

Ainsi, un immense poids semblait s'être enlevé de mes épaules. Je ne pouvais pas dire que la situation était complètement réglée, mais nous allions dans la bonne direction. Les meurtres allaient enfin s'arrêter. 

J'espérais pouvoir apporter un peu de paix aux familles lorsque nous réussirions à identifier les corps. 

Une autre pensée occupait mon esprit tandis que je marchais dans la rue, un sac en plastique dans la main. J'avais acheté du chinois dans mon restaurant préféré. J'espérais que cela conviendrait à Samael. 

Lui. Justement. Son prénom, son visage, tournaient en boucle dans mon esprit. Comme si toutes mes pensées lui étaient destinées. Avec la découverte de mes pouvoirs, nous allions passer beaucoup de temps ensemble.

J'espérais qu'il accepte de me donner des leçons tandis que je gardais mon travail. Je n'avais pas parlé à mes supérieurs de mes capacités, et n'avais aucunement prévu de le faire. Je ne possédais pas assez d'informations à ce sujet.

De plus, je devais l'avouer, j'avais peur. Peur des retombées, peur des conséquences. Bien que je n'avais pas choisi cette situation, elle pouvait complètement bouleverser ma vie. 

Ainsi je faisais la chose la plus simple : ignorer mon problème. Je savais que ce n'était pas une solution viable, mais je préférais penser aux détails plus tard. Dans l'immédiat, tout allait bien. 

Ce fut en ayant ces pensées que j'atteignis finalement la porte d'entrée de mon immeuble. Impatiente de partager mes bonnes nouvelles avec Samael, je gravis les marches deux par deux jusqu'à arriver devant chez moi.

— Je suis là ! m'exclamais-je en rentrant.

Sans vraiment prêter attention à l'intérieur de chez moi je retirai mes chaussures tout en posant mon butin par terre. 

J'entendis du bruit à ma droite et me tournai pour saluer Samael. Puis, m'arrêtai net dans mon mouvement. 

Ce dernier avait un air... Étrange sur le visage. Il s'était changé, donc avait dû repasser chez lui au lieu de simplement rester ici. Sa peau pâle semblait prendre une teinte verdâtre, et je ne pus m'empêcher de me demander s'il était malade. 

— Ça va ? 

Samael me sourit tristement et quelque en moi se réveilla. Un instinct qui m'indiquait que quelque chose n'allait pas. Cependant, je ne possédais pas mon arme sur moi.

Je parcourus mon salon du regard, mais il n'y avait rien hors de l'ordinaire. Pourtant, il continuait de me fixer ainsi. Tristement... Presque menaçant. 

— Samael ? insistais-je.

Son absence de réponse m'inquiétait également. 

— Je suis désolé, me dit-il.

— Pourquoi ? J'ai des excellentes nouvelles...

Il secoua la tête comme pour me signaler que cela n'avait aucune importance. Dans ma poitrine, le battement de mon coeur s'intensifiait sous l'adrénaline qui se déversait dans mes veines. J'essayai de l'ignorer, me convaincant que tout cela était dans ma tête.

— Désolé pourquoi, Samael ? insistais-je. 

— J'ai bien peur que votre cher ami ait une dette à rembourser.

Une nouvelle voix venait de parler. Je sursautai en l'entendant, me retournant pour sortir de chez moi à toute vitesse. Ma porte était fermée, le battant ne s'ouvrait pas, comme magiquement coincé. 

Je glissai les yeux sur Samael qui me dit non de la tête. Il articula des mots dans ma direction, mais je ne les compris pas. Il les répéta à nouveau... il me sembla lire "confiance" sur ses lèvres. Me demandait-il de croire en lui ? 

Kyros émergea de ma salle de bain. Je ne pensais jamais revoir ce dernier. Il avait l'air encore plus menaçant que la dernière fois que je l'avais vu. 

— Une dette ? répétais-je. 

Du regard je fouillai l'espace du regard. Il n'y avait rien qui pouvait m'aider. Ces deux hommes avaient de littéral pouvoirs, et je craignais ce qu'ils me feraient si j'essayai quoi que ce soit. 

Mon coeur battait encore plus vite tandis qu'un long frisson parcourut mon échine. J'étais coincée. Bloquée, comme un animal en cage. 

— Envers moi, m'expliqua Kyros. Et une guérisseuse ferait parfaitement l'affaire pour la rembourser. 

— Samael, de quoi parle-t-il ? 

Une urgence non feinte se faisait entendre dans ma voix tandis qu'un haut le coeur soulevait mon estomac. 

— Je suis désolé, me dit-il. C'était la seule solution. 

— Pourquoi ? De quoi... De quoi tu.. ? 

Je ne parvenais pas à articuler, la panique m'empêchait de réfléchir clairement. Tout dans la pièce me parut soudainement glacé, tout comme le regard que Kyros posait sur moi. 

— Je suis désolé, répéta Samael.

Ce fut la dernière chose que j'entendis avant de sombrer dans l'obscurité. Incapable de savoir ce qui allait m'arriver, ni même si je me réveillerai un jour.